Ôtes-toi que je me mette à ta place ou les prostitués de la République

La venue d’un nouveau pouvoir mène à une grande bousculade pour occuper les postes bientôt vacants. Les premiers postes sont ceux de ministres et de conseillers. Mais il y a d’autres postes à l’ombre, à l’étranger, généralement. Ces postes sont très prisés. La plupart des candidats ont des enfants qui étudient à l’étranger.

Ces planques, loin des yeux, de la presse, du tumulte local, des bagarres, des prises de positions sont très prisés; et les candidats ne manquent pas. C’est la saison de la bousculade et la chasse de ces postes.

A chaque passation, la nouvelle équipe récompense ses soldats et ses alliés potentiels en distribuant les cadeaux. Les meilleurs cadeaux sont ces postes à l’étranger, ambassadeurs, consuls, attaché économique, social, militaire, représentant de la Tunisie à l’OMS, l’Union du Maghreb, de la Ligue Arabe, de l’Union Africaine, de l’UNESCO, de la Mission Universitaire en France, en Allemagne et ailleurs. C’est alléchant.

Des dizaines de postes sont à pourvoir. Il y a eux qui se savent partants, et commencent à plier bagage, ou à jouer leurs dernières cartes, à changer de camp, retourner la veste, profiter de son actuel poste pour décrocher un autre. On voit de tout, des coups de fil aux nouveaux hommes forts du nouveau pouvoir. On lèche les bottes, on demande des entretiens, des audiences, on attend, on espère, jusqu’à ce qu’on désespèrent. Pitoyables. On peut tomber très bas pour garder ses avantages.

Le poste de Directeur de l’Institut des Etudes Stratégiques qui dépend de la présidence et qui a été occupé par Kahlaoui, du temps de Marzougui, de Ben Salem puis Néji Jalloul du temps de BCE, est très prisé. A part le prestige, le poste octroie les avantages d’un secrétaire d’état, salaire et autres indemnités. Jalloul est partant, on attend une nouvelle nomination et les candidats ne manquent pas.

C’est le moment d’ôtes toi que je me mette à ta place, de « je suis là, voici mon cv » « pensez à moi ». On les voit à la télévision faire des appels, de la séduction, des acrobaties, des retournements de vestes. Il y a ceux qui vont jusqu’à se dénuder. Appelons les: « Les Prostitués de la République ».

Les intègres, les compétents se font prier, sont sollicités et n’acceptent que sous conditions. Ils/elles sont rares, mais ils /elles existent; heureusement pour la République.

Tahar Labbassi

Illustration : N.Jalloul