Amnesty International juge que « boycotter Israël est un droit »

Amnesty International réagit à la liste noire des vingt ONG interdites d’entrée en Israël.

Israël a érigé un nouveau mur à ses frontières. L’ennemi, en l’occurrence, ce sont vingt organisations réunies sur une liste noire (publiée le 7 janvier 2018) ayant eu le tort de participer, de soutenir ou appelé à soutenir la campagne «Boycott désinvestissement sanctions» (BDS) (1). A compter du 1er mars, leurs membres ne pourront plus mettre le pied en Israël ni dans les Territoires palestiniens occupés. L’organisation des droits de l’hommeAmnesty International (AI) a vivement réagi à ce qu’elle considère comme «une nouvelle atteinte flagrante au droit et à la liberté d’expression et d’association des défenseurs des droits humains en Israël».

La «liste noire BDS» concrétise une loi de mars 2017, interdisant l’entrée à toute personne associée au boycott des produits d’Israël. L’an passé, plusieurs personnalités en avaient fait les frais, dont le rapporteur spécial des Nations Unies, un membre d’AI ainsi que sept élus français. Le ministre des Affaires stratégiques, Gilad Erdan, s’était félicité alors «d’être passé de l’offensive à l’attaque» contre ceux qu’il accuse de vouloir «la destruction de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat juif».

Concert de protestations

Dans le concert de protestations qui ont suivi ce durcissement, Cécile Coudriou, vice-présidente d’Amnesty International France, a évoqué «une décision inique des autorités israéliennes» qui «cherchent manifestement à faire taire toutes les voix critiquant leur politique dans les Territoires occupés».

Nicolas Krameyer, responsable du programme Libertés chez Amnesty France, confirme que «les restrictions aux défenseurs des droits humains et leur criminalisation vont crescendo en particulier depuis deux ans».

AI n’a jamais appelé au boycott citoyen, précise-t-il, pas même contre l’Afrique du Sud de l’apartheid. Non qu’elle se l’interdit dans le futur, mais «c’est une arme à utiliser avec précaution», tempère-t-il. Elle est, selon lui, «légitime dans le cas de l’Etat d’Israël qui se livre à des violations généralisées des droits humains dans les Territoires occupés».

Droit à la liberté d’expression

Pas d’appel au boycott, donc, mais rappel que ce mode d’action est légitime et protégé «en vertu du droit à la liberté d’expression». Amnesty n’est pas la seule à le penser. En septembre 2016, la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, tout en se disant opposée au boycott d’Israël, avait déclaré que la campagne BDS se justifiait pour les mêmes raisons.

La «liste noire BDS» compte surtout des organisations européennes et étasuniennes. Trois organisations suisses, membres de la Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine, sont indirectement concernées (le Comité Urgence-Palestine, BDS-Suisse et Badil), indique Tobia Schnebli, du CUP. Plus étonnant, une organisation juive (Jewish Voice for peace) ainsi que l’American Friends Service Committee (ou Quakers) font partie du lot. Considérée aujourd’hui comme ennemie d’Israël, la seconde recevait en 1947 le Prix Nobel de la paix pour son action en faveur des victimes du nazisme. «Nous avons soutenu le boycott de l’Afrique du Sud et nous avons fait de même pour les Palestiniens qui subissent tant de violations de leurs droits depuis des décennies», a répliqué Kerri Kennedy, son secrétaire générale pour les affaires internationales.

1) Regroupant 171 organisations, la campagne appelle à exercer des pressions économiques, académiques, culturelles et politiques sur Israël afin de réaliser trois objectifs : la fin de l’occupation et de la colonisation des terres arabes, l’égalité complète pour les citoyens arabo-palestiniens d’Israël, et le respect du droit au retour des réfugiés palestiniens.

Selon communiqué