Pourquoi R.Ghannouchi a éliminé Mongi Marzouk et Habib Kchaou ?

Le choix s’est finalement fixé pour Habib Jomli pour présider le gouvernement. L’ancien secrétaire d’Etat à l’Agriculture, sous le radical Mohamed Ben Salem à la troïka, a été fortement défendu par Rached Ghannouchi lui-même. Le président d’Ennahdha a insisté envers et contre tous, hier au conseil de la Choura, pour sélectionner celui qu’il considère comme le plus loyal et le plus à même d’exécuter ses desiderata. Ainsi, depuis le perchoir du parlement, qu’il préside également, R.Ghannouchi aura le pouvoir sur les deux têtes du législatif et de l’exécutif. Le meilleur moyen de mener sa politique.

Le nom de Habib Jomli a été sorti de sous le chapeau de R.Ghannouchi à la dernière minute. Ce n’est qu’hier que ce nom a filtré dans les coulisses. Jusqu’à la veille du conseil de la Choura, c’est celui de Mongi Marzouk qui occupait toutes les lèvres devançant légèrement celui de Habib Kchaou.

Finalement, le président d’Ennahdha a eu raison de tous. Comme d’habitude. Il faut dire qu’il avait les arguments.

Mongi Marzouk, et à degré moindre Habib Kchaou, ont tous les deux les capacités et les compétences nécessaires pour diriger la Kasbah. Le premier est passé par le gouvernement à deux reprises, en qualité de ministre des Technologies et de ministre de l’Energie. Le second a longtemps occupé un poste de conseiller à la Kasbah et connait tous les rouages de la Primature et de l’administration.

Sauf que voilà, Rached Ghannouchi n’a pas tout à fait confiance en Mongi Marzouk qui risque de devenir pour lui ce qu’est devenu Youssef Chahed pour Béji Caïd Essebsi : un électron libre qui l’envoie balader. M. Marzouk n’est pas membre d’Ennahdha et n’a pas toujours « obéi » aux consignes du « cheikh » quand il était ministre. Et puis, il est un peu trop du milieu tunisien des affaires, trop proche du milieu des technologies et a un riche carnet d’adresses en France, et ailleurs, dans les milieux politiques et technologiques. Tout cela fait peur à Rached Ghannouchi qui préfère quelqu’un qui lui est acquis, qui ne risque pas de s’envoler tout seul.

Quant à Habib Kchaou, son cas est énigmatique. Pour l’éliminer, certains membres d’Ennahdha ont fait sortir la rumeur qu’il traîne des dossiers. Il n’en est rien semble-t-il. C’est juste qu’il a de bonnes relations avec beaucoup de monde ce qui déplaît à plusieurs factions chez les islamistes. Ceci n’était pas pour rassurer Rached Ghannouchi, d’où son élimination.

Les autres noms circulant dans les coulisses, à savoir Fadhel Abdelkefi, Marouane Abassi et Ridha Ben Mosbah ont tous été rejetés par le conseil de la Choura. Hors de question de nommer quelqu’un de l’extérieur d’Ennahdha, quand bien même il serait le plus valable pour diriger le pays.

Il reste un nom qui était très cité il y a quelque temps et qui a disparu des écrans, celui de Zied Laâdhari. Contrairement à ce qu’on prétend, et bien qu’il ait beaucoup d’ennemis au sein de son propre parti, R.Ghannouchi préfère garder la carte Laâdhari pour plus tard. Il cherche à préserver le plus longtemps possible son « joker » qu’il sortira en temps et en heure quand tout va mal et au cas où Habib Jemli échouerait dans sa mission.

Habib Jomli sera-t-il la « marionnette » de R.Ghannouchi ? Ce sera à lui de démontrer le contraire et de casser cette image que lui donnent ses propres pairs du parti islamiste. Une chose est sûre, il part déjà avec un a priori fortement désavantageux, encore plus désavantageux que Hammadi Jebali en 2011.

Ali Mhedhbi, publié aussi sur Institut Tunisien des Relations Internationales ( ITRI )