Nouvelle salve des Etats-Unis dans leur guerre commerciale avec la Chine

Washington a tiré une nouvelle salve dans la guerre commerciale avec la Chine en dressant une liste supplémentaire de produits chinois importés, dont le montant s’élève à 200 milliards de dollars par an et qu’ils menacent de taxer dès septembre prochain .

« Depuis plus d’un an, l’administration Trump a souvent demandé à la Chine de mettre fin à ses pratiques déloyales, d’ouvrir ses marchés et de se livrer à une concurrence basée sur les forces du marché », a affirmé mardi 10 juin  le représentant américain au Commerce américain (USTR) Robert Lighthizer dans un communiqué.

« Malheureusement, la Chine n’a pas changé de comportement […] et celui-ci menace l’avenir de l’économie américaine. Plutôt que de répondre à nos préoccupations légitimes, la Chine a commencé à prendre des mesures de rétorsion contre des produits américains. De telles actions sont injustifiables », a-t-il accusé.

En raison des processus légaux et de consultation, ces taxes ne pourront pas entrer en vigueur avant septembre si les États-Unis décident d’aller au bout de leur démarche, ont indiqué mardi à la presse des responsables de l’administration Trump.

Ces nouvelles mesures ne constituent pas une surprise, car le président américain avait prévenu qu’il agirait de la sorte si Pékin optait pour l’escalade après la mise en oeuvre la semaine dernière des premières mesures protectionnistes américaines portant sur 34 milliards de dollars.

Mais l’initiative annoncée mardi, qui prévoit l’instauration de tarifs de 10 % sur les produits visés, enclenche le processus qui aboutira à leur application si les deux puissances économiques mondiales ne trouvent pas d’ici là un terrain d’accord.

Pékin avait accusé Washington la semaine dernière, après la première bordée de mesures américaines, d’avoir déclenché « la plus grande guerre commerciale de l’histoire économique ».

Au total, ce sont 250 milliards de produits chinois importés aux États-Unis qui seraient alors touchés, 16 milliards venant s’ajouter au 34 milliards initiaux, puis les 200 milliards annoncés mardi. Donald Trump a d’ores et déjà menacé de ne pas s’arrêter là et de frapper plus de 400 milliards d’importations chinoises.

Celles-ci ont représenté dans leur ensemble 505 milliards de dollars en 2017, et le solde des échanges entre les deux pays s’est traduit l’an dernier par un déficit de 375 milliards de dollars aux dépens des États-Unis.

S’y ajoutent les taxes de 10 % sur les importations d’aluminium et de 25 % sur celles d’acier qui visent la Chine et d’autres pays.

Les Etats-Unis accusent depuis l’été dernier Pékin de « transferts de technologies forcés » en obligeant les entreprises américaines qui veulent vendre en Chine à créer des coentreprises qui les forcent à trouver des partenaires chinois, ces derniers profitant ainsi de la technologie américaine. L’administration Trump accuse directement la Chine de « vol » et lui demande d’ouvrir davantage son marché en mettant fin aux barrières douanières et juridiques.

Concrètement, l’administration va maintenant organiser des auditions et des enquêtes concernant l’impact de ces tarifs supplémentaires qui viseront, entre autres, des produits comme les poissons, les pneus, les articles en cuir, les fromages, le bois, le papier et des produits chimiques. Le processus va prendre jusqu’à deux mois et s’accompagnera d’auditions qui permettront aux secteurs concernés de faire valoir leurs arguments pour ou contre l’imposition de ces nouveaux tarifs.

Le différend sur la propriété intellectuelle avec la Chine n’est que l’un des fronts ouverts par Donald Trump dans son offensive protectionniste.

Outre les taxes sur l’acier et l’aluminium qui s’appliquent à quasiment tous les partenaires commerciaux des États-Unis, il envisage de s’attaquer au secteur de l’automobile en visant notamment les importations allemandes.

Il a également lancé un processus de renégociation de l’Accord nord-américain de libre-échange (ALENA) unissant les États-Unis, le Canada et le Mexique, mais les discussions n’ont pas encore permis d’arriver à une entente.

La Chine va gagner

La Chine va gagner la guerre commerciale que les États-Unis ont déclenchée contre elle. La guerre commerciale entre les deux pays n’en est qu’à ses premières escarmouches. Les motifs que Donald Trump invoque pour justifier cette guerre sont connus : le déficit commercial entre les deux pays est de l’ordre de 375 milliards de dollars par an et la Chine vole les technologies américaines de pointe.

Tout ceci est exact. Mais la raison profonde de cette guerre est que la Chine est devenue la grande rivale politique et économique des États-Unis. Ceci, l’administration Trump ne le réalise pas du tout. Sinon, Trump aurait choisi d’aller en guerre avec ses alliés à ses côtés. Il a plutôt préféré l’approche du cowboy solitaire. Or, les États-Unis ne sont plus de taille à affronter seuls la Chine.

1- Quels sont les avantages de la Chine à l’international ?

Le gouvernement chinois profite de la volatilité et de l’irrationalité de l’administration Trump pour renforcer ses liens avec divers pays proches des États-Unis. En avril dernier, à Singapour, le gouvernement a plaidé pour la création d’une vaste zone de libre-échange qui engloberait, entre autres, le Japon, la Corée du Sud, la Chine et l’Inde.

Le gouvernement chinois a aussi suggéré aux pays européens de faire front commun contre les États-Unis. Ils ont refusé, parce que des démocraties ne peuvent pas s’allier à un régime totalitaire contre une démocratie.

Vendredi dernier à Vienne, les puissances européennes, avec la Russie et la Chine, ont tout de même défié les États-Unis, en acceptant de soutenir l’accord de dénucléarisation avec l’Iran, sans égard pour les demandes américaines de sanctions. Les États-Unis de Trump sont isolés.

2- Le gouvernement chinois peut-il vendre ses bons du Trésor américains ?

Il n’a pas avantage à le faire. La Chine détient environ 25 % des bons du Trésor américains. Ces bons représentent environ 5 % de la dette américaine. À travers ces bons, la Chine contrôle donc 1,25 % de la dette américaine. Les vendre avant terme entraînerait une pénalité importante pour les Chinois. Cette vente ferait probablement monter le taux de change de la monnaie chinoise et, donc, ralentirait les exportations de la Chine.

3- Comment l’économie chinoise sera-t-elle affectée ?

Elle pourrait perdre quelques dixièmes de point et passer d’une croissance de 6,7 % en 2018 à quelque chose comme 6,4 % en 2019. Ce sont surtout les usines qui exportent aux États-Unis qui perdront des commandes. Cependant, dans plusieurs secteurs, ces usines sont détenues en bonne partie par des intérêts étrangers. Dans les faits, l’économie chinoise poursuivra sa consolidation.

4- Les États-Unis vont-ils gagner quelque chose ?

Certains secteurs manufacturiers américains sont très en retard sur la Chine. Par exemple, les panneaux solaires chinois sont moins chers et plus performants que leurs équivalents américains. L’industrie américaine des pièces automobiles pourrait aussi bénéficier des mesures protectionnistes de Trump.

5- Une telle guerre a-t-elle un précédent ?

Cette guerre rappelle la rivalité qui existait au début de la guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique. Cependant, les États-Unis de cette époque n’étaient pas polarisés comme maintenant. Toutes proportions gardées, le système d’éducation américain était bien meilleur qu’aujourd’hui. La technologie américaine était la plus avancée au monde. En 2018, la Chine est unie et éduquée. Sa technologie est devenue égale sinon supérieure à celle des États-Unis. Et le gouvernement chinois n’est pas dirigé par un malade mental.