Lavrov : Washington « essaye de mettre en place un gouvernement alternatif en Syrie »

Selon le chef de la diplomatie russe, les Etats-Unis travaillent en Syrie à la création d’entités politiques distinctes des autorités syriennes, violant ainsi l’intégrité territoriale du pays.

Malgré ses obligations, Washington s’est sérieusement adonné à des tentatives d’instaurer un gouvernement alternatif sur le territoire syrien, a déclaré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.

«C’est un fait que les forces américaines sont impliquées dans la création d’entités gouvernementales alternatives sur de vastes pans du territoire syrien», a déclaré vendredi 19 janvier le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. «Et cela, bien sûr, vient en totale contradiction avec les obligations [américaines], auxquelles ils ont accepté de se plier à de nombreuses occasions – y compris au Conseil de sécurité des Nations Unies – de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie», a ajouté le chef de la diplomatie russe.

Il a également affirmé que le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, lui avait dit à de nombreuses reprises que la seule raison de la présence militaire américaine en Syrie était la lutte contre l’Etat islamique ( Daesh ) . «A présent [que Daesh est défait], ils ont d’autres projets à long terme», a commenté le diplomate russe.

Sergueï Lavrov répondait alors à une question posée par un journaliste de la chaîne RT, Caleb Maupin, lors d’un point presse au siège des Nations unies à New York, au sujet de l’actuelle crise d’Afrin.

«Ils ont des plans bien plus ambitieux. Il nous faudra en tenir compte et chercher des moyens qui ne leur permettront pas de torpiller la souveraineté de l’État syrien», a souligné le ministre.

L’armée turque a lancé ce 19 janvier une opération militaire en Syrie pour reprendre la ville d’Afrin, contrôlée par les Kurdes. L’ombre de Washington plane sur cette offensive, qui met en exergue les ambiguïtés de la politique kurde des Etats-Unis depuis le début de l’intervention américaine en Syrie en 2014. D’un côté, les Etats-Unis reconnaissent le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme une organisation terroriste, tout comme l’Union européenne et la Turquie. De l’autre, ils ont fait des milices des YPG l’un de leurs partenaires privilégiés… alors même qu’Ankara les considère comme terroristes.

La récente décision du Pentagone de mettre en place un programme d’entraînement pour les garde-frontières arabes et kurdes en Syrie, afin d’éviter une renaissance du groupe terroriste Daech, semble avoir mis le feu aux poudres. L’administration américaine a en effet annoncé début janvier qu’elle souhaitait aider à la mise en place d’une force de 30 000 hommes sous la direction des YPG. «L’Amérique a avoué qu’elle était en train de constituer une armée de terroristes à notre frontière. Ce qui nous revient, à nous autres, c’est de tuer dans l’œuf cette armée terroriste», avait déclaré Recep Tayyip Erdogan le 15 janvier.

Le double-jeu kurde de Washington provoque la colère d’Ankara

L’ombre de Washington plane sur cette bataille, qui met en exergue les ambiguïtés de la politique kurde de Washington depuis le début de l’intervention américaine en Syrie en 2014. D’un côté, les Etats-Unis reconnaissent certes le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme une organisation terroriste, tout comme l’Union européenne et la Turquie. De l’autre, ils ont fait des milices des YPG l’un de leurs partenaires privilégiés… alors même qu’Ankara les considère comme terroristes. Jusqu’alors, cette stratégie n’avait causé que des tensions relativement secondaires entre Washington et Ankara, tous deux alliés notamment au sein de l’Otan.

Mais la récente décision du Pentagone de mettre en place un programme d’entraînement pour les garde-frontières arabes et kurdes en Syrie, afin d’éviter une renaissance de l’Etat islamique, semble avoir mis le feu aux poudres. L’administration américaine a en effet annoncé début janvier qu’elle souhaitait aider à la mise en place d’une force de 30 000 hommes sous la direction des YPG. «L’Amérique a avoué qu’elle était en train de constituer une armée de terroristes à notre frontière. Ce qui nous revient, à nous autres, c’est de tuer dans l’œuf cette armée terroriste», avait déclaré Recep Tayyip Erdogan le 15 janvier.

Si le président turc est coutumier des déclarations fracassantes, la sortie de son ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, deux jours plus tard, semble bien témoigner d’une crispation diplomatique sérieuse entre la Turquie et les Etats-Unis. Le ministre a en effet prévenu son homologue américain Rex Tillerson que la création de cette force armée «pourrait menacer [les] liens bilatéraux» entre les deux pays et les entraîner «sur une route irréversible». Les réactions ne se sont d’ailleurs pas limitées au camp politique du président, puisque Dogu Perincek, leader du Parti des travailleurs (classé à gauche), a par exemple demandé à ce que l’armée américaine ne puisse plus utiliser la base militaire turque d’Incirlik jusqu’à l’abandon de ce projet.

Du côté kurde, on attend une aide de Washington face à l’opération annoncée sur Afrin, sans toutefois trop d’illusion. «Ils ne veulent pas perdre leur allié de toujours, la Turquie, et veulent en même temps ménager leur nouvel allié, les Kurdes», résume Saleh Muslim, figure de proue du mouvement indépendantiste kurde, dans un entretien au journal libanais L’Orient-Le Jour. Alors que l’administration américaine tente de calmer la colère d’Ankara en minimisant ses précédentes déclarations, l’offensive turque sur Afrin semble mettre Washington face à ces propres contradictions – et face à l’absence de stratégie claire dans sa politique au Moyen-Orient.

Sources : RT et Sputnik