Tunisie : ne faisons pas avec l’université le lieu d’un commerce parallèle

Mansour Mhenni

Mansour Mhenni

Dans la dynamique qui anime la réforme de l’Enseignement supérieur, les avis divergent sur plusieurs questions et c’est sans doute heureux pour la démocratisation du secteur. Cependant, comme en toute démocratie, on peut parfois se heurter aux défauts de certaines qualités qu’on recherche, sans doute par manque d’interaction suffisante entre des arguments et leurs opposés.

Cette fin de mars est marquée surtout par la consultation sur les différentes élections universitaires : les conseils scientifiques et les conseils d’université, les doyens ou directeurs d’établissement et les présidents d’université. Deux formules dominantes en concurrence pour ces dernières, le suffrage direct de toute la famille de l’établissement concerné, ou l’élection du premier responsable par le conseil scientifique. Pour les uns, la première formule est populiste et de nivellement par le bas ; pour les autres, la seconde est ségrégationniste et cultive le mandarinat classique.

Nous pensons que la première formule l’emportera, au terme de la consultation. Par la loi du nombre, sûrement. Mais quelle que soit la formule gagnante, il faudra bien s’en accommoder, davantage pour y trouver le moyen de développer le secteur que pour y chercher une zone d’influence ou un instrument de pouvoir à même de servir les intérêts d’un collège ou de quelques personnes. Faire de l’émulation électorale un exercice d’engagement pour l’intérêt de l’ensemble, voilà ce qui devrait commander l’action des intellectuels et des universitaires afin que l’intelligence, la connaissance et la science soient toujours les piliers principaux d’une culture et d’une conscience cultivant et consacrant les hautes valeurs de l’humanité et l’éthique fondatrice du vivre-ensemble. Telle est de fait la principale mission de l’Ecole, comme façon d’être à soi et à l’altérité, cette école qui commence au berceau et qui finit au tombeau.

Partant de ce principe et dans le respect du droit absolu à toute revendication, je suis parfois étonné que l’on se mobilise pour demander ce qui pousse à la paresse ou à l’improductivité, surtout dans le domaine de la science. En effet, j’ai pu lire que certains collègues cherchent à alléger le plus possible les dossiers de promotion scientifique et de passage de grade. Ce serait vraiment malheureux pour l’Université tunisienne dans le concert de ses paires ! Ce serait alors le premier coup de pioche que l’on donne à un édifice jalousement construit depuis l’Indépendance et déjà sensiblement affecté par trop de laxisme et de concessions mal étudiées.

Que les jeunes universitaires-chercheurs revendiquent plus de moyens et des adjuvants conséquents à leur ambition d’aller le plus loin possible dans la quête de la connaissance et dans l’exercice de l’intelligence, rien de plus légitime ! Qu’ils exigent des systèmes de contrôle empêchant tout abus, surtout l’abus de pouvoir, rien de plus raisonnable ! Toutefois, dans tout cela, le respect de la notion de valeur et de qualité doit rester inaltérable et devrait constituer la motivation fondamentale de l’idée même de promotion.

Ne faisons pas avec l’université, déjà malade de plusieurs insuffisances, le lieu d’un commerce parallèle du savoir approximatif et d’un semblant d’intelligence, sinon c’est la conscience de citoyenneté et le sens d’humanité qu’on détruirait ou qu’on déformerait au profit d’une sauvagerie dont on voit pointer le museau à chaque coin de rue.

Mansour M’henni

Remarque : le titre par la rédaction