Algérie : 13e vendredi de manifestation pour un « changement radical »

Déterminés à poursuivre leur mouvement jusqu’à la satisfaction de leurs revendications, des citoyens sont sortis vendredi en masse à Alger, bravant la chaleur et la fatigue des longues journées de jeûne, pour réclamer « un changement politique radical » et la nécessité d’aller vers une période de transition devant permettre l’instauration d’un Etat de droit.

Aux cris de « non aux élections », « pour le jugement des corrompus » et « pour une assemblée constituante », les manifestants se sont rassemblés dans les principales places de la capitale pour le 13ème vendredi consécutif, pour réclamer « l’application de l’article 7 et 8 » de la Constitution afin de « rendre le pouvoir au peuple », ont constaté des journalistes de l’APS.

Les manifestants ont commencé à se rassembler sur le perron de la Grande poste, point de ralliement des manifestations dont la plus part accompagnés de leurs familles, dès les premières heures du matin. Ils sont rejoints par de nombreux autres citoyens dès la fin de la grande prière de vendredi pour sillonner les rues de la capitale en scandant des slogans contre le maintien de la présidentielle prévue le 4 juillet, et exiger le départ des figures du système.

« Bensalah et Bédoui dégagent », clamaient les participants à la manifestation dont certains brandissaient un drapeau national géant et des portraits des héros de la révolution comme Larbi Ben M’hidi et Mustapha Ben Boulaid.

Les manifestants qui ont déployé une grande banderole pour mettre en garde contre toute volonté d' »aller contre les aspirations du peuple », ont rappelé que « le peuple est la source de tout pouvoir ».

Réitérant leur revendication pour une « justice indépendante », les manifestants ont exigé dans leurs slogans l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires contre les hommes d’affaires et les anciens responsables politiques impliqués dans des affaires de corruption et de dilapidation de deniers publics.

Résolus à poursuivre leur mouvement jusqu’à la satisfaction de leurs revendications, les manifestants promettent de se retrouver le 4 juillet pour exprimer leur rejet de l’élection présidentielle. »Le 4 juillet kayen massira » (le 4 juillet on manifestera), ont-ils scandé ce vendredi.

Ils ont scandé également des slogans appelant le peuple à rester uni, et l’armée à soutenir le peuple.

« Djeich, chaab, khawa khawa » (Armée et peuple sont frères), « Silmia, silmia » (Pacifique, pacifique) ou encore « Djazair hora, dimocratia » (Algérie libre et démocratique) », sont des slogans récurrents depuis le début du mouvement de contestation populaire le 22 février dernier.

De nombreux présidents d’APC (Assemblée populaire communale) venus d’autres wilayas, notamment de Béjaia, Tizi-ouzou, Boumerdès et Bouira, ont participé aux manifestations pacifiques pour soutenir les revendications populaires.

L’accès au tunnel des facultés, au niveau de la place Audin, est toujours bloqué par les forces de l’ordre pour des raisons sécuritaires. Un important dispositif sécuritaire a été déployé sur place pour sécuriser les lieux.

L’accès au parvis de la Grande poste momentanément interdit

Au début des manifestations, les forces de l’ordre avait également interdit aux manifestants l’accès à l’esplanade de la Grande poste, ce qui a crée une ambiance tendue. Mais, le calme est revenu vite après que les forces de l’ordre ont décidé de se retirer des lieux.

L’interdiction faite aux manifestants d’occuper le perron de la Grande Poste a été justifiée par la wilaya qui l’explique par « l’état déplorable » de la bâtisse et « l’apparition de fissures » dans les escaliers de ce bâtiment emblématique du centre d’Alger.

La manifestation s’est déroulée sans incidents et s’est dispersée sous le regard vigilant des forces de la police, déployées en nombre pour empêcher un éventuel débordement et sécuriser les lieux.

Des bénévoles, notamment du Croissant rouge algérien, étaient également présents à cette manifestation pour prodiguer les premiers soins en cas de besoin.

Les marches de ce vendredi sont intervenues dans un contexte marqué par le placement en détention provisoire d’anciens hauts gradés de l’armée, de hauts responsables et dirigeants politiques pour « atteinte à l’autorité de l’Armée » et « complot contre l’autorité de l’Etat », sur décision du juge d’instruction militaire près le tribunal militaire de Blida.

De nombreux autres anciens ministres et hauts responsables ont été convoqués par la justice pour être entendus dans des affaires liées à la corruption et la dilapidation de deniers publics.

Quelques hommes d’affaires ont été également poursuivis en justice.

Marches pacifiques dans plusieurs wilayas

Des citoyens sont sortis ce vendredi dans des marches affichant leur détermination à militer pacifiquement jusqu’au départ des figures de l’ancien système, l’instauration la souveraineté du peuple et le passage à une période de transition, ont constaté des correspondants de l’APS.

Des marches ont été organisées dans des wilayas du centre du pays pour le 13e vendredi consécutif. Les participants ont réitéré les revendications exprimées depuis le 22 février dernier : « changement radical du système de gouvernance », « départ de tous les symboles du régime » et « mise en place d’une période de transition » menée par des personnalités crédibles non impliquées dans des affaires de corruption.

A l’instar des précédents vendredis, dans les grandes villes, beaucoup de manifestants étaient accompagnés de leurs familles parmi lesquelles la présence des enfants a été constatée dans une ambiance conviviale.

A Tizi-Ouzou, Boumerdès, Béjaïa, Bouira, Chlef, Ain defla et Médéa, les manifestants, ont exprimé leur rejet des élections du 4 juillet prochain.

A Béjaïa les manifestants ont marché sous le rythme de chansons patriotiques dont « Min ajlik îchna ya watani », comme à Djelfa et Tipasa.

Dans la wilaya de Blida des dizaines de citoyens ont observé un rassemblement à la « Place de la liberté, réaffirmant détermination à poursuivre la mobilisation pacifique jusqu’à l' »édification d’un Etat de droit géré par des personnalités crédibles jouissant de la confiance du peuple ».

Scènes similaires dans les wilayas de l’Est du pays où des milliers de manifestants ont marché avec comme principal mot d’ordre: « rejet des élections présidentielles prévues le 4 juillet prochain ».

A Constantine, en dépit d’une légère baisse du nombre des manifestants, comparativement aux rassemblements précédents, des centaines de manifestants ont marché, sous un soleil de plomb, depuis l’avenue Belouizdad vers Abane Ramdane avant de se rassembler devant le Palais de la culture, Mohamed Laid Al Khalifa, scandant: « Non aux élections ».

A Batna, des milliers de citoyens ont également défilé tout au long de la rue de Biskra, en passant par la maison de la culture pour se rendre à la place de la Liberté entonnant des chants patriotiques et scandant des slogans appelant à la préservation de la Nation ainsi qu’au départ des « trois B » (Bensalah, Bedoui, Bouchareb).

Dans les villes des wilayas d’Oum El Bouaghi, Guelma, Mila, Souk Ahras, Skikda et Khenchela des citoyens ont également marché pour une « Algérie nouvelle ».

Le mouvement populaire « Hirak » a suscité une mobilisation importante à l’Ouest du pays.

A Oran, des dizaines de milliers de citoyens, avec une présence notable de femmes, se sont rassemblés devant le siège de la wilaya, en provenance de différents communes de la wilaya. Ils ont scandé en empruntant les principales artères de la ville, des slogans revendiquant notamment le départ des « symboles du régime » et « la poursuite de la lutte contre la corruption ».

« Silmya ! silmya », « Pour le jugement des corrompus » et « Jeich chaab, khawa khawa », pouvait-on également lire sur les banderoles brandies à l’occasion.

A Mostaganem, Tiaret, Sidi Bel-Abbes, Relizane, Ain Temouchent, Tissemsilt, Saida et El Bayadh, les marches se sont poursuivis avec la même ferveur et les mêmes revendications.

Au Sud, les manifestations populaires de ce vendredi sont se tiendront, pour certaines wilayas, en fin d’après-midi et pour d’autres en soirée, après les prières des Tarawih, en raison des chaleurs qui sévissent dans la région.

Source :APS