Drapeau et moulins à vent

Taous Ait Mesghat

Taous Ait Mesghat

Oui monsieur le président je l’avoue , je n’ai pas mis de drapeau
Qu’on me condamne de trahison , qu’on me mène à l’échafaud
C’est que voyez vous , je ne possède ni étendard ni oripeau
Un emblème ne s’achète pas et je ne sais pas combien ça vaut
Oh j’en avais auparavant , ma mère me l’avait mis dans mon trousseau
Délicatement brodé , posé entre ma robe berbère et mon caraco
C’est que voyez vous , quand on va loin on emporte de son pays un morceau
Pour le sentir quand rien ne va et le caresser quand il ne fait pas beau
Et quand j’ai eu mes enfants , je l’ai étendu à la tête de leur berceau
Pour que les couleurs de ma patrie s’inscrivent dans leurs cerveaux
C’est que voyez vous , on s’accroche à ses valeurs comme à un radeau
Quand l’identité se perd au milieu de différents chants d’oiseaux
Au fil du temps et des voyages il se trouvait toujours dans mon ballot
Ne riez pas mais au travail il avait sa place d’honneur sur mon bureau
C’est que voyez vous , on devient un peu chauvin et parfois même idiot
Quand le ballon sépare des coeurs qui furent solidaires et amicaux
Mais aujourd’hui je suis revenue laissant tout derrière mon dos
Je ne pensais pas avoir à prouver mon nationalisme aux badauds
C’est que voyez vous , mon drapeau , je le porte en seconde peau
Pour le faire flotter sur mon balcon vous devrez m’écorcher à chaud
Oui monsieur le président je l’avoue, je n’ai pas mis de drapeau
J’ai le mal de mère patrie quand je sens qu’on me mène en bateau
C’est que voyez vous, je n’aime ni le populisme ni l’allégeance des troupeaux
Et je n’ai pas à choisir entre une enclume inconnue et votre célèbre étau
Quand le devoir m’appelera , je rangerais mes larmes, je prendrais les armes et affûterais mes mots
Car voyez vous , il y a plus de patriotisme dans ma maison sans drapeau qu’il n’y en aura jamais dans vos châteaux .
Bonjour le monde , bonjour l’humanité !

Taous Ait Mesghat