Le “Printemps” Arabe programmé pour la Tunisie avait été inauguré un certain 18 octobre 2005.

La Photo de famille de « L’impur mélange ou l’impur côte-à-côte » disait Nietzsche.

La défaite des forces de la gauche politique et syndicale un 23 octobre 2011 était inscrite dans le logiciel du 18 octobre 2005.
Il était une fois la Tunisie entre le 14 janvier et le 23 octobre 2011.
Aurions-nous pu éviter cette Aporie de régime démocratique parlementaire iconoclaste concoctée par la constituante ?
Des élections à la hâte étaient-elles concevables et intelligibles dans le vertige d’une liberté jamais connue auparavant par un peuple sans logiciel historique pré-structuré par son élite, elle même dans le chaos et le désordre de la vision et de la pensée?
L’histoire récente antérieure au 14 janvier, que ce soient les élections en Tunisie ou en Algérie avaient montré que l’alternance démocratique ne pouvait que profiter aux islamistes face au candidat du régime officiel « laïc » comme le régime de Ben Ali, ou un Moubarak en Egypte.
Certes avant le 14 janvier personne n’avait prévu l’effondrement du régime Ben Ali de cette manière spectaculaire, même si les tunisiens ont fait de la continuité de l’état avec les symboles de l’ancien régime une sagesse, l’armée s’est désolidarisée et la police, l’organe du maintien répressif de l’ordre s’est effondrée totalement sans résistance significative.
Et si on peut affirmer l’existence d’une contre révolution immédiate, elle n’a pu être menée , certes avec des complicités tunisiennes que par des éléments des services secrets étrangers comme les snipers qui avaient agi comme une police parallèle préexistante et semble être bien infiltrée avant la révolution dans les casernes et les locaux du ministère de l’intérieure.
Mais aussi et contre toute attente, un événement avait surpris les tunisiens eux-mêmes, un phénomène nouveau ,singulier dans l’histoire des révolutions dans le monde et qui avait surpris et dépasser les prévisions et les plans mêmes des comploteurs géopolitiques contre Ben Ali, ce phénomène extraordinaire était la communion de tout un peuple de Bizerte à Tataouine qui s’est transformée en un ballet révolutionnaire pacifique et citoyen sans leaders politique, sous le regards de tous les peuples de l’univers qui étaient pendant plusieurs semaines scotchés devant les écrans de télé, j’en témoigne pour l’avoir vécu de l’Europe ou je vis, comme si le temps universel s’était arrêté sur ce petit bout de terre, la Tunisie .
En réalité, ce n’était pas une surprise, mais le surgissement d’une société civile qui avait émergée d’un demi siècle d’un Bourguibisme moderniste sur la voie des réformistes depuis des siècles, la clairvoyance de Tahar Haddad et le combat social et patriotique de Farhat Hached.
Un peuple ne se décide jamais sur un coup de tête, sans leaders, sans organisation politique, de faire la révolution, il n’est pas non plus sa condition historique, malgré l’état de mécontentement, les tensions sociales prêtent à exploser. Mais le chaos crée par la géopolitique ou les comploteurs, une guerre ou une révolution ou tel autre “accident extrinsèque” comme disait Machiavel, force les membres d’une nation à se reconnaître, à saisir les rênes d’une vie commune qui effilochait. “dans la crainte et l’espérance, chacun maintenant est saisie par la chose commune que la guerre menace de ruiner ou que la révolution bouleverse.Chacun en décidant pour le tout, en décidant pour le tout, chacun décide pour soi”.Machiavel paraphrasé par P.Manent (la situation de la France).
Ceux qui doutent et dénigrent à la longueur de la journée la force d’indignation du peuple tunisien, ceux qui salissent la mémoire d’un pauvre chômeur qui n’avait demandé des comptes qu’à son propre corps, Mohammed Bouazizi, qui n’avait volé personne, juste mettre le feu dans un corps souillé par l’humiliation et l’ignominie du régime de Ben Ali, ils n’ont qu’à lire Machiavel et De Tocqueville ou le Vicomte Talleyrand: ils comprendront que les révolutions ne sont que le volcan provoqué par des séismes souterrains de traîtrises et de complots de guerre ou d’occupation et c’est en dramatisant des incidents de ce genre que la géopolitique fait sauter la poudrière contre les princes dans le collimateur des ennemis .
la Société Civile tunisienne est devenue un corps politique,une loi de la philosophie et des sciences politiques de la Tunisie, elle prendra le dessus sur les élites politiques à chaque secousse ou désordre qui viennent menacer l’existence de la nation, elle est indestructible , même pas par l’effet d’une bombe atomique,comme plaisait à le rappeler Hassan II au journal le Monde au sujet des tunisiens.
C’est une loi de l’histoire de la philosophie politique Khaldounienne, dont Ibn Khaldoun a rêvé pour Ifrîkîya depuis le 15ème siècle, et l’anglais Locke en avait fait une théorie concrétisée par l’émergence en Angleterre du civil gouvernent au 17 siècle.
Cet état de fait et de droit historique devient le plus gros problème qui contrarie les projets des nouveaux conservateurs américains en Tunisie, au moment de la grande mobilisation de la société civile contre la Troika, l’ambassadeur américain avait exprimé publiquement son désarroi et son impatience contre “ce peuple compliqué”il s’était rendu compte que la théorie de la Burka du “printemps arabe” façonnée à Washington n’est pas faite pour la Tunisie .
Jacob Wales change de tactique pour prendre le taureau tunisien par les cornes en neutralisant l’UGTT, la matrice de la Société Civile.une manœuvre qui avait commencé par la circulation d’un document de la CIA alertant le ministère de l’intérieur sur l’imminence des menaces qui pesaient sur la vie du député Mohammed Brahmi, mettant en cause la défaillance des services du ministère de l’intérieur tunisiens et leur capacité de protéger les personnalités politiques de l’opposition. Au même moment on fait circuler des rumeurs sur une menace d’assassinat imminente contre la vie de Houcine Abbassi secrétaire générale de l’UGTT, Jacob Wales propose ses services de protection directe à l’UGTT, et c’était ainsi que le loup s’est installé dans la bergerie.
C’est dans ces conditions que le dialogue national a été une réussite totale pour l’ambassadeur américain et ses protégés Nahdhaouis.
Mais la société civile tunisienne existe, elle est encore solide et forte, la base syndicale aussi et si ce n’était pas la lâcheté et l’opportunisme des élites syndicales et politiques, la société civile est encore , capable, aujourd’hui même, de reprendre son rôle de régulateur de la vie politique pour remettre de l’ordre dans le chaos provoqué par l’alliance Nida-Nada, comme elle l’avait magistralement réussi un certain été du Bardo 2013; aucune puissance étrangère ne viendra intervenir pour sauver sauver la tête de Ghannouchi comme l’avait fait le Hiwar Wattani.
Au contraire ça donnera de la voix aux amis de la Tunisie en Europe et sont des millions, eux n’ont pas encore oublié les moments de grâce de la révolution tunisienne, pour soutenir l’économie tunisienne et renégocier la dette qui va provoquer la faillite du pays.
Entre le 17 décembre 2010 et le 23 octobre 2011, la Tunisie était observée avec les yeux de l’humanité toute entière et protégée par la sympathie de l’univers pour un peuple en communion luttant pour sa liberté, au point de paralyser toute intervention étrangères, les cargaisons d’armes de Sarkozy et Alliot Marie, pour sauver le régime Ben Ali sont restés bloquées sur les quais de Cherbourg et du Bourget en France.
La centrale syndicale a été réquisitionnée de fait par le peuple, elle se trouve matrice et organisatrice d’un soulèvement, malgré elle ,et sans que sa direction l’ait voulu ou chercher à faire tomber Ben Ali.
Le peuple défendait sa liberté retrouvée, quartier par quartier, village par village, le tunisien force l’admiration de la planète toute entière, en faisant de l’humanitaire internationale sur les frontières libyennes, en directe, devant le reste de l’humanité admirative et attendrie, au point de se sentir toute petite devant la générosité et la bravoure de ce minuscule-grand peuple tunisien. Un philosophe et poète français avait distingué les tunisiens du reste de l’humanité par le concept de “gens de Tunisie”
De ce tableau mythique d’une révolution sans leaders, sans barbus dans ses rangs, des jeunes qui chassaient les islamistes des cortèges, une révolution digne, noble et généreuse, on avait le sentiment et la conviction presque que la peur d’un changement qui ne peut que profiter aux islamistes était totalement éloignée et la tache islamiste sur la carte de la Tunisie était effacée comme en témoignent pendant plusieurs mois toute la littérature politique et médiatique occidentale jusqu’au 23 octobre 2011.
C’était à une époque où l’aéroport de Carthage ne désemplit pas des leaders de la gauche européennes pressés de se rendre à Tunis pour « apprendre » à faire la révolution citoyenne, tellement, ils en ont rêvé, et tous volontaires pour plaider la cause de la Tunisie pour effacer les dettes et encourager les investisseurs à venir planter du jasmin dans ce nouveau paradis de la citoyenneté libre.
Mais ceci, c’était avant qu’ils ne désertent la Tunisie pour laisser l’aéroport de Carthage investi et infesté par les barbus wahhabites.
C’était probablement, un moment de l’histoire de l’humanité à saisir et en tout cas un moment, un instant de l’histoire de la Tunisie à saisir pour que la société civile prenne le pouvoir, comme il en a rêvé Ibn Khaldoun au début du 15 ème siècle et il a été réalisé par les anglais de Locke au 17ème siècle.
Il était encore temps de continuer et consolider l’expérience embryonnaire d’une démocratie directe avec la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique et réfléchir mûrement pendant une longue période transitoire sur le régime politique démocratique à adopter.
Un moment de grâce divine.
Mais les forces démocratiques de gauche, alors qu’elles étaient bien représentées et majoritaires dans le comité révolutionnaire, avec une légitimité crédible d’avoir été aux premiers rangs des manifestations, ils avaient refusé d’ouvrir les yeux sur les réalités tunisiennes et donner sens et vision à leur action en redécouvrant grand la bible de Ibn Khaldoun pour se libérer en même temps de leur archaïsme idéologique dont leurs maîtres à penser européens ont définitivement abandonner dans les décombres du mur de Berlin et se libérer de la nouvelle culture philosophique des droits de l’homme française nihiliste, pour se ressourcer dans l’histoire des luttes de Tahar Haddad, Farhat Hached et Bourguiba et plus particulièrement des générations de la gauche depuis le mouvement du mouvement Perspective contre l’obscurantisme.
Mais d’un trait , même si le virus avait été injecté dans un processus qui avait commencé un certain 18 octobre 2005, la gauche avec toutes ses composantes de la molle jusqu’à la plus dure et plus particulièrement la gauche dite radicale, avaient inscrit dans le logiciel de le mouvement démocratique et la lutte pour la justice le concept Lévinassien de « la honte d’être un homme » de gauche de ne pas se sentir responsable de la torture subie par les islamistes sous le régime Ben Ali, assimilant les islamistes aux juifs de Hitler, dans une culpabilité malsaine, interdisant toute marge de liberté de penser la révolution et la démocratie en dehors de cette culpabilité et se laisser glisser dans la labyrinthe de l’idéologie des nouveaux philosophes (cf,l’Idéologie française de Bernard-Henri Lévy)
Philosophiquement et psychologiquement la gauche est atteinte et ses mécanismes politiques sont clôturés narcissiquement dans l’obsession de la culpabilité envers les islamistes, un engagement Lévinassien ( Emmanuel Lévinas, philosophe), lecture BHL, se sacrifiant pour souffrir à la place de l’autre intégré comme victime de la dictature de Ben Ali. Des symptômes sont apparues, des actes manqués comme l’emblème de Mouhajjaba sur la première affiche électorale du POCT, un parti toujours hésitant et ambigu devant la clairvoyance et la liberté de penser d’un grand Lénine Arabe Chokri Belaid et des convictions inébranlables d’un Lion Nasserien Haj Mouhammed Brahmi contre les islamistes, ce parti radical campera toujours dans la lisière des anciens compagnons de la marche du 18 octobre 2005.
Jamais la gauche radicale ne s’ouvrira sur la gauche plurielle ou prendre à bras le corps son rôle patriotique transcendant les guéguerres idéologiques et les querelles de boutiquiers pour se rehausser au niveau des défis qui menacent la nation pour se réconcilier avec le bourguisme destourien patriote à un moment ultime quand la Patrie est en danger imminent dans son existence, dans un enracinement à travers le long mouvement réformiste et patriotes tunisiens.
Ce sont des grandes figures de la gauche tunisienne qui ont reconstituer et renouveler le Bourguibisme dans la pensée et dans le praxis, comme l’Illustre Mohamed Charfi et non pas un Ben Ali.
La gauche radicale syndicale ou partisane est incapable de penser la société tunisienne et son évolution historique, ils sont dans un messianisme de la neutralité a-historique et nihiliste des droits de l’homme, alors que tout simplement les droits de l’homme ne font pas tomber le capitalisme comme l’explique le philosophe français Marxisant- Nietzschéen Gilles Deleuze : « les droits (de l’homme) ne sauvent ni les hommes ni la philosophie, et il faut beaucoup d’innocence ou de rouerie » pour former une opinion universelle, comme « consensus »(Himar Wattani) capable de moraliser les islamistes et l’Etat de marché.
Quant à l’UGTT invitée à gouverner le pays ou participer majoritairement comme elle l’avait déjà fait après l’indépendance, pour avoir donné trois premiers ministres à Bourguiba, elle a refusé, préférant écouter les voix de la neutralité conseillée par des syndicats socialo pro sionistes occidentaux, au lieu d’ouvrir le grand livre de l’expérience du syndicalisme patriotique de Farhat Hached.
Classe politique de gauche et UGTT, main dans la main, avec les islamistes, dans un élan d’innocence démocratique angélique, pour tout effacer et recommencer une Tunisie, sur une feuille blanche, pour la rebâtir avec les islamistes:
Les trois mousquetaires de la mystique politique tunisienne post 14 janvier, ont amené, tout droit , la Tunisie vers le cimetière islamiste un jour noir qui a fait basculer la Tunisie dans l’horreur et la déconfiture, maudit 23 octobre 2011, un accouchement d’un monstre qui avait été conçu un 18 octobre 2005.
Le Hiwar Wattani et la neutralité de l’UGTT ainsi que l’Ankylose du Front populaire ne sont que la suite logique de tout un processus d’un Râbîi Arabî préparé spécialement pour la Tunisie depuis un certain 18 octobre 2005 pour nous exploser à la figure un 23 octobre 2011.
La Société Civile Tunisienne a été livrée aux chiens! par la gauche et l’UGTT,
Triste constat ! Triste fin d’histoire de la gauche syndicale et politique tunisienne.

Par Mohamed Hafayedh , Avocat Honoraire au Barreau de Paris , publié le 4 novembre 2015