Le vrai visage du journaliste saoudien assassiné , Jamal Khashoggi

Quel est le vrai visage du journaliste saoudien Jamal Khashoggi assassiné au consulat de son pays à Istanbul ? Un islamiste très radical, proche d’Oussama ben Laden et des Frères Musulmans.

La presse mondiale fait ses gros titres depuis un peu plus d’une semaine sur la disparition du saoudien Jamal Khashoggi. Celui-ci est présenté comme un dissident, et comme un journaliste du Washington Post. Les choses sont différentes lorsqu’on les regarde de près.

Jamal Ahmad Khashoggi naît le 13 octobre 19583 dans une famille d’origine ottomane de Kayseri. Il est le neveu d’Adnan Khashoggi, homme d’affaires et marchand d’armes, et le cousin germain de Dodi Al Fayed, tué à Paris dans un accident de voiture aux côtés de Diana, princesse de Galles . Son grand-père était par ailleurs le médecin personnel du roi Ibn Séoud

Khashoggi vient du mot turc «kashik», la cuillère. Partout dans le monde arabe, cuillère se dit «mal’aqa» sauf dans la province turque arabophone de Hatay, située à la frontière syrienne et en Irak où l’empire turco-ottoman a régné pendant près de quatre siècles. Dans ces deux zones périphériques du monde arabo-turc, le mot «cuillère» se dit «khashouqa». Le suffixe «gi» du patronyme du journaliste supplicié vient du turc «ci», «çi» et, selon la voyelle qui précède, peut s’écrire «cu», «çu», «cü» ou «çü» (prononcer respectivement dji, tchi, djou, tchou, dju, tchu) qui désigne une profession ou une occupation et équivaut au suffixe «ier» en français comme «glacier», «fermier», «poissonnier», «cordonnier», etc. Khashoggi veut donc dire «le fabriquant de cuillère» et s’écrit «Kaşıkçı» en turc.

À la fin des années 1970, comme beaucoup de jeunes Saoudiens, il soutient la résistance afghane contre les Soviétiques. Il se rend lui-même en Afghanistan mais aurait, selon ses amis, peu combattu. C’est également en Afghanistan qu’il réalise ses premières interviews d’Oussama ben Laden, qui combat alors les Soviétiques : les familles Khashoggi et ben Laden sont par ailleurs amies de longue date. Il étudie aux États-Unis puis, de retour en Arabie saoudite, rejoint les Frères musulmans, courant très mal vu à Riyad

Jamal Khashoggi a longtemps eu des fonctions importantes au sein du royaume. Il a dirigé l’un des trois principaux quotidiens du pays, Al Watan. Il a dirigé brièvement la chaîne de télévision Al Arab, propriété du prince al Waleed bin Talal, dont il était l’homme de confiance. Il a également fait partie des services de renseignement du pays **.

Outre son travail de journaliste, il entretient des liens avec les services renseignements saoudiens dont le chef, le prince Turki Al-Faycal, le considère longtemps comme un protégé. Dans les années 1990, il est chargé par les services secrets de contacter Oussama ben Laden pour le persuader de renoncer à la clandestinité et de rentrer au pays. Il échoue cependant à convaincre son ami7. Khashoggi prend ensuite ses distances avec ben Laden qui bascule dans le terrorisme contre l’Occident9 ; en 2011, à la mort de ben Laden, il écrit à propos de ce dernier « Tu étais magnifique et plein de bravoure aux beaux jours de l’Afghanistan, avant que tu succombes à la haine et à la passion »

Il a été proche d’Oussama ben Laden (je joins une photo de 1988 où on le voit, arme à la main, au côté de djihadistes recrutés par ce dernier), et donc proche de factions islamistes menant le djihad en Afghanistan et ailleurs. Il est devenu membre des Frères Musulmans, organisation désormais classée comme terroriste en Arabie Saoudite, et il a commencé à se trouver placé en disgrâce. Il n’a pas eu de problèmes majeurs parce que al Waleed bin Talal le protégeait.

Khashoggi a rompu avec le roi, pas avec la monarchie. Il n’a pas rejoint le peuple, il a fait allégeance à d’autres rois, en premier lieu à Erdogan, le leader turc du réseau des Frères musulmans. Khashoggi a même été proche de Ben Laden. Il soutenait les groupes islamistes en Syrie et partage une même aversion à l’égard des minorités confessionnelles que Daech ou Al-Nosra, en particulier contre les alaouites et les chiites. Il a justifié l’exécution par décapitation du leader chiite saoudien Nimr Baqr Al-Nimr, condamné en janvier 2016 pour ses discours antimonarchistes. «L’exécution du cheikh Al-Nimr, écrivait Khashoggi, est un message clair adressé à quiconque veut renverser le gouvernement. Nimr a appelé ouvertement à renverser le système et à faire allégeance au Wilayat Al-Faqih (le leader suprême iranien)» (Middle East Eye, 2 janvier 2016). Effrayante ironie du sort, Khashoggi a eu les mêmes bourreaux et a subi la même peine qu’Al-Nimr, voire pire.

Il a affiché des positions résolument hostiles aux orientations que le pays a pris à partir du sommet de Riyadh en mai 2017, et à partir du moment où les rênes du pouvoir ont été prises en main par le prince héritier Mohamed ben Salman.

Quand, pour imposer ses vues Mohamed ben Salman a fait procéder à des vagues d’arrestation aux fins de mettre hors d’état de nuire ceux qui pouvaient lui être hostiles, à l’automne 2017, et quand, dans ce contexte, al Waleed bin Talal a été arrêté puis a vu l’essentiel de sa fortune confisquée, Jamal Khashoggi s’est enfui, a rejoint les Etats-Unis et a pu y résider grâce à un contrat de travail au Washington Post, journal de gauche pas très regardant sur ceux qu’il recrute.

Il y a rédigé depuis des articles très hostiles à Mohamed ben Salman, mais aussi, ce qui est logique, très favorables aux Frères Musulmans. Il n’a pas caché son soutien à la “cause palestinienne” et au Hamas, qui fait partie de la confrérie des Frères Musulmans.

Il a, selon toutes les indications disponibles, eu des activités politiques islamiques et été impliqué dans des actions de déstabilisation de Mohamed ben Salman.

On peut raisonnablement penser que Mohamed ben Salman a voulu l’éliminer, mais non pas parce qu’il avait des activités journalistes : plutôt et très nettement parce qu’il avait des activités politiques islamiques et était impliqué dans des actions de déstabilisation.

L’éliminer sur le sol américain aurait créé un incident grave avec le gouvernement américain. L’éliminer à l’étranger présentait moins de risques.

La Turquie étant gouvernée par Recep Tayyip Erdogan, lui-même très proche des Frères Musulmans, Jamal Khashoggi s’y sentait sans doute protégé. Sa volonté de se procurer un document que le royaume saoudien n’a pas voulu lui envoyer par correspondance lui a sans doute été fatale. Il est très vraisemblable qu’il a été torturé (aux fins qu’il parle) et qu’il est mort.

Que la Turquie entende donner un grand retentissement à cette affaire est logique : Recep Tayyip Erdogan est aussi hostile aux orientations que Mohamed ben Salman donne à l’Arabie Saoudite que pouvait l’être Jamal Khashoggi.

Que les Démocrates aux Etats-Unis et la gauche mondiale entendent utiliser cette affaire pour contribuer à la déstabilisation de Mohamed ben Salman est logique aussi. Les Démocrates et la gauche mondiale sont “pro-palestiniens”, et aveugles sur ce que sont les Frères Musulmans. Les Démocrates aux Etats-Unis sont, de surcroit, très hostiles à la ligne dessinée au sommet de Riyadh et à l’endiguement de l’Iran des mollahs qui en découle.

Que la France, l’Allemagne et le Royaume Uni emboîtent le pas des Démocrates américains et de la gauche mondiale et entendent utiliser cette affaire pour contribuer eux aussi à la déstabilisation de Mohamed ben Salman est logique encore : France, Allemagne et Royaume Uni sont sur une ligne “pro-palestinienne”, pratiquent l’apaisement vis-à-vis des Frères Musulmans et entendent préserver le régime des mollahs.

Qu’on présente sans cesse Jamal Khashoggi comme un dissident, et comme un journaliste du Washington Post est mensonger. Jamal Khashoggi n’était pas un dissident, mais un islamiste (très) radical, et il n’était journaliste au Washington Post qu’à temps partiel, tout en se livrant à des activités plus délétères. Dois-je ajouter que ses écrits passés montrent en outre qu’il était un antisémite virulent ?

Mohamed ben Salman a sans doute éliminé non pas un journaliste, mais un agent de déstabilisation islamiste.

La campagne contre Mohamed ben Salman comporte une part d’indignation légitime (l’élimination physique d’un opposant n’est pas une méthode démocratique, c’est le moins qu’on puisse dire), mais aussi une grande part d’indignation suspecte. S’indigner en ne disant pas qui était Jamal Khashoggi est suspect.

Ne pas évoquer le contexte géopolitique inhérent à tout cela est très suspect. Le sommet de Riyadh a enclenché la mise en place d’une alliance d’endiguement de l’Iran des mollahs, d’une réforme profonde de l’Arabie Saoudite, d’une mise à l’écart des courants islamistes par les pays du monde arabe sunnite, d’une marginalisation de la “cause palestinienne”, et d’un rapprochement entre les pays du monde arabe sunnite et Israël en vue d’avancer vers une paix régionale. Cette mise en place est au cœur de la doctrine Trump pour le Proche-Orient, comme je l’explique en détail dans Ce que veut Trump*. Ceux qui veulent se débarrasser de la doctrine Trump (et de Trump lui-même) ne veulent pas de cette mise en place, cela va de soi.

L’Arabie Saoudite est une monarchie absolue dans un monde musulman brutal, et Mohamed ben Salman sait que ses opposants sont prêts à tout pour le renverser et le tuer. Il gouverne d’une main de fer, comme un monarque absolu musulman.

C’est un allié du monde occidental : ce qui ne signifie pas qu’il va faire de l’Arabie Saoudite une démocratie à l’occidentale (et ce doit être dit : si la population saoudienne votait aujourd’hui, elle voterait sans doute pour des islamistes dangereux pour la sécurité du monde).

Donald Trump pourra envisager de procéder à des remontrances sévères de façon à rappeler que les décisions se prennent à Washington, qu’il est des choses qui ne se font pas, et que Mohamed ben Salman ne doit pas se croire tout permis. Donald Trump ne renoncera très vraisemblablement pas aux contrats de fourniture d’armement à l’Arabie Saoudite, et ne remettra très vraisemblablement pas en cause ce qui découle du sommet de Riyadh. Il sera poussé à faire davantage. Par ses ennemis. Et diabolisé un peu plus s’il ne fait pas davantage.

L’affaire semble en voie de résorption. Trump parle de l’action d’”éléments incontrôlables” au sein du consulat saoudien, ce qui est une façon d’exonérer l’Arabie Saoudite. Erdogan coopère avec le royaume saoudien, qui dispose de moyens de calmer les ardeurs d’Erdogan (l’économie turque dépend largement de l’argent saoudien). Trump avait commencé à sanctionner Erdogan, et Erdogan a relâché le pasteur Brunson et commencé à tenir un langage plus accommodant. Mike Pompeo a été envoyé à Riyadh pour régler les détails,

La résorption va venir peu à peu. Et c’est très bien ainsi.

L’alternative devrait être énoncée clairement.

Quelle est-elle ? La déstabilisation de l’Arabie Saoudite au profit des Frères Musulmans. Le maintien, voire le renforcement du régime des mollahs, qui sème la mort au Yémen, finance le Hamas, soutient résolument la “cause palestinienne” et les multiples crimes qui en découlent, ne cache pas ses intentions génocidaires vis-à-vis d’Israël. Une cassure des liens qui commencent à se tisser entre l’Arabie Saoudite et Israël.

Un islamiste (très) radical est sans doute mort, éliminé par un monarque absolu musulman (il se dit maintenant que le projet était d’enlever Jamal Khashoggi et de l’expédier à Riyadh, mais que l’opération a mal tourné). Combien d’articles sont-ils consacrés aux dizaines de journalistes qui sont simplement journalistes et qui sont emprisonnés arbitrairement dans les geôles turques ? Combien d’articles sont consacrés aux exécutions sommaires qui se déroulent par dizaines en Iran ? Combien d’articles incriminent les mollahs iraniens pour les ravages subis par la population du Yémen ? 

** Après la publication de cet article, l’Arabie saoudite, sous les pressions du président Trump, a commencé à reconnaître la responsabilité de la mort de , qui serait le fait d’une bavure.

Illustration haut de page : Jamal Khashoggi ( au milieu ) lance-roquettes à la main entouré de Moujahidines

Source : wikipedia.org et Europe-Israël.org et autres