Nida Tounes condamné à réussir son congrès

Nida Tounes qui a défait la secte islamiste frériste fut depuis 2014, la cible de toute une orchestration pour son démantèlement. Une bonne majorité des composantes politiques ont été dépitées par la victoire du Nida et de si Béji. Certains ont Même vu dans cette victoire la résurgence du RCD, mais surtout d’un parti qui mettrait en cause leur positionnement sur l’échiquier politique. Est-til besoin de rappeler que R.Gannouchi avait bien dit que « Béji est plus dangereux que les terroristes » ?. Les frères musulmans et leurs alliés ont été déroutés par le fait que le but du « printemps arabe » de porter les islamistes au pouvoir n’a pas été atteint. C’est dans ce contexte que tout a été mis en œuvre pour instaurer un climat insurrectionnel qui a empêché Habib Essid de gouverner.

A cela s’ajoute des dissensions internes récurrentes qui ont fini par faire imploser le parti Nida Tounes. Ni la suspicion à l’égard de Hafedh Caïed Essebsi, ni le rapprochement de Si Béji avec Ghannouchi, n’ont en été les causes réelles, ce n’étaient que des alibis pour une propagande tendancieuse. La cause principale était une lutte pour la direction du parti. Hafedh faisait ombrage à des personnalités se prévalant d’une légitimité de fondateurs du parti, qui ambitionnaient de se l’approprier. Celles-ci ont exploité le mécontentement de certains militants qui attendaient d’être récompensés de leurs rôles dans la victoire du parti en 2014 pour susciter des démissions et créer des scissions. Certes Hafedh était une personnalité équivoque, dont la tendance à l’omnipotence, l’image et les relations controversées ont nui au parti, mais il a été plus que diabolisé pour discréditer par ricochet si Béji et Nida. Toutefois, la raison d’Etat impose , maintenant , qu’il s’éclipse du devant de la scène.

Or, il aurait fallu plutôt, pour les dissidents, sauvegarder l’unité du parti et enclencher une dynamique au niveau de la base pour lui donner à moyenne échéance une stratégie, un programme, une discipline et une direction capable d’assurer sa pérennité et sa prédominance sur la scène politique, indépendamment des personnes, surtout que tout prédestinait Nida à ce rôle.

La déconfiture de Nida Tounes s’est répercutée sur la marche de l’Etat et a créé progressivement un vide exploité par la secte des frères musulmans. Le parti Ennahdha en a profiter pour étendre ses tentacules dans le tissu politique , économique et social. Ghannouchi a réussi aussi à affaiblir le parti Nida Tounes en suscitant une nouvelle scission dirigée par Yousef Chahed qui s’est placé dans son orbite.

L’émiettement de Nida Tounes laissa des militants et des sympathisants égarés, récupérés en parties par des partis populistes clownesques dont celui de dame Quichotte qui n’a pas manqué, dans sa croisade, d’enfourcher le cheval que Bourguiba, triomphant, a monté en juin 1955. ACH JAB, OU ACH JAB ! L’hystérique madame Abbou a réussi aussi à surchauffer la galerie et le schizophrène Moncef Marzouki continue d’avoir de l’audience et la langue de bois de Kaïs Saïd semble fasciner. .

Aujourd’hui, après avoir affermi son charisme sur le plan international (Européen, Africain et arabe) et prouvé sa maîtrise du gouvernail malgré la houle, si Béji a pesé de tout son poids pour que Nida Tounes organise son congrès en ce début du mois d’avril 2019. Si Béji va mener la danse, il n’est pas du genre à s’engager dans une entreprise qui risquerait de le tourner en ridicule. Celui qui a fondé Nida Tounes est capable de le faire renaître. Beaucoup de ceux qui ont fugué vont réintégrer le parti. Des milieux biens avisés tiennent à ce que Nida Tounes recharge ses batteries. Car, nida est le seul parti défendant la sécularisation de l’Etat qui peut mobiliser et susciter des alliances pour sauver le caractère civil de l’Etat et enclencher le processus du progrès. Les personnalités qui ont la carrure d’hommes d’Etat sont encore avec lui. Les grandes compétences du pays sont restées en dehors d’Ennahdha et des épiceries qui ont ouvert leurs portes ici et là. Ils ne s’abaisseront pas pour être sous la coupe du chérubin Azzabi, et des incultes qui l’entourent, du farfelu Marzouk, ou de l’adolescente Abir… Si Béji, saurait les convaincre pour donner un nouveau départ au pays. Enfin, les descendantes de la Kahéna seront derrière lui pour défendre leurs droits et leur statut de citoyenne.

Quand si Béji a traité du front national de l’après l’indépendance, dans son discours du 20 mars 2019, ce n’était nullement dans le sens d’un simple rappel historique. Déjà, des grimaces ont commencé à déformer des visages déjà tristes, tendus et crispés de nature. Pressentant un retour en force du Nida, des changements d’alliances se dessinent déjà.

Les militants du Nida doivent penser à la patrie et se résigner à faire des concessions sur leur ambition personnelle et de penser à la survie du parti et à son avenir. Par ailleurs, cette rengaine de légitimité des fondateurs doit s’arrêter. Le fondateur du Nida vainqueur en 2014, c’est Béji qui a su remobiliser l’ancienne machine destourienne qui a de sa part soutenu les nouvelles recrues pour la plus-part des inconnues de la grande masse et ramener les pompistes qui ont mis du lubrifiant dans la machine. Ce tour de force, demeure à la portée de si Béji, reste la discipline et la maturité des militants du Nida pour le mener à son terme. Le choix qu’ils ont est celui qui s’est imposé aux troupes de Tarak Ibn Ziaz lors de la conquête de l’Espagne. La réussite du congrès de Nida Tounes, donnerait de la visibilité à la destinée de la Tunisie. Elle est vitale pour l’Etat.

La réussite du congrès de Nida Tounes ne doit pas susciter l’exclusion des tendances qui lui sont proches et qui partagent son attachement au caractère civil de l’Etat. Tout doit être mis en œuvre pour susciter une union destourienne ou un front réunissant les diverses mouvances destouriennes. Il faut qu’elles suivent les enseignements de Thomas Hobs qui a soutenu que : « Si nombreuse que soit une multitude d’individus, si leurs actions soient dirigées par leurs jugements et leurs instincts particuliers…leur opposition mutuelle réduit leur force à néant : de la sorte, ils sont facilement soumis par un petit nombre qui se met d’accord*. » Dans le cas tunisien, ce petit nombre, c’est la secte frériste. Beaucoup du camp d’Abir attendent le sursaut de Nida Tounes.

Enfin, il faut engager un dialogue avec l’UGTT et l’UTICA, les forces progressistes et libérales pour élargir le front destourien à un front national contre l’Islamo-fascisme. L’influence actuelle de la secte frériste doit être inhibée. Il ne faut jamais oublier que l’ascension d’Hitler en Allemagne en 1933 est due à la division des partis libéraux et ceux de la gauche. Il faut se mettre à l’évidence que là où fascistes, ou islamistes se sont emparés du pouvoir, «les sociétés se sont transformées en prisons à ciel ouvert dont les «détenus» – les citoyens – sont constamment surveillés. De tout temps on n’y a considéré la diversité comme un danger et imposé un consensus social artificiel en ayant recours à la violence**.» Et là où le fascisme islamiste «s’est emparé du pouvoir, comme en Iran, au Soudan, au Nigéria, en Somalie ou à Gaza, de brutales dictatures ont vu le jour et n’ont pas toujours passé la main***. »

Mounir Chebil

*- Thomas Hobs « L’éviathan”, Edition Gallimard 2000, folio, page 257
**- Hamed Abdel-Samad, Le Fascisme Islamique, Editions Grasset et Fasquelle, Paris 2017, page 24.
***-Hamed Abdel-Samad, Le Fascisme Islamique, Editions Grasset et Fasquelle, Paris 2017, pages 24 -25