Quand l’Etat tenait encore debout

Nous sommes en mai 2011. Il est 17 heures quand je venais de poster de mon bureau à la CNRPS, les termes de référence sur la pauvreté et les moyens de l’éradiquer par des droits objectifs à la protection sociale, puis allais me désaltérer le gosier d’une bière dans le bistrot du coin.
Le lendemain 8 heures, je somnolais à m’étirer paresseusement au lit, quand le portable vibrât . C’était le ministre de affaires sociales de l’époque si Mohamed Ennaceur qui me convoquait pour une réunion.
10 heures, branle bas de combat. Tous les nababs de la sécurité sociale étaient là quand le Ministre s’annonça. A peine installés sur ces fauteuils rembourrés qui vous donnaient l’impression de décoller assis sur le dôme de Sidi Amor Zaafrane, si Mohamed Ennaceur s’annonça. Il s’adressa, debout, à l’un des Nababs, un chef hiérarchique que je respecte toujours, soit dit au passage : » Si Flen, j’ai reçu vos termes de références . Si kamel vous donnera les siennes. L’argent que vous devriez verser aux experts que vous m’avez cités, vous le donnerez à si Kamel et son équipe et vous travaillerez sur le sujet sous ses directives et selon ses termes de référence à lui. Puis il s’excusa et s’en alla pour une réunion d’un conseil ministériel de Béji , à quelques pas en haut à la Casbah.
10 H 15 minutes. La réunion était levée. Sans que je sache ce qui s’est tramé entre temps. Dans ma pudeur de ne vouloir faire ombre à qui que ce soit, je ressortais presque en catimini et regagnais le bureau à travailler avec l’ équipe trés réduite sur le sujet , mes potes que je salue au passage et qui se reconnaîtront,
19 Octobre 2011 au matin, quelques jours avant les élections: Les mêmes nababs de la sécu étaient réunis pour une ultime séance de remise du rapport que j’exposais , debout, cette fois sans la gêne de ces fauteuils aux dômes rembourrés de ressorts à vous faire éjecter au plafond. « C’est notre livre blanc que nous remettrons au gouvernement issu des prochaines élections .  » s’esclaffait si Mohamed Naceur avec son sourire doucement paternel , me confondant dans des remerciements flatteurs qui risquaient d’étaler au grand jour mon côté narcissique que j’ai toujours su mâter et cacher par un semblant de modestie.
19 octobre 2011 l’après midi avec ma bande de potes attablés au comptoir du bar. On rigolait à pleins poumons discutant de tout et de rien avant de cotiser notre bière sur nos tickets restaurants, sans les subsides de l’Etude à qui nous n’avons pas pensé , que nous n’avons jamais, du reste, demandé. Le souffle de la « révolution » et de l’amour de ce pays nous berçait encore. Sincère ! Pour quelques 4 jours encore avant la désillusion du 23 Octobre 2011….. Quand l’Etat tenait encore debout .

Fadhi Ch’ghol