Je vous vomis au nom de ces anges , oh combien je vous vomis…

Je vous vomis au nom de ces anges qui sont partis, sans même voir le jour, sans même attendre quoi que ce soit de ce maudit pays. Je vous vomis au nom des mères qui ont vu grossir leur ventre, qui ont attendu des mois pour enlacer leur bébé, leur donner le sein et un nom, les voir pousser la première dent, dire le premier mot et grandir.
Je vous vomis au nom de toutes et tous ceux qui meurent de misère et de maladie dans la nonchalance, les bouches cousus, les complots, la corruption, les guerres politiques intestines, les égos surdimensionnés, les âmes vendues, et la course acharnée en quête du pouvoir, une course où vous êtes capables de tout piétiner sur votre chemin.
Je vous vomis au non de toutes les citoyennes et tous les citoyens qui meurent tous les jours par petit bout, de tristesse, de désespérance, de dégoût, de douleur, qui sont écorchés par ce cycle fou et insoutenable qui s’étale depuis huit ans et qui annonce tous les jours un drame, une tragédie, un malheur, qui annonce la Mort et qui nous traîne de deuil en deuil. Je vous vomis, oh combien je vous vomis parce que ces nouveaux nés morts, racontent l’histoire d’une autre Tunisie possible, assassinée le jour où elle est née. Je vous vomis de toutes mes tripes, de tous mes mots, de toute ma bouche, parce que vous avez rendu ce pays invivable, vous avez empoisonné notre quotidien, violé nos petites joies, torpillé nos humbles habitudes, exaspéré nos rêves, suicidé nos espoirs et métastasé notre printemps. Ces nouveaux nés enveloppés de blanc, qui dorment dans des cartons, hanteront vos jours et vos nuits, et marqueront l’histoire d’un pays qui tue ses enfants.
Je vous vomis, oh combien je vous vomis, et je me demande si un jour, on ne va pas se retrouver dans des cartons plus grands, aussi grands que nos tailles, aussi grands que nos rêves, aussi grands que notre Patrie.

Leïla Toubel