La Cour pénale internationale continuera son travail sans être dissuadée par les menaces de Washington

La Cour pénale internationale ( CPI ) a réagi aux propos de Washington, qui a menacé de sanctions si ses juges et procureurs s’en prenaient à des Américains ou à Israël. La CPI a déclaré aujourd’hui qu’elle était déterminée à continuer à faire son travail au lendemain des menaces américaines de sanctions dans l’éventualité où elle enquêterait sur les activités des forces américaines en Afghanistan.

Dans un communiqué publié mardi 11 septembre, la CPI, juridiction pénale universelle chargée de juger les personnes accusées de génocides et de crimes contre l’humanité, rappelle qu’elle est une institution impartiale et indépendante bénéficiant du soutien de 123 pays. « La CPI, en tant que cour de justice, continuera de faire son travail sans se laisser décourager, conformément à ces principes et à l’idée fondamentale de l’Etat de droit », lit-on dans le communiqué.

Lundi 10 septembre, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, a accusé la juridiction internationale chargée de juger notamment les crimes de guerre et contre l’humanité, dont Washington n’est pas membre, d’être « inefficace, irresponsable et carrément dangereuse ». Devant la Federalist Society, une organisation conservatrice de Washington, il a dénoncé la possibilité d’une enquête contre des militaires américains ayant servi en Afghanistan, mais aussi d’éventuelles enquêtes contre Israël à l’instigation de l’Autorité palestinienne. « Si la Cour s’en prend à nous, à Israël ou à d’autres alliés des Américains, nous n’allons pas rester silencieux », a prévenu John Bolton, annonçant une série de mesures de rétorsion possibles, dont les sanctions contre le personnel de la CPI.

La défense de la CPI

« Nous allons interdire à ces juges et procureurs l’entrée aux États-Unis. Nous allons prendre des sanctions contre leurs avoirs dans le système financier américain, et nous allons engager des poursuites contre eux dans notre système judiciaire », a mis en garde le conseiller du président Donald Trump. La juridiction qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, a répondu « agir strictement dans le cadre légal défini par le Statut de Rome », et être « attachée à l’exercice indépendant et impartial de son mandat ».

Début novembre 2017, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, avait annoncé qu’elle allait demander aux juges l’autorisation d’ouvrir une enquête sur des crimes de guerre présumés commis dans le cadre du conflit afghan, notamment par l’armée américaine. En Afghanistan, les États-Unis sont toujours à la tête d’une coalition militaire qui a renversé le régime des talibans fin 2001.

« Nous allons laisser la CPI mourir de sa belle mort »

« À tout moment, la CPI pourrait annoncer l’ouverture d’une enquête formelle contre ces patriotes américains », a expliqué John Bolton. « Aujourd’hui, à la veille du 11 Septembre » et de l’anniversaire des attentats de 2001 qui avaient déclenché l’opération en Afghanistan, « je veux adresser un message clair et sans ambiguïté de la part du président des États-Unis : les États-Unis utiliseront tous les moyens nécessaires pour protéger nos concitoyens et ceux de nos alliés de poursuites injustes de la part de cette cour illégitime », a-t-il martelé.

« Nous n’allons pas coopérer avec la CPI, nous n’allons pas lui fournir d’assistance, nous n’allons pas adhérer à la CPI. Nous allons laisser la CPI mourir de sa belle mort », car « pour nous, la CPI est déjà morte », a-t-il insisté.

Relation tumultueuse entre les USA et la CPI

La Cour pénale internationale est régie par le Statut de Rome, un traité entré en vigueur le 1er juillet 2002 et ratifié depuis par 123 pays. Son procureur peut déclencher ses propres enquêtes sans permission des juges à la condition qu’elles impliquent au moins un pays membre, c’est le cas de l’Afghanistan. Les relations entre Washington et la juridiction ont toujours été tumultueuses. Les États-Unis ont toujours refusé d’y adhérer et ont tout fait, notamment par des accords bilatéraux avec de nombreux pays, pour éviter que des Américains puissent être visés par ses enquêtes.

Mais John Bolton a déploré que certains pays, notamment membres de l’Union européenne, aient jusqu’ici refusé de tels accords. Selon lui, « l’objectif tacite, mais toujours central », des « plus fervents partisans » de la CPI « était de limiter l’action des États-Unis », en ciblant avant tout « ses dirigeants politiques ». Il a qualifié la Cour d’instance partisane, menant une « attaque contre les droits constitutionnels du peuple américain et la souveraineté des États-Unis ». Cette attaque en règle s’inscrit dans le programme « America First » (L’Amérique d’abord) de Donald Trump, qui a déjà mené au retrait des États-Unis de plusieurs organisations ou accords internationaux