Irak : le bombardement des civils à Mossoul pourrait constituer un crime de guerre

bombardement aveugle mossoul irak

Des centaines de civils ont été tués par des frappes aériennes alors qu’ils se trouvaient chez eux ou dans des lieux où ils s’étaient abrités, après que le gouvernement irakien leur avait recommandé de ne pas partir durant l’offensive menée pour reprendre la ville de Mossoul au groupe armé se faisant appeler État islamique (EI , Daesh acronyme arabe), a déclaré Amnesty International.

«Les preuves recueillies sur le terrain à l’est de Mossoul font état du schéma alarmant des frappes aériennes de la coalition menée par les Etats-Unis qui ont détruit des maisons entières abritant des familles. Le grand nombre de civils tués laisse penser que les forces de la coalition n’ont pas pris les précautions adéquates pour éviter leur mort, en violation flagrante du droit international humanitaire, ce qui pourrait constituer un crime de guerre.» Tel est le bilan de Donatella Rovera, conseillère principale d’Amnesty International pour les situations de crise, à l’issue de sa mission en Irak.

«Au lieu d’évacuer les civils de zones nouvellement reprises afin de minimiser le risque qu’ils ne soient blessés dans les attaques, les forces irakiennes semblent les avoir mis encore plus en danger en les encourageant à rester chez eux et en établissant des positions militaires à proximité», a-t-elle poursuivi. Elle a aussi ajouté que l’augmentation spectaculaire des pertes civiles dues à ces frappes aériennes et aux combats au sol entre l’armée irakienne et les combattants de Daesh au cours des derniers mois, soulevait la question du caractère licite de ces opérations.

Selon des témoignages, les résidents de Mossoul doivent faire face à des tirs aveugles de mortier effectués non seulement par les combattants de Daesh mais aussi par les forces irakiennes dans des zones habitées. L’ONG ajoute que les tirs de mortiers ne peuvent pas cibler avec précision une cible militaire et que ce type d’armement ne devrait ainsi jamais être utilisé dans des quartiers densément peuplés.

Le 17 mars 2017, une des attaques aériennes les plus meurtrières menée par la coalition a tué jusqu’à 150 personnes dans le quartier de Jadida, à l’ouest de Mossoul, poussant in fine la coalition à annoncer qu’elle menait une enquête sur cette attaque. Une semaine après l’attaque, la coalition a reconnu avoir bombardé le secteur sans pour autant assumer la responsabilité des pertes civiles.

Le 28 mars, le président irakien a annoncé avoir suspendu l’opération dans l’ouest de Mossoul dans le but de «trouver des moyens plus satisfaisants pour lutter contre Daesh» et d’enquêter sur les erreurs des Etats-Unis.

«Les relations entre les deux pays sont stratégiques, et une frappe contre un bâtiment abritant des civils ne signifie pas qu’ils l’ont visé exprès», a-t-il néanmoins ajouté.

Aucun changement dans la stratégie des Etats-Unis «n’est prévu»

Le Pentagone a de son côté renoncé à changer de méthode dans sa lutte contre Daesh. «Le Général Votel [le chef du Commandement central américain] ne prévoit pas de changements. Notre stratégie est bonne et nous comptons nous y tenir», a déclaré le porte-parole du Commandement central américain, John Thomas.

L’ONU condamne

Zeid Ra’ad al-Hussein, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a dénombré pas moins de 307 civils tués et 273 blessés dans l’ouest de Mossoul en à peine un mois.

L’ONU a fermement condamné par la voix de son haut-commissaire aux droits de l’homme Zeid Ra’ad al-Husein «les pertes massives de vies civiles» dans l’ouest de Mossoul, où au moins 307 civils ont été tués depuis le 17 février.

Cette déclaration intervient au lendemain de la confirmation par Washington que ses «règles d’engagement» dans la guerre contre le groupe terroriste Daesh ne seraient pas modifiées, bien que la coalition dirigée par les Etats-Unis est accusé d’avoir tué des dizaines de civils dans des frappes aériennes ces dernières semaines.

L’ONU estime que les forces irakiennes et de la coalition «doivent réellement s’occuper de ce problème» et mener «une enquête complète et transparente» sur la mort de ces civils.

Washington affirme que pas plus de 200 civils ont été tués par des frappes de la coalition; des chiffres contestés par l’organisation britannique Airwars selon qui le nombre de victimes pourrait être dix fois supérieur. L’ONU a également fait part la semaine dernière de sa «profonde préoccupation sur le nombre de victimes civiles à al-Jadida», un quartier densément peuplé de Mossoul, expliquant que les premiers rapports indiquent qu’il y a eu «des centaines de morts».

Le bureau pour les droits de l’homme de l’ONU a en outre déclaré que Daesh retenait des civils dans des bâtiments dans l’ouest Mossoul et s’en servait comme boucliers humains. Près de 400 000 personnes sont toujours piégés dans la vieille ville de Mossoul qui est aux mains de l’Etat Islamique. L’ONU déplore qu’ils font face à des pénuries de nourriture et de fréquentes coupures d’électricité et ajoute qu’entre 8 000 et 12 000 civils fuient la ville tous les jours.