Le dit et le non-dit dans le discours du Président Béji

Le 20 mars, le Président de la République a prononcé un discours à l’occasion de la fête de l’indépendance au palais de Carthage. Etaient présents : Les membres du gouvernement , des chefs de partis , des élus de l’ARP et son président , des officiers de l’Etat major de l’armée, le secrétaire général de l’UGTT et celui de l’UTICA ainsi que plusieurs autres personnalités politiques et médiatiques.

Pendant presque une heure, le Président a tenu un discours clair, structuré, loquace, et dénotant d’une lucidité et d’une mémoire que l’âge n’a pas érodées, au contraire. Il ne s’était pas brouillé dans les documents relatifs aux traités d’indépendance présentés pour lever tous les doutes, ainsi que ceux traitant des résultats de l’état de l’économie du pays. Si Béji a ponctué son discours de parenthèses sans perdre le fil de ses idées. La force de ce discours était dans ces silences, biens expressifs. Il suffit de déchiffrer les messages codés qui ont égrené son allocution. Une lucidité qui a cloué le bec de bien de détracteurs malintentionnés et donné des complexes à plus d’un. Leur porte parole Lotfi Lamaari qui a traité le Président Béji de sénile et de koala, bon pour l’asile des vieillards, a reçu un coup percutant à son flanc droit, suivi d’un crochet droit, à même de faire mordre le tapis à un éléphant. Ce jour, par sa prestance, si Béji a voulu prouvé qu’il est debout comme un vieux chêne et qu’il est encore capable de démêler les écheveaux. Voilà une équation à plusieurs inconnues.

Le Président Béji a commencé par donner un rappel historique sur l’indépendance du pays. Celle-ci a été conquise après de dures luttes et dans le sang. Puis, elle s’est concrétisée à la faveur d’âpres combats qui ont duré sept ans après la proclamation de l’indépendance. Un message à ces politiciens qui n’ont pas été à la hauteur des sacrifices de ce peuple.

Le pays s’est construit par le travail et le patriotisme des tunisiens. Le FMI n’existait pas, L’union nationale a soudé tout un peuple qui s’est mis au service de l’Etat et du pays. Le Parti libéral destourien, l’UGTT et L’UTICA était unis pour l’édification de l’Etat. Le travail a supplanté le FMI qui, d’ailleurs, en ces temps, n’avait pas pour mission de secourir les pays en difficulté. Le leader Bourguiba a lancé ses troupes contre l’ennemi, le sous développement, dans une bataille qu’il appelait « al jihad al akbar ». Et, « A chaque fois que les choses ont empiré, c’est en faisant prévaloir le principe de l’union nationale que la Tunisie a trouvé son salut. », a rappelé le Président. Là encore un message codé à cette classe politique qui a ébranlé cette union. Pourtant, il a essayé de la rétablir, mais des partis politiques n’ont pas répondu à son appel sans justifier leur refus. Malgré cela, si Béji a insisté sur le fait qu’il était temps de dépasser les dissensions et de penser ensemble aux meilleures solutions possibles pour secourir ce pays malade.
Malade surtout au vu des résultats du gouvernement de Y.Chahed. Appelé pour redresser la situation du pays, Youssef l’a enfoncée dans un état de faillite désastreux. Tous les indicateurs sont au rouge. Tous les chiffres sont en de ça de ceux de 2016 et surtout de 2010. Ces chiffres parlent d’eux mêmes. Ils montrent une aggravation sans précédant des finances du pays, depuis la prise de fonction de Youssef Chahed, à la tête du gouvernement . En filigrane, les « révolutionnaires » sont occupés depuis neuf ans à marquer, comme des animaux sauvages, leurs périmètres sans se soucier aucunement des affaires publiques.

Dans un article « La fin du mandat pathétique du président Béji Caïd Essebsi » publié au torchon électronique « Kapitalis » le 21 mars 2019, Ridha Kéfi, défendant aveuglément Youssef Chahed , a poussé le ridicule à sa limite en mettant tout sur le dos du Président que ce soit le rapprochement avec Ghannouchi ou la déconfiture du gouvernement. Un article tendancieux qui a omis , non sans arrière pensée , deux réalités.

Toute la classe politique a poussé Si Béji, d’une manière directe ou indirecte, à faire ce rapprochement y compris Chahed. Le Président n’a pas manqué d’en faire signe en filigrane. Deuxièmement, la grande majorité des composantes politiques ont été dépitées, chacune pour ses propres raisons, par la victoire du Nida et de si Béji en 2014. Certains ont vu dans cette victoire la résurgence du RCD, Les « frères » nahdhaouis et leurs alliés ont été déroutés par le fait que le but du « printemps arabe » de porter les islamistes au pouvoir n’a pas été atteint. Une machine exécrable a été mise en route, contre Nida et le gouvernement H.Essid, pour le saboter, empêchant surtout le Président de gouverner avec ce chef de gouvernement qui lui était proche.

Y.Chahed a choisi de comploter et gouverner avec Ennahda et de tout faire pour écarter le Président de la marche du gouvernement. Le Président le lui a rappelé , en citant Ghannouchi et Laarayedh , diplomatiquement en évitant les mots qui font mal . Le dernier remaniement ministériel où Chahed n’a même pas respecté le protocole en est la preuve. Chahed a enfreint l’article 71 de la constitution. Le président en a pris pour témoin le Président de l’ARP, présent. Donc contrairement aux allégations de Ridha Kéfi, Si Béji n’assume aucune responsabilité dans les résultats catastrophiques qui enveniment le climat politique , économique et social. C’est ce que si Béji a laissé entendre. Il impute aussi la crise que traverse le pays à la carence en personnalités dotées de la carrure d’hommes d’Etat. Or la Tunisie ne mérite pas l’anarchie qui la secoue, a bien précisé le Président.
La Constitution qui a étriqué les pouvoirs du Président de la République, ce sont les élus de l’ANC dominée par les islamistes qui l’ont pondue a-t-il rappelé. A cet effet, Si Béji a déclaré qu’il a un projet d’amendement de la constitution qui donnerait au bicéphalisme de l’exécutif toute sa signification. Cette révision n’étant pas à l’ordre du jour actuellement, les délais font défaut, si Béji léguerait ce projet à son successeur s’il n’était pas encore au pouvoir, l’éventualité de son maintien n’a pas été exclue.
Le zaïm Habib Bourguiba a promulgué le Code du statut personnel malgré les mentalités en ces temps. Béji veut compléter son œuvre émancipatrice par l’égalité homme-femme en matière d’héritage.
Si Béji a bien précisé tout au long de son discours qu’il se situe sur la lignée destourienne et bourguibiste, dont l’union nationale et l’intérêt de la nation en sont les piliers.
Rached Ghanouchi était crispé et ne tenait pas bien sur sa chaise. Il était impatient de rentrer. Il était pointé du doigt pour vouloir remettre en cause le caractère civil de l’Etat en s’accrochant à des interprétations salafistes de la Constitution. Le Président a martelé que le caractère civil de l’Etat fondé sur la citoyenneté est intangible et irrévocable. « Lam echaml » exige qu’on soit clair et conséquent sur ce point nodal de la constitution. A bon entendeur salut. « Lam echaml » se fera sans lui . Oui, Rached ne peut se désavouer, lui qui a écrit le Livre « Les liberté publiques dans l’Etat islamique » où il se prononce pour un Etat islamique fondé sur la Charia comme seule source de légiférer . Béji rappelle que maintenant la légitimité est au peuple souverain et pas besoin de chercher dans la métaphysique Ghannouchéenne. 
Le Chef de l’Etat, malgré l’aigreur , est bien conscient des flèches vénéneuses de ses détracteurs a parlé sans rancune appelant à l’unité nationale et laissant la porte ouverte à la réconciliation. En homme d’Etat , Si Béji a parlé en tant que rassembleur. Aux farfelus  de se ressaisir. Attention aux retardataires…si Béji ne va pas les attendre indéfiniment.
Le programme de Nida pour le pays est tracé, à son équipe de bien occuper le terrain que si Béji a déblayé. Le congrès du Nida, prévu le 6 avril prochain, donnerait plus de visibilité là-dessus et de ce qu’il en découlerait.

Mounir Chebil