Téhéran menace de revenir à la situation d’avant l’accord sur le nucléaire de 2015

L’Organisation de l’énergie atomique d’Iran (OEAI) a annoncé lundi 15 juillet que Téhéran envisageait de revenir à la situation d’avant l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 à moins que les signataires européens ne remplissent leurs obligations, a rapporté la chaîne télévisée officielle.

La mesure de représailles de l’Iran visant à réduire certains de ses engagements vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire, le Plan d’action global commun (JCPOA), rentre dans le cadre de l’accord qui stipule que si l’une des parties ne respecte pas ses engagements, l’autre partie a le droit de reconsidérer ses obligations, a affirmé le porte-parole de l’OEAI Behrouz Kamalvandi.

« Si les Européens et les Etats-Unis ne respectent pas leurs engagements, nous contrebalancerons leurs actions dans le cadre de l’accord en réduisant nos propres engagements et reviendrons à la situation qui prévalait il y a quatre ans », a-t-il ajouté.

L’Iran et six grandes puissances mondiales avaient signé en 2015 cet accord historique pour mettre un terme aux controverses autour du programme nucléaire iranien. En vertu de l’accord, l’Iran avait accepté de freiner de grandes parties de son programme nucléaire sensible en échange de la levée des sanctions imposées par l’ONU et les pays occidentaux.

Cependant, le président américain Donald Trump a décidé l’année dernière du retrait de Washington de l’accord et a de nouveau imposé des sanctions sans précédent contre Téhéran sous prétexte que l’accord sur le nucléaire présentait des « défauts » et que le programme de missiles balistiques de l’Iran progressait, tout comme l’influence du pays dans la région.

Depuis mai dernier, Téhéran a renoncé à certains de ses engagements dans l’accord sur le nucléaire et menacé d’en suspendre d’autres si ses intérêts dans ce pacte n’étaient pas garantis.

M. Kamalvandi a indiqué que le stock d’uranium de l’Iran avait dépassé les 300 kg, la limite imposée par l’accord, et que Téhéran n’était plus obligé d’exporter l’eau lourde excédentaire comme exigé dans l’accord.

En outre, « nous avons aujourd’hui dépassé les 3,67% de pureté de l’enrichissement (de l’uranium) et produisons également les matériaux enrichis nécessaires pour des combustibles de centrale nucléaire à 4,5% de pureté », a-t-il poursuivi.

Le JCPOA était censé être un « accord d’échange » mais « ce que nous donnons (dans ce cadre) est bien plus important que ce que nous recevons », a-t-il conclu.

La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni extrêmement préoccupés 

La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont fait part de leur préoccupation  , dimanche 14 juillet, quant à un délitement de l’accord sur le nucléaire iranien conclu en juillet 2015.

« Aujourd’hui, nous sommes préoccupés par le risque que le JCPOA (Plan d’action global conjoint) ne se défasse, sous la pression des sanctions imposées par les États-Unis et à la suite de la décision de l’Iran de ne plus appliquer plusieurs des dispositions centrales de l’accord », ont déclaré les trois dirigeants dans un communiqué commun publié par l’Elysée ce dimanche.

« Nous sommes extrêmement préoccupés par la décision de l’Iran de stocker et d’enrichir de l’uranium au-delà des limites autorisées. Par ailleurs, nos trois pays sont profondément troublés par les attaques auxquelles nous avons assisté dans le golfe Persique et au-delà, ainsi que par la détérioration de la sécurité dans la région », ont-ils ajouté.

« Nous pensons que le moment est venu d’agir de façon responsable et de rechercher les moyens d’arrêter l’escalade des tensions et de reprendre le dialogue. Les risques sont tels qu’il est nécessaire que toutes les parties prenantes marquent une pause, et envisagent les conséquences possibles de leurs actions », ont également souligné les trois pays européens, soulignant leurs initiatives diplomatiques récentes « pour contribuer à la désescalade et au dialogue, pour lesquels des signes de bonne volonté sont nécessaires de toute urgence, de la part de toutes les parties. »

Selon eux, s’ils soutiennent l’accord signé avec l’Iran en 2015 aux côtés des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie, « sa poursuite dépend du plein respect par l’Iran de ses obligations ; nous exhortons l’Iran à revenir sur ses décisions récentes à cet égard. »

La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont rappelé que depuis mai 2018, lorsque les Etats-Unis ont décidé de sortir de l’accord, ils ont fait de leur mieux « pour travailler avec toutes les parties restant engagées dans l’accord afin que la population iranienne puisse continuer à bénéficier des avantages économiques légitimes fournis par le JCPOA ».

« Nous continuerons d’explorer les possibilités de dialogue prévues dans l’accord pour traiter de la question du respect des obligations de l’Iran, notamment par le biais de la Commission conjointe du JCPOA », ont-ils déclaré.

Les chefs de la diplomatie européenne jouent leur va-tout pour sauver l’accord de 2015

Les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Union européenne se sont réunis lundi à Bruxelles, décidés à jouer leur va-tout pour sauver l’accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien.

Les Européens sont décidés à jouer leur va-tout pour sauver l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, mais l’impossibilité de contourner les sanctions américaines leur laisse peu de chances de répondre aux attentes de Téhéran, ont averti leurs ministres des Affaires étrangères, réunis lundi 15 juillet à Bruxelles.

« L’accord n’est pas encore mort » et l’UE veut donner à l’Iran « une possibilité de revenir sur ses mesures en contravention avec ses engagements », a affirmé le chef de la diplomatie britannique, Jeremy Hunt, à son arrivée pour la réunion avec ses homologues de l’Union.

« L’Iran a pris de mauvaises décisions en réaction à la mauvaise décision des États-Unis de se retirer de l’accord et d’imposer des sanctions dont la portée extraterritoriale touche de front les avantages économiques que le pays pouvait retirer de l’accord », a pour sa part soutenu le Français Jean-Yves Le Drian.

« Nous appelons les autorités iraniennes à revenir sur leur décision »

Les Européens déplorent la décision de Téhéran de produire désormais de l’uranium enrichi à au moins 4,5 %, un niveau prohibé par l’accord. « Les mesures iraniennes sont réversibles et nous appelons les autorités iraniennes à revenir sur leur décision », a plaidé la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, à l’issue de la réunion. « L’accord est mal en point, mais j’espère que sa dernière heure n’est pas venue. Il est urgent que l’Iran respecte ses engagements », a-t-elle déclaré.

Mais les autorités iraniennes veulent des actes. Les Européens doivent faire « la preuve de leur volonté politique et de leur capacité » à permettre que l’Iran « bénéficie en pratique » de l’accord, a soutenu le porte-parole iranien des Affaires étrangères, Abbas Moussavi, dans un communiqué.

« Si les Européens et les Américains ne veulent pas agir conformément à leurs engagements, nous aussi, en réduisant nos engagements, nous contrebalancerons cela et reviendrons à la situation d’il y a quatre ans », a averti le porte-parole de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, Behrouz Kamalvandi.

Les Européens espèrent convaincre les Iraniens de leur volonté de les aider avec l’utilisation de l’Instex, un mécanisme de troc créé pour contourner les sanctions américaines en évitant d’utiliser le dollar. Les achats iraniens en Europe seront compensés par des achats européens pour un montant équivalent en Iran. « Les premières transactions sont en cours de réalisation », a ainsi annoncé Federica Mogherini. Dix pays de l’UE se sont engagés à utiliser cet instrument et des pays « non membres de l’UE » vont également rejoindre cette initiative, a-t-elle annoncé. Mais deux grands pays de l’UE, l’Italie et la Pologne, manquent pour crédibiliser cet instrument, a déploré un diplomate européen de haut rang.

Macron va parler avec Rohani, Trump et Poutine cette semaine

Le président français Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé lundi qu’il s’entretiendrait par téléphone avec les présidents iranien Hassan Rohani, américain Donald Trump et russe Vladimir Poutine cette semaine dans le cadre de la « médiation » française visant à préserver l’accord de Vienne de 2015 et éviter une escalade dans la région.

« La dynamique que nous avons créée ces dernières semaines, je pense, a évité le pire et des surréactions du côté iranien », a déclaré le chef de l’État français lors d’un déplacement à Belgrade, en Serbie. « Elle a permis de déclencher (…) un langage nouveau du côté européen et elle a permis d’avoir un dialogue constant avec les Américains. »

« Donc, dans ces conditions difficiles, nous allons poursuivre notre travail, qui est un travail de médiateur, de négociateur. Je parlerai à sa demande au président Rohani dès mon retour (en France) et j’aurai cette semaine le président Poutine et le président Trump, c’est ce travail que nous allons poursuivre pour éviter toute forme d’escalade dans la région comme toute dégradation de ce que je considère comme déjà un acquis sur le nucléaire avec le JCPOA [l’accord de Vienne] », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse.

Source : Xinhua et agences