Délires Keffois…qui croire ?

Le ministre du tourisme a baptisé coup sur coup Zaghouan Capitale du tourisme écologique et alternatif et le Kef, Pôle du tourisme culturel et patrimonial.
C’est bien beau d’exprimer de telles intentions et de faire de telles annonces; encore faut-il les crédibiliser en précisant le modus operandi et en planifiant les actions projetées dans le temps et dans l’espace.
On ne compte plus les ministres du tourisme qui ont précédé René Trabelsi et dont les effets d’annonces similaires n’ont connu aucune suite.
Au nouveau ministre du tourisme de démontrer qu’il est d’une autre veine!

Délires Keffois .
Quand un (e) ministre du tourisme décide d’effectuer une visite de travail au Kef ou dans une région de l’intérieur cela voudrait normalement dire qu’il y aurait opportunités et nécessités de développer le tourisme dans les régions frontalières, des régions qui regorgent de ressources naturelles, culturelles et humaines encore inexploitées .
Qu’apportent généralement ces ministres dans leurs besaces lors de leur visite éclair ? 
-Beaucoup de bonne volonté .
-Beaucoup de bonnes paroles .
-Beaucoup de félicitations pour ceux et celles qui ont eu le bonheur de naître dans la région .
-Beaucoup d’encouragements moraux et immatériels. 
-Beaucoup de mirages.
-Beaucoup d’occasions de…se taire.
À la fin de leurs visites souvent menées toutes sirènes hurlantes, ces ministres ne manquent pas d’annoncer qu’ils chargeront une task force de leur ministère pour en assurer le suivi .
Sous le regard obséquieux et hautain et les applaudissements empressés de Monsieur le Gouverneur.
La dégustation des spécialités culinaires Keffoises constitue aussi le moment fort de ces escapades officielles. 
Personnellement, je pense qu’un travail préalable doit être fait et qu’un(e) ministre devrait venir pour initier et donner le coup d’envoi à des projets concrets relevant nécessairement du tourisme alternatif tels que le tourisme écologique, le tourisme culturel, l’agritourisme, le tourisme géologique ou le tourisme patrimonial …
Le tourisme au Kef a fait l’objet d’un nombre infini de structures ad-hoc aussi inefficaces qu’éphémères, de colloques où on parle et mange beaucoup, d’études, de réunions, de promesses, de rêves et de déceptions . 
Quelques promoteurs courageux de maisons d’hôtes ou de gîtes ruraux ont, certes, eu le mérite et le courage d’ investir et de s’investir mais le temps qu’ils ont mis à aplanir les difficultés bureaucratiques leur a fait perdre tout espoir .
Certains signalent que voulant pratiquer le logement chez l’habitant dans une demeure traditionnelle, ils se sont vus exiger par les services de la Protection Civile des conditions et des équipements dignes d’un complexe hôtelier.
Un exemple ubuesque parmi tant d’autres .
Comment voulez-vous faire du tourisme alternatif avec de pareilles complications et inerties bureaucratiques ?
La promotion d’une nouvelle typologie d’offre touristique innovatrice et alternative dépend de plusieurs conditions préalables: 
-création d’un guichet unique décentralisé 
-décentralisation du traitement des dossiers 
-simplification des procédures administratives relatives notamment aux changements de vocation des espaces éligibles aux projets alternatifs 
-encouragement à la création de micro projets à la portée des jeunes diplômés de la région ( accès aux crédits…) 
-accompagnement de ces jeunes promoteurs par des programmes de formations spécifiques encadrés par des formateurs tunisiens et étrangers ayant de l’expérience en la matière. Nous devons avouer, au passage, que nos écoles et nos formateurs ne savent s’y connaître qu’en services d’hôtellerie de masse . 
Et encore?
-agir auprès des agences de voyages pour confectionner des circuits pour petits groupes avec des étapes et des nuitées à Tabarka, Bulla Régia, le Kef, Makthar, Sbeitla , Dougga ….etc
-autoriser les Sociétés de Services à confectionner des programmes de tourisme alternatif. 
Je sais que les agences de voyages agréées ne vont pas aimer ces autorisations mais « ils n’avaient qu’à agir pour ne pas laisser le champ libre ! ». ( ne trouvez-vous pas?)
S’agissant du Kef et de sa région, et pour que le tourisme n’y reste pas une simple vue de l’esprit, quelques actions structurantes préalables doivent être engagées et financées par les ministères concernés:
-désenclavement de certains sites aujourd’hui inaccessibles ( sites de formations géologiques uniques au monde, massifs forestiers, sources thermales, plans d’eau de barrage, vestiges archéologiques ..)
-amélioration des conditions de visite de certains sites archéologiques et leur équipement par des centres d’accueil offrant un minimum de confort et de services ( sanitaires et buvettes notamment )
-sécurisation des pistes de randonnées pédestres et en VTT
-lifting, nettoyage et badigeonnage intégral de la vieille ville du Kef avec fleurissement des escaliers et des façades 
-illumination scénarisée des monuments antiques et islamiques et des fortifications de la ville ( Basilique, Citernes, Kasbah, Mosquées, Remparts…)
-engager des travaux de signalisation d’approche et d’information de circuits de visites et de trecking dans la vieille ville et dans les sites naturels et culturels environnants 
-faire de la Fête du Berzgen de Mayou un événement maghrébin de gastronomie traditionnelle et de patrimoine immatériel 
-lancer un Festival International du Théâtre et faire du Kef une sorte d’Avignon pour le théâtre alternatif mondial
-création d’une plateforme technologique pour la promotion et la commercialisation de tous les projets dans la région 
-agir sur les taxes qui grèvent les tarifs de location de voitures pour les rendre plus compétitifs et encourager les déplacements individuels à partir des grandes villes et des zones touristiques du littoral. 
-restaurer les lieux de culte et les cimetières musulmans et non musulmans et notamment la belle Synagogue de la Hara qui renfermait des trésors et des témoignages de la communauté juive locale ( pour la petite histoire , le Président de Téléperformance, leader mondial en matière de centres d’appel est originaire du Kef).
PS.
Le Kef n’a pas besoin d’hôtels comme on en trouve sur le littoral . 
En autorisant le logement chez l’habitant et en simplifiant les procédures, on peut, en peu de temps, créer des centaines de projets originaux qui feraient vivre directement au moins un millier de personnes . 
Avec la sympathie, l’hospitalité et l’humour Keffois en prime !

Wahid Ibrahim