Chers amis, je vais certainement passer pour un radoteur avec ce statut, mais tant pis. Si vous y prêtez attention, vous vous apercevrez que l’anglais figure désormais sur les grandes affiches de certaines manifestations officielles et sur les en-têtes des documents officiels émanant des institutions publiques, notamment celles qui sont dominées par les islamistes. Le nom de chaque institution apparaissait naguère en deux langues, arabe et français, et l’anglais est venu s’y ajouter depuis quelque temps. Et ce n’est pas certainement par amour pour le trilinguisme. Bien entendu, pour justifier la présence de l’anglais, on recourt souvent à la sempiternelle rhétorique truffée d’arguments fallacieux : « C’est pour l’international… » ; « C’est pour être en phase avec son époque… une époque dictée par l’hégémonie de la langue anglaise sur la planète… » ; « Plus on maîtrise de langues, mieux c’est »… Je pense qu’il n’est rien de tout cela.
Le recours à l’anglais est l’une des caractéristiques du projet islamo-conservateur tunisien. Les tenants de ce projet espèrent à terme substituer l’anglais au français. Le français leur a toujours foutu des complexes, il est pour eux synonyme d’occidentalisation de la société tunisienne. La langue française véhicule des valeurs subversives et des concepts et paradigmes qui vont à l’encontre du « soi authentique ». Bref, la langue française véhicule une conception du monde, à laquelle les conservateurs tunisiens n’ont jamais adhéré.
L’anglais, langue véhiculaire du néo-libéralisme, n’a jusqu’à présent pas encore mis à rude épreuve le système de valeurs des pays arabo-musulmans. C’est une langue essentiellement articulée sur le consumérisme et permet aux Arabes de se sentir en phase avec la mondialisation sans qu’ils ne se départissent de leur ethos archaïque. Le recours à une troisième langue, l’anglais dans le cas d’espèce, est destiné à éliminer la deuxième. L’anglais apparaît à bien des égards comme un cheval de Troie. En fait, en permettant à l’anglais de supplanter le français de façon lente et progressive, ils espèrent voir la Tunisie un jour ressembler davantage aux autres pays du Machrek. C’est ce que j’appelle la débourguibisation de la Tunisie à travers la défrancisation.
Je ne pense pas devenir parano car les islamistes sont des êtres sournois qui inoculent leur idéologie à faible dose, sans pour autant négliger certains aspects symboliques, afin de donner la possibilité à leur projet de société de voir le jour. Ne dit-on que le diable niche dans les détails ? En revanche, l’Instance vérité et dignité n’y est pas allée par quatre chemins et a carrément omis le français lors des auditions publiques.
P.-S. : Bien entendu, vous aurez compris que je ne visais pas l’anglais de William Shakespeare et de Thomas More, mais le global english, globish pour les intimes, pratiquée par tous les basanés des contrées arabo-bougnouliennes.
Pierrot LeFou