Elections présidentielles en Tunisie : l’heure est grave

L’heure est grave. La Tunisie négocie un tournant d’acuité inégalée dans son histoire moderne : les élections présidentielles et législatives du cycle politique 2019/2024.

La nonchalance ambiante aisément observable chez la société civile comme chez la classe politique inquiète et augure d’un épilogue qui risque de mettre le pays en péril et d’hypothéquer de manière réelle et sérieuse son avenir.

Les tunisiens devraient d’urgence prendre conscience du danger qui guette leur pays et assumer leur responsabilité devant leur conscience d’abord et surtout, devant leurs enfants.

Moi, je vais le faire. Mais pour rester sincère et crédible, comme j’ai toujours essayé de l’être, ce sera sans parti pris, ni passion, sauf évidemment, pour mon pays.

Je vais multiplier les statuts, les prochains jours pour broder autour de cet évènement politique majeur. Je vais dire mon opinion, tenter d’éclairer votre lanterne et partager avec vous ce que je pense profondément être dans l’intérêt de notre pays à tous, avec la tendre prière de partager.

ACTE I : DE QUELQUES CONSTATS

Premier constat : les présidentielles 2019 envoient au second tour deux personnes peu connus du large public : MM. Kais Saïed et Nabil Karoui. Les deux candidats apparaissent rarement dans les plateaux et parlent peu. Ils sont beaucoup plus racontés par les autres que par eux-mêmes.

Deuxième constat : La représentativité des deux gagnants du premier tour des présidentielles est relativement faible. Certes, ils sont premier et second, mais avec des résultats qui représentent pour l’un comme pour l’autre, moins du cinquième de l’ensemble des votants et moins du dixième de l’ensemble des votants inscrits. Les deux peuvent opposer une légitimité légale mais point, de légitimité réelle.

Troisième constat : les deux candidats ont largement profité de la dispersion des voix qui a caractérisé la « famille politique » dite démocrate ou centriste. Si cette famille avait présenté un seul candidat, elle aurait sans nul doute, gagné au premier tour. Dr. Zbidi était le plus proche des trois premiers et ses chances de l’emporter même au deuxième tour, étaient réelles. Seuls MM. Mohsen Marzouk et Youssef Chahed ont eu des réactions sages quoique tardives.

Quatrième constat : les élections présidentielles sont viciées, car le principe de l’égalité des chances que tout le monde qualifie de fondamental, n’a pas été respecté. Mr. Nabil Karoui n’a pas fait sa campagne au premier tour et il est tout à craindre qu’il n’en fera pas au second, auquel cas, c’est l’ensemble de l’exercice qui risque d’être frappé de nullité.

Cinquième constat : La Tunisie électorale s’est montrée dans son appréciation des candidats, globalement intuitive, approximative et sentimentale. Les avis ne renvoient pas aux projets proposés par les candidats, mais à des considérations somme toute secondaires par rapport à l’enjeu. Pour le dirigent d’un parti politique, lui-même candidat, la consigne de vote pour KS au deuxième tour s’explique par le fait que son adversaire serait corrompu ! Avocat de son état et faisant de l’ « Etat fort et juste », son slogan électoral, l’homme n’hésite pas à diffamer, impunément bien entendu, et à fonder son choix sur des présomptions non encore confirmées par l’autorité judiciaire.

Par-delà ces quelques constats, qui seraient les deux prétendants à la magistrature suprême ? Que nous proposent-ils comme vision du monde ? Méritent-ils de nous gouverner ?

J’essayerai de répondre à ces questions dans les prochains statuts.

Samir Brahimi