D’après un haut responsable du ministère russe des Affaires étrangères, les Etats-Unis sous-estimeraient la menace posée par la présence du groupe terroriste Etat islamique ( EI ou Daesh ) en Afghanistan.
Dans un entretien à l’agence de presse russe RIA Novosti, Zamir Kaboulov, en charge du département Moyen-Orient au sein du ministère russe des Affaires étrangères, met en garde la communauté internationale : «La Russie a été parmi les premières nations à signaler le risque d’une expansion de Daesh en Afghanistan. Dernièrement, Daesh a augmenté sa présence dans ce pays. Selon nos dernières estimations, leurs forces comptent 10 000 personnes dans cette région et continuent de grandir. Au sein de celles-ci se trouvent de nouveaux combattants avec une expérience du feu acquise en Syrie et en Irak.»
Les forces de Daesh seraient principalement concentrées au nord du territoire afghan, non loin des frontières avec le Tadjikistan et le Turkménistan.
«L’objectif de Daesh est limpide : étendre son influence au-delà de l’Afghanistan dont le territoire ne servirait plus que de base arrière. Ceci constitue une grave menace pour la sécurité de l’Asie centrale et le sud de la Russie», a ajouté Zamir Kaboulov.
L’Afghanistan, terre de djihad depuis les années 1980
Daech contrôle une dizaine de districts de la province de Jowzjan. Le groupe djihadiste veut en faire un « hub logistique pour recevoir et entraîner les combattants étrangers », analyse Caitlin Forrest, de l’Institute for the Study of War à Washington. Pour le groupe armé, défait en Syrie et en Irak, l’Afghanistan devient un « refuge » d’où il pourra « planifier des attentats aux Etats-Unis », explique-t-elle dans un article.
« L’Emirat islamique au Khorasan » (nom médiéval de l’Afghanistan) s’est d’abord installé dans l’est du pays, dans les provinces de Nangarhar et de Kunar, limitrophes du Pakistan d’où proviennent la plupart de ses combattants, selon le ministère de la Défense. Depuis, Daech s’est étendu dans trois provinces du Nord : Jowzjan, Faryab et Sar-e-Pul. C’est à Jowzjan que six employés du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont été tués dans une embuscade en février – jamais revendiquée.
L’Afghanistan, aux contours compliqués et aux frontières poreuses, est de longue date une terre de djihad : c’est dans son sud-est et au Pakistan même que les moudjahidines formaient leurs combattants contre les Soviétiques dans les années 1980, puis qu’Al-Qaïda entraînait ses candidats au djihad global. De passage à Kaboul le 19 novembre, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait souligné la menace grandissante de Daech en Afghanistan, après ses défaites en Irak et en Syrie.
Washington sous-estime-t-il la menace de Daesh ?
Le diplomate russe a également expliqué que les Etats-Unis et la Russie ne partageaient pas la même analyse quant à l’ampleur de la menace représentée par Daesh en Afghanistan et en Asie centrale.
Selon lui, Washington concentre ses efforts dans la lutte contre les Taliban et néglige ses relations avec les autres nations de la région. Toujours selon Zamir Kaboulov, les Etats-Unis se montrent très critiques à l’égard de ces Etats, jugeant leur action à l’encontre des Taliban trop timorée, mais ne réalisent pas leurs propres manquements dans la région.
Les Etats-Unis sont présents en Afghanistan depuis 2001. Le 30 août, le Pentagone a révélé que 11 000 soldats américains y s’y trouvaient toujours, et non pas 8 400, comme l’administration Trump l’avait précédemment annoncé. Ces soldats sont la fois chargés d’encadrer les militaires afghans avec leurs alliés de l’OTAN et de combattre aux côtés des forces spéciales, contre les Taliban, Daesh et Al-Qaïda.