STEG Sousse… cité interdite de Kandahar

Essoussi Kamel

Essoussi Kamel

STEG Sousse 10 h 29 exactement
Hall noir de monde ! Des gens assis , d’autres debout attendent une chaise vide pour s’asseoir, relevés de compteur en main…. Deux seules employées sur 4 appellent mécaniquement et facturent. Deux autres employés tampon au front filtrent d’un œil les entrées aux bureaux interdits et lorgnent de l’autre sur les culs énormes des femmes toutes voilées ….Des vieux aux barbes blanches , rousses sans moustaches , sentant le 3tr , sortent et ressortent dossiers en mains des bureaux énigmes fantômes puis ré entrent de derrière le comptoir en poussant violemment son battant qui oscille bruyamment avant de se calmer . Des clients les reconnaissent et s’activent à leur serrer la patte et à leur faire la bise sous de solennels assaleeeemou Aleikomen puis leur tendent leurs paperasses que ces  » afghans » consultent avec bienveillance.
STEG Sousse , une heure et quart plus tard, toujours le même manège et la même salle grouillante de barbes , de voiles et ……tiens! une niquabée qui fait irruption et se dirige vers la cité interdite derrière les comptoirs, s’y engouffre comme un couteau au beurre, comme chez elle sans que personne ne l’arrête sous le sourire du filtreur qui semble la connaître . Elle ressort de derrière les bureaux interdits, de la cité interdite en rabattant la portière du comptoir qui balance comme celle d’un saloon, paie et s’en va balayant, conquérante, avec un revers de ni9ab le parterre où s’entassent ces abonnés koffars .
STEG Sousse midi et 10 minutes
Un stress qui te serre la gorge ,une envie de chialer d’avoir trop attendu, une insupportable idée de se sentir noyé, seul, plongé au fins fonds des ténèbres à payer une facture de consommation de lumière à des obscurantistes et des corbeaux noirs qui complotent contre toi et ton pays résigné , derrière le comptoir dans les bureaux énigmes , dans cette cité interdite de Kandahar juste derrière le mur à coté. Un sentiment étrange de tout claquer . Une vraie claustrophobie qui te prend aux tripes, à te voir envahi, sali enfermé dans un monde qui te fuit , ne t’ appartient plus , que tu ne reconnais plus et qui pourtant s’impose à toi , malgré toi pour te faire payer ta facture d’électricité avant de te faire payer plus tard la facture de ta haine de leur sale race de dégénérés.
STEG Sousse midi vingt : La salle est presque vide. Le 297 est annoncé par cette machine tactile chinoise en plastique bariolé comme un revolver jouet de chez le marchand à la sauvette de Boumendil avec affichage sur écran tV de chez Moncef Bey. Je paie, regle ma facture. Le filtreur m’indique que la sortie se fait par la porte de service. Je m’engouffre dans leurs couloirs sordides de la cité interdite où les employés s’affairaient dans les salles d’eaux inondées , pantalons retroussés et braguettes mouillées après leurs ablutions pour aller faire leur prière du dhohr.
Libre enfin, je remonte la rue 18 Janvier . La vieille batisse de lajnet ettansi9 en ruines gardait quelques murs debout où est inscrit en gros caractères : Les habitants de la médina veulent construire ici une mosquée.

Essoussi Kamel

Illustration : archives