Monsieur le Président , on vous aime

Amin Zaoui

Amin Zaoui

Au sommet de ses cent ans, ou presque, il a le verbe. Un verbe fort, clair et net. Sans rhétorique aucune ! Et il a le courage. On vous aime Monsieur Le Président Béji Caïd Essebsi.
Pour la première fois, un président dans le Maghreb et dans le Monde arabe ose dire et sans nuance aucune : “La Tunisie est un Etat civil et la seule référence est la Constitution”, sans crainte des islamistes qui guettent l’occasion et fanatisent la société.
Du sommet de ses cent ans, Essebsi a jeté la patate chaude en rappelant que la Tunisie, c’est-à-dire la gestion de l’État tunisien “n’a aucun rapport ni avec la religion ni avec le Coran”.
Si les dirigeants politiques détenant les rênes du pouvoir prendront, avec courage, le discours du président tunisien comme feuille de route, nos sociétés arabes et maghrébines pourront espérer un jour meilleur !
La bonne gouvernance d’un pays ne dépend pas de l’âge du gouverneur suprême, mais d’une vision claire, loin de la zone grise. Elle dépend aussi du courage intellectuel convainquant des décideurs. La société ne mange pas des versets coraniques, ne monte pas dans les wagons des discours politiques nationalistes creux, la société consomme du blé et du riz et monte dans des trains et des bus !
Les Arabes ne sont gouvernés que par l’hégémonie religieuse. Ils sont soumis dès qu’il y a un discours religieux. Ils acceptent, sans interrogation les propos d’un imam qui n’a jamais lu un livre et refusent les idées d’un Einstein ou d’un Newton… Ils sont coléreux et insultants dès qu’ils se trouvent devant un discours rationnel temporel.
A travers toute leur Histoire, les musulmans étaient souvent gouvernés par la violence justifiée par le religieux.
Ces chefs suprêmes : le calife ou le sultan ou le roi ou le prince ou le président puisent la légitimité et la force absolue de leur pouvoir dans la représentation de l’image de Dieu sur terre. Ils sont l’ombre de Dieu sur cette terre. Ils sont les dieux vivants.
Les gouverneurs musulmans et leur subordonné accomplissent le boulot à la place de Dieu. Ils ont la tête dans le monde de l’au-delà et le sabre, le ventre et le bas-ventre dans ce bas-monde ! Ils négligent leur boulot qui est la gestion d’un Etat civil, un Etat séculier, ne parlant et n’activant que pour un Etat-paradis. Un Etat imaginaire, illusoire !
Enfin un président maghrébin et arabe fait l’exception. Et parce que le président Caïd Essebsi fait l’exception, il s’est trouvé attaqué par les religieux, les salafistes et les frères musulmans d’un côté et par les politistes nationalistes opportunistes d’un autre côté.
L’hostilité aux propos du président Caïd Essebsi concernant l’Etat civil séculier, l’égalité hommes femmes dans l’héritage, la révision de l’état civil, la liberté individuelle… cette hostilité n’est pas venue des forces rétrogrades tunisiennes uniquement mais les sources des tires sont aussi les islamistes maghrébins et arabes.
Quelques politistes du Maghreb et des pays arabes ont vu dans les propos du président tunisien comme un message destiné à eux. Ainsi sont justifiés les commentaires de quelques politistes islamistes algériens et égyptiens qui ont condamné le discours historique du président Caïd Essebsi.
Sur un ton humoristique raciste et honteux, un politiste algérien a commenté l’idée de l’égalité entre femme et homme dans l’héritage citée dans le discours du président Caïd Essebsi, en disant : “Le président cherche à rendre la femme tunisienne capable de pisser debout !”
Si les dirigeants des pays maghrébins et arabes ne prendront pas la vision de la Tunisie comme exemple pour affronter courageusement leur sous-développement, tôt ou tard, nos sociétés verseront dans la haine et dans la guerre civile et ethnique.
Du sommet de ses cent ans ou presque, éclairé et courageux, sans concession aves ses islamistes, le président Caïd Essebsi est sur le chemin de Habib Bourguiba.
Une fois de plus, Tunis donne la bonne leçon historique à tous dirigeants arabes et maghrébins.
La première leçon a été donnée par le président Habib Bourguiba, elle concernait la question palestinienne. Quand Bourguiba a demandé aux Arabes de signer un accord avec Israël sur “le partage” selon les frontières de 1948 , ce dernier a été lynché par le Rais Gamal Abdel Nasser et ses troupes du panarabisme rhétorique. Aujourd’hui, soixante ans après, avec des millions des morts, des montagnes de haine, les Arabes cherchent, plutôt supplient la communauté internationale de faire pression sur Israël afin d’accepter le partage selon les frontières du juin 67. Le retour à la leçon bourguibienne. Mais c’est trop tard, peut-être !
Aujourd’hui, en jetant la patate chaude, le président Caïd Essebsi a rappelé aux Tunisiens mais aussi aux Arabes et Maghrébins l’urgence et la nécessité de construire un Etat civil et séculier. Seul est capable d’assurer le vivre-ensemble. Le cas Bourguiba se répète. Les dirigeants arabes et maghrébins critiquent, caricaturisent les propos du président Caïd Essebsi. Mais une fois la destruction de la société sera totale, la haine sera généralisée, l’Histoire nous interpellera sur le propos de Béji Caïd Essebsi : “La Tunisie est un État civil.” Mais cela serait trop tard ! Et nos décideurs diront avec amertume : “Nous n’avions pas écouté Bourguiba, et nous n’avions pas non plus écouté Béji Caïd Essebsi !”

Amin Zaoui