Dinar tunisien : la descente sûre aux Enfers a commencé

Ezzeddine Saïdane

Ezzeddine Saïdane

LE DINAR CONTINUE DE BAISSER ………… VOICI POURQUOI

Le Dinar ne peut pas être déconnecté de la réalité économique et financière de la Tunisie. La monnaie nationale est en effet le miroir qui reflète ce qui se passe au niveau de l’économie. Si les fondamentaux de notre économie (taux de croissance, taux d’inflation, déficit budgétaire, déficit de la balance commerciale, déficit courant, niveau de la dette publique, etc.) ne sont pas bons, le Dinar ne peut pas s’apprécier, il ne peut pas rester stable non plus, il ne peut que se déprécier. Voici quelques constats basés sur des données tirées exclusivement du site de la Banque Centrale de Tunisie (BCT ) cliquer ici pour voir www.bct.gov.tn

1- Afin de neutraliser les variations du Dollar par rapport à l’Euro j’ai essayé de suivre le couple Dollar / Euro (1 Dollar + 1 Euro) au lieu de suivre chacune des deux monnaies séparément. Ainsi par rapport au couple Dollar / Euro et entre le 12 avril 2016 et le 12 avril 2017 le Dinar s’est déprécié de 13,32 %, oui j’ai bien dit 13,32 %. Quand l’économie va mal, et quand l’inflation est à un niveau élevé pendant plusieurs années, la valeur de la monnaie nationale ne peut que s’éroder.

2- Cette dépréciation de la monnaie nationale génère ce que les économistes appellent l’inflation importée, qui nourrit encore l’inflation, et qui fait rentrer l’économie dans un processus inflationniste. Ce processus se nourrit de lui-même et entraine plus de dépréciation de la monnaie nationale.

3- Si en plus l’économie ne produit pas de croissance, ce qui est notre cas, la situation devient difficile à gérer. Les économistes qualifient cette situation de « stagflation » (stagnation et inflation en même temps).

4- La BCT a essayé à plusieurs reprises, depuis 2011, d’intervenir sur le marché des changes dans le but de ralentir la baisse du Dinar. Cependant ces interventions coûtent cher à la BCT, et donc à l’État. En outre la BCT ne peut intervenir que si elle dispose de réserves de changes à un niveau élevé. Ces interventions de la BCT sont souvent faites sous une pression politique et causent plus de mal à l’économie que de bien.

5- Le Dinar semble s’engager dans une nouvelle vague de glissement depuis le début du mois d’avril. Vous pouvez constater que le Dinar baisse en même temps contre l’Euro et contre le Dollar. Mais la BCT ne peut plus intervenir, elle n’en a plus les munitions (réserves de changes).

6- Malgré sa dépréciation le Dinar demeure surévalué de l’ordre de 10 à 12%. Le FMI estime que le Dinar est encore surévalué de 6 à 13%.

UN GLISSEMENT RAPIDE DU DINAR EN AVRIL ET MAI N’EST PAS EXCLU. UNE DÉVALUATION OU UN FLOTTEMENT (TA3WEEM) NE SONT PAS À EXCLURE NON PLUS.

LE DINAR NE PEUT ÊTRE SAUVÉ QUE SI L’ÉCONOMIE EST SAUVÉE.

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3.879 Millions de Dinars………DÉFICIT COMMERCIAL

Les chiffres de l’INS (Institut National des Statistiques) viennent de tomber: le déficit de la balance commerciale atteint un record absolu au terme du premier trimestre de 2017.

3.879 millions de Dinars. Analysons ce chiffre:

1- 3.879 millions de Dinars est la différence entre les importations enregistrées durant les trois premiers mois de cette année (11.412 millions de Dinars) et les exportations enregistrées durant la même période (7.533 millions de Dinars).

2- Ce déficit est en augmentation de 57,3% (oui je dis bien 57,3%) par rapport au déficit enregistré au terme du premier trimestre de 2016 (2.466 millions de Dinars). Il est le résultat d’une augmentation des importations au rythme de 20,3% par rapport à la même période de l’année dernière, alors que les exportations n’ont augmenté que de 7,4%.

3- Si l’on tient compte de l’effet change (dépréciation du Dinar: environ 13,3% en une année) les exportations exprimées en devises ont en fait baissé d’environ 6% (13,3% – 7,4%) entre la premier trimestre 2017 et le premier trimestre 2016.

4- Ce déficit doit être payé en devises. Il est donc à l’origine de l’aggravation de l’endettement extérieur de la Tunisie et de la baisse de nos avoirs en devises.

5- La décomposition de ce déficit de la balance commerciale nous donne en première position un déficit avec la Chine (942 millions de Dinars) et en deuxième position un déficit avec la Turquie (478 millions de Dinars).

Cette situation n’est pas soutenable. Elle est dangereuse. Elle peut entrainer un grave dérapage de l’endettement extérieur et compromettre la souveraineté nationale.

Il est urgent de gérer cette situation. Voici les pistes:

a- rationaliser nos importations;

b- actionner les mesures de sauvegarde;

c- renégocier certaines conventions d’échanges commerciaux;

d- gérer particulièrement les déficits avec la Chine et la Turquie: réduire les importations, faciliter nos exportations, obtenir des investissements directs en provenance de ces pays, obtenir des compensations autrement (garantir les crédits obtenus par la Tunisie sur le marché financier international), etc.;

e- mettre en place de toute urgence un programme de sauvetage de l’économie sous forme de plan d’ajustement structurel. Ce programme doit être le résultat d’un diagnostic complet, consensuel et signé par toutes les parties prenantes. Le diagnostic doit couvrir la situation économique et financière (j’insiste sur financière) de la Tunisie.

POUR RÉSOUDRE UN PROBLÈME IL FAUT D’ABORD RECONNAITRE QU’IL Y A UN PROBLÈME.

Ezzeddine Saïdane

Remarque : le titre par la rédaction