Remaniement ministériel : un patriarche de 92 ans sur le ring…mérite bien jaoui et bkhour

Etant la longueur de cette réflexion portant sur le dernier remaniement ministériel  , ce papier est articulé autour de trois parties.
1- Préliminaire
2- Coutumes constitutionnelles relatives au remaniement ministériel
3- Pratique de la magistrature d’influence

1- PRÉLIMINAIRE

Depuis sa nomination le chef de gouvernement Youssef Chahed n’a pas réussi à redresser la barre dans aucun domaine. Tous les indicateurs économiques sont au plus bas. Sans entrer dans les détails, contentons nous de dire que la crise économique et sociale est devenue purulente. Cela s’est répercutée sur la vie du citoyen où plus rien n’est garantie. Au niveau de la santé, par exemple, notre chef de gouvernement s’est révélé de l’école de Malthus, commençant en aval par affamer le peuple et en amont, par le laisser mourir par manque de soins. Du temps de la poule aux œufs d’or, nous sommes arrivés au temps de la poule aux œufs à prix d’or. Le lait sera bientôt vendu dans de petits gobelets dans les pharmacies sur ordonnance médicale, comme ce fut le cas pour le yaourt il y a bien longtemps. Bovins et ovins sont classés désormais parmi les animaux en voie de disparition qu’il faudrait sauvegarder. Leur viande est interdite dans le menu du citoyen. Interrogé sur la situation du pays, un ouvrier sans grande instruction pourtant, l’a résumée en ces mots : « M’Nayka ou barcha zada ».
Conscient de son incurie à gérer le pays, il a vite projeté de postuler, comme d’autres, à la planque qu’offrait la magistrature dans un parlementarisme atypique consacré dans notre constitution. Seulement, il a cru que Hafedh Caïed Essebsi, lui faisait ombrage. Comme certains…, il a cru que ce dernier allait recevoir la Tunisie en héritage, oubliant que lui aussi était un novice, parachuté en politique, avec un C.V, tout au plus moyen.
Pour faire diversion sur la crise économique et sociale, il engagea le pays dans une crise politique en tirant à boulets de canon sur H.C.E par divers moyens causant des fissures béantes au sein de Nida Tounes. Mohsen Mazouk et Ridha Belhaj l’ont devancé dans cette sale besogne. Comme les Hilaliens, ils ont détruits pour ne rien construire. Yousef Chahed, c’est par l’usure qu’il a voulu vider Nida Tounes pour constituer son propre parti qui le mènerait à Carthage.
De fils en aiguilles Youssef Chahed a tenu le pays en haleine autour d’un remaniement ministériel qui mit plus de temps à mijoter que la mouloukhia. Seulement la mouloukhia préparée à feu doux, est un délice, alors que le plat servi par notre chef de Gouvernement est infecte.
Youssef Chahed a fait durer le suspens du remaniement pendant huit mois. Le temps de se garantir un bloc parlementaire de nidaistes dissidents et d’autres opportunistes, le bloc de la coalition nationale présidé par l’inculte Mustapha ben Ahmed qui lui voteraient la confiance, ainsi que des alliances qui lui garantiraient la majorité parlementaire, car le bloc islamiste nahdhaoui ne suffisait pas. En parallèle, il jeta ses lignes de pèches, et lorsque le remaniement devenait imminent, deux poissons ont mordu à ses hameçons. Ce n’étaient ni des daurades ni des dentés, mais c’étaient des « Bouzallaks». Le ridicule, c’est que ces poissons, Kamel Morjane et Mohsen Marzouk, sont tombés d’abord dans la casserole du régent de Youssef Chahed qu’il assaisonna à la sauce nahdhaoui. Nous voilà revenir au droit de cuissage. En contre partie de leur allégeance au régent et à son protégé, ils furent récompensés dans ce remaniement.
Le remaniement a eu en fin lieu, et l’ARP vota la confiance au nouveau gouvernement avec une majorité plus ou moins étriquée. Les islamistes d’Ennahdha (68 députés), la coalition nationale (40 députés) , Machrouaa Tounes (14 députés) et Al-Moubadara ont été les principales formations politiques qui ont soutenu le remaniement depuis son lancement. Quelques indépendants et des députés du bloc de l’allégeance à la patrie ont également accordé la confiance aux nouveaux ministres.
Le remaniement a porté les couleurs du parti islamiste Ennahdha. Celui qui en fit les frais fut, Korchid surtout, le ministre du domaine de l’Etat pour avoir incriminé la Troïka dans le plus grand scandale financier, celui de la BFT et concurrencé le Parti Ennahdha en popularité dans la région du Sud tunisien. Par ailleurs, outre les ministres et secrétaires d’Etat nahdhaouis, les autres sont cautionnés par sidhom Echeïekh, qui en fin marionnettiste a provoqué l’implosion du Nida et attiré les alliances nécessaire à ce coup d’Etat constitutionnel.
L’opinion publique n’était pas dupe. Mais faute de pouvoir se mobiliser pour arrêter ce coup d’Etat fomenté sur du velours, elle compta sur un geste du Président de la république pour inhiber cette supercherie. Beaucoup ont attendu qu’il dissolve l’ARP ou recourir à l’article 80 qui édicte : « En cas de péril imminent menaçant les institutions de la nation et la sécurité et l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre les mesures nécessitées par cette situation exceptionnelle, … Il annonce les mesures dans un communiqué au peuple »
D’ autres ont attendu qu’il applique l’article 99 qui énonce : « Le Président de la République peut demander à l’Assemblée des représentants du peuple, deux fois au maximum durant tout le mandat présidentiel, le vote de confiance sur la poursuite de l’action du Gouvernement. Le vote a lieu à la majorité absolue des membres de l’Assemblée des représentants du peuple. »
Des rumeurs ont circulé que le Président de la République, refuserait que les nouveaux ministres prêtent serment devant lui et qu’il ne les accepterait pas au palais de Carthage. Toutes sortes d’invitations au Chef de l’Etat pour engager une crise institutionnelle.
Le président Béji s’est fait sourd aux commérages, aux atteintes à sa famille à travers les attaques contre son fils Hafedh, à ses déceptions devant les tiraillements au sein de son parti, à son aigreur devant les trahisons des plus proches même, à ses distances du Parti Ennahdha et ses réserves quant au remaniement, et il a agit en tant que chef de l’Etat élu par le peuple au suffrage universel, et il s’est posé au dessus des partis et des leurs turbulences.
Sur el Watania 2, le 8 novembre 2018, il était clair. Il l’a annoncé avant même le vote de confiance. Il est le garant du respect de la constitution. Donc il n’y a pas lieu de se détourner de son devoir constitutionnel et de l’éthique de recevoir le chef du gouvernement, les ministres et les secrétaires d’Etat après le vote de confiance par l’Assemblée des représentant du peuple pour qu’ils prêtent serment devant lui et de cautionner leur nomination. Il n’est pas du genre impulsif et émotif pour créer une crise institutionnelle grave en actionnant l’article 80 ou l’article 99. L’intérêt de l’Etat prime sur toutes autres considérations.
Au-delà des polémiques politiques, ce remaniement a introduit la notion de la coutume constitutionnelle dans le droit constitutionnel tunisien malgré l’existence d’une constitution écrite.
Ces coutumes ou usages constitutionnels soulevés lors du dernier remaniement touchent à la question de la procédure de la nomination des membres du gouvernement et à l’usage de la magistrature d’influence suivie par le Président de la République.

2- LES USAGES CONSTITUTIONNELS RELATIFS A LA NOMINATION DES MINISTRES

Pour ce qui est de la nomination des ministres l’article 89 de la constitution tunisienne du 26 janvier 2014 édicte : « Le Gouvernement se compose du Chef du Gouvernement, de ministres et de secrétaires d’État choisis par le Chef du Gouvernement, et en concertation avec le Président de la République en ce qui concerne les ministères des Affaires étrangères et de la Défense…
Le Gouvernement présente un exposé sommaire de son programme d’action devant l’Assemblée des représentants du peuple afin d’obtenir sa confiance à la majorité absolue de ses membres. Dans le cas où le Gouvernement obtient la confiance de l’Assemblée, le Président de la République procède sans délai à la nomination du Chef du Gouvernement et de ses membres. »
Il est clair que suivant l’article 89 le Président de la République n’est consulté préalablement que pour la nomination des ministères des Affaires étrangères et de la Défense. Pour ces derniers, la concertation préalable est obligatoire. La concertation ne signifie pas avis consultatif, mais accord entre les deux têtes de l’exécutif. La constitution ne dit pas en cas de désaccord, par quel instrument résoudre le litige.
Mais au-delà de ce cas, le chef du gouvernement peut-il se passer de l’information préalable du Président de la République pour ce qui est de la nomination des autres ministres ? Le texte de la constitution n’a pas institué le recours à cette information préalable.
Seulement un usage s’est établi, que le chef de gouvernement, informe le Président de la République de la nomination des ministres autre que ceux de la défense et de l’intérieur, avant de présenter la liste à l’Assemblée des représentants du peuple.
Cette coutume ou usage a été inauguré avec Habib Essid en s’entretenant avec le Président de République sur la composition de son gouvernement avant de passez au vote de confiance.
Nommé Premier ministre en août 2016, Youssef Chahed a présenté au Président de République, le mercredi 6 septembre, la composition de son second gouvernement.
Avant de demander à l’ARP le vote de confiance pour son deuxième gouvernement, le Chef de gouvernement Youssef Chahed, s’est entretenu avec le président de la République. Donc l’information de ce dernier a été lors d’une réunion matinale avant la séance de l’ARP qui s’est déroulée l’après midi. Dans une réunion, il doit y avoir un échange de point de vue et le Président aurait donné un avis favorable. L’étique ici a été respecté.
Mme Garrache explique, dans un post Facebook daté de ce jeudi 26 juillet 2018 pour mettre fin à «toutes fausses interprétations», que : «La présidence de la République tient à préciser que le chef du gouvernement a pris sa décision de nommer le ministre de l’Intérieur dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles, et l’annonce de cette nomination a été faite après avoir informé le président de la République».
Cette pratique d’information a été suivie depuis le gouvernement d’Essid, jusqu’au dernier remaniement où c’était la manière qui a posé polémique. La répétition de cet usage en a fait une coutume constitutionnelle. La constitution se rapporte à la forme de l’Etat, aux organes du pouvoir, leurs attributions, leurs rapports et aux droits des citoyens. Et du point de vue du droit constitutionnel, la constitution au sens matériel, c’est-à-dire en fonction de son contenu, s’entend de toutes les règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir. De toutes les règles y compris les règles coutumières dites coutumes constitutionnelles.
En effet, les constitutions écrites, ne peuvent, en effet, tout prévoir ni tout régler et leurs lacunes laissent des places vides que les règles coutumières peuvent combler. Les règles coutumières, nonobstant l’absence de sanction en cas de leur non observation, deviennent de véritables normes juridiques, par conséquent contraignantes et produisent des droits. Il est évident qu’elles ne peuvent jamais modifier ou abroger une disposition constitutionnelle écrite et précise, mais elle peut, dans certaines conditions, ajouter en cas de silence, et surtout permettre son interprétation en cas d’incertitude. Elle est alors supplétive ou interprétative. Nous sommes dans le cas de la procédure d’information du Chef de L’Etat de la nomination des ministres avant le passage à l’ARP pour le vote de confiance.
Cette coutume constitutionnelle trouve son fondement dans la légitimité populaire du Président de la République de par son élection au suffrage universel, une légitimité qui dépasse celle des membres de l’Assemblée des représentants du peuple et celle du chef gouvernement qui doit son statut à sa nomination par le président de la République et le vote de confiance de l’ARP.
C’est à cet effet, que c’était à bon endroit que le Président de la République, Monsieur Béji Kaïed Essebsi a martelé à el Watania 2, à qui veut l’entendre, qu’il a une légitimité populaire qui impose, indépendamment des lois écrites, le respect de la coutume constitutionnelle relative à la procédure d’information préalable du remaniement ministériel et surtout de certaines règles d’étique, qui l’entourent. Ainsi a-t-il dit : « …Dans l’exercice du pouvoir, il y a des traditions et du Tact. » Youssef Chahed a manqué de tact. Il lui a envoyé la liste des nouveaux ministres par lettres transmise par un « chaouch », c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de réunion conjointe, entre les deux têtes de l’exécutif et Yousef Chahed ne s’est pas entretenu avec le chef de l’Etat comme cela a été fait pour les remaniements précédents. Et là, il a dérogé à une coutume constitutionnelle c’est-à-dire à la constitution, ce qui était grave pour préciser au cours de la conférence de presse du 8 novembre 2018: « Je désapprouve la démarche de Youssef Chahed, qui ne m’a pas accordé du temps nécessaire pour connaître les nouveaux ministres. ». Ainsi, il s’est comporté avec le Président de la République comme si c’était une boite aux lettres ou un facteur.
Certes, il a précisé que ses prérogatives étriquées ne lui permettent pas de contester la liste portant remaniement, mais en tant que chef de l’institution suprême de l’Etat, le non respect de sa personne équivaudrait à un manquement au respect de l’Etat lui-même.
Lors de son passage à Watania 2 le 8 novembre 2018 et qui a transmis sa conférence de presse, le Président de la République Béji Kaïed Essebsi, a répondu à la précipitation et à la turbulence du chef de gouvernement qui a outrepassé les usages et frisé les règles constitutionnelles, par une maturité et une lucidité d’un Chef d’Etat bien au fait de toutes les ficelles constitutionnelles. A ceux qui lui ont jeté des peaux de bananes en voulant le pousser à saboter le remaniement, il a répondu : « Ces hypothèses sont en violation flagrante de la constitution pouvant engendrer le retrait de confiance du Président si elles viennent à être exécuter. »
Ainsi, la remontrance faite au chef du gouvernement qui a manqué d’égard à son statut par la négligence des attributs de la notion d’Etat, dépasse sa personne. Il a rappelé un usage constitutionnel qui doit présider dans le rapport entre les deux têtes de l’exécutif quels qu’ils soient. Youssef Chahed a agit d’une manière impulsive pour ne pas dire qu’il était pressé de satisfaire son régent au plus vite. Qui sait ? Si la remontrance était un peu corsée, cela n’est pas signe de subjectivité, mais c’était une expression de l’autorité de l’Etat dont le Président de la République était le garant. L’Etat ne doit pas être ballotté. Merci si Béji d’avoir défendu avec honneur la sacralité de l’Etat.
En plus du fait qu’il n’a pas usé des articles 80 et 99, le Président de la République aurait pu créer une crise institutionnelle, en refusant la nomination des nouveaux ministres sur la base de l’inconstitutionnalité de la procédure de leur désignation qui a dérogé à la coutume constitutionnelle relative à son information par le chef du gouvernement de la liste des nouveaux ministres au cours d’une réunion conjointe. Lors de cette réunion il peut émettre des réserves que le chef de gouvernement peut constitutionnellement ne pas en tenir compte. Ayant donné son avis, il serait déchargé de toute responsabilité morale de la prestation des nouveaux ministres. Et c’est avec dignité et détermination que Si Beji  a présidé (le 12 novembre 2018) la séance de prestation du serment des membres du gouvernement. (Sur ce point je vous renvoie à l’article dans Tunisiefocus. Com, d’Ali Gannoun, Le X est souvent synonyme d’inconnu.) Comme il l’a rappelé dans sa conférence de presse à Carthage le 8 novembre 2018, il était élu par le peuple et que sont principal rôle était de garantir la constitution et de veiller à la mise en application de ses dispositions.
Ainsi, ce remaniement a montré que le Chef de l’Etat et le chef du gouvernement ne sont pas de la même « 7okka » comme l’a dit en 2011 si Béji à Ghannouchi. Le Président de la république est soucieux des convenances et le Chef du Gouvernements ne l’est pas. Donc l’un a « Richet el akaber, l’autre non ». Le premier est imbus de la notion de l’Etat et le deuxième l’a souillée. Là, je cite ce que j’ai écrit sur Youssef Chahed en avril 2017, dans mon livre « MESKIIINA BLEDI OU CHRONIQUES DES ANNEES D’AMERTUME » à la chronique « Papier abrasif » à la page 94 suite au limogeage de Néji Jalloul le 1 mai 2017 : « Le Chef de gouvernement Youssef Chahed a voulu que ce jour soit la fête du laxisme puisqu’il a limogé celui qui a mené une guerre contre le laxisme. Il a instauré le règne des voyous, puisqu’il a succombé au chantage des voyous daéchiens du syndicat des enseignants qui voulaient la tête du ministre de l’éducation. Par ce limogeage, il a signé l’arrêt de mort de l’État qu’il a déjà jeté dans la poussière des rues de Tataouin avant de l’embarquer dans les wagons des trafiquants des gens du Sud pour qu’ils le vendent en Libye ou en Turquie. Monsieur le Chef de gouvernement, l’État n’est pas votre propriété. Il est la propriété du peuple et de ceux qui se sont sacrifiés pour lui. Vous n’avez pas donné de l’importance à la sacralité de l’État, parce que vous n’avez pas sué pour sa construction. Vous n’avez pas le droit d’en disposer à votre guise. Votre acte est un abus caractérisé d’un bien public, et de quel bien!»

3- LA PRATIQUE DE LA MAGISTRATURE D’INFLUENCE.

Mais, avec son intervention à Watania 2, Si Béji a inauguré une nouvelle pratique de gouvernance qui lui permettait de se libérer du confinement de ses pouvoirs constitutionnels, en développant comme au Portugal, dans une certaine mesure, la pratique de la Magistrature d’influence qui signifie que le Président, même en n’exerçant pas de pouvoirs constitutionnels, peut avoir un rôle de médiateur entre les organes du pouvoir, entre ces derniers et la société, entre les partis politiques, entre le Gouvernement et l’opposition. C’est ce qui a été fait relativement par le Président de la République Béji Caïd Essebsi. En se déplaçant dans les diverses régions du pays, le Président portugais recueille les attentes du peuple et entend les griefs portés à l’égard de l’équipe dirigeante. Outre cette pratique qui était absente chez notre Président, le Président de la République du Portugal essaye d’influer sur la politique du pays par la critique ou le soutien du gouvernement. Il peut monter le ton dans la critique ou dans la suggestion. Monsieur Mario Soares, ancien Président de la République du Portugal, dit que si le Président de la République se contente de ses pouvoirs constitutionnels, il ne détiendra qu’un pouvoir négatif.
Le Président de la République Béji Caïd Essebsi a exercé la magistrature d’influence par deux fois en quelques jours. Le 30 octobre 2018, suite à l’attentat terroriste de l’Avenue Habib Bourguiba, il a haussé le ton contre les partis et indirectement contre Youssef Chahed. Il a qualifié le climat politique de «malsain», étant que les politiques et les responsables des partis sont «préoccupés par la course au pouvoir». D’après lui, «ces querelles ne doivent pas détourner notre attention des vrais défis auxquels nous sommes confrontés. C’est ce genre d’épreuves qui devrait susciter l’intérêt des politiques et des dirigeants des partis», a-t-il encore dit. Ce climat malsain est un champ favorable à l’insécurité.
«Le plus important, aujourd’hui, en Tunisie, c’est que le peuple doit vivre dans la dignité et en sécurité. » et c’est un message indirect au gouvernement sur ses défaillances à ce niveau. Une telle intervention au lieu d’inciter les politiques à se mettre en cause, a été critiquée de toute part. Dommage pour la Tunisie et son peuple.
La deuxième fois où il a critiqué Youssef Chahed, c’était dans sa conférence de presse au palais de Carthage transmise par la chaîne TV watania 2. Il a choisi dans ce moment de crise de s’adresser directement au peuple qui l’a élu, suivant la pratique de la magistrature d’influence et non en suivant l’article 79 de la constitution « Le Président de la République peut s’adresser à l’Assemblée des représentants du peuple. » Ces représentants mériteraient-ils que le Président s’adresse à eux étant qu’ils sont la cause du problème ? Il a tenu à noter que la situation n’est pas bonne, une critique en filigrane contre le gouvernement. Il s’est interrogé sur la précipitation de l’annonce du remaniement déclarant : « Si le chef de gouvernement ou encore un gouvernement dans l’ombre veut opérer un remaniement, sans me consulter, c’est une autre affaire » avant d’ajouter « j’exerce mes fonctions en tant qu’homme d’Etat et je refuse de tomber dans la médiocrité. » Ainsi, a-t-il fait une allusion que le chef de gouvernement était manipulé par Ennahdha dans une manœuvre pour le doubler. Quant à la médiocrité, elle n’est pas dans son camps et ce n’est pas nécessaire de mettre les points sur la lettre y. Mais quand il rappelle que c’étaient lui qui avait proposé Chahed au poste de chef de gouvernement, il a tenu de préciser que «Le problème réside aujourd’hui dans la concrétisation car nul n’est valable pour toutes les périodes ni tous les lieux. » C’était un message clair à Youssef Chahed qui ne doit pas se sentir forts de ses alliances. Les alliances sont versatiles et l’échec sur le terrain, ce qui est le cas, rendraient son statut aléatoire. C’était un message clair aussi bien à Youssef Chahed, à Ennahdha et au peuple l’appelant à la vigilance. Le Chef de l’Etat s’en est pris avec des gans certes, à la politique du Chef du Gouvernement et à son alliance avec les islamistes nahdhaouis qu’il a désapprouvés publiquement..
En fin, le chef de l’Etat a déclaré que son rôle était de donner une bonne image du pays dans le monde. Mais cette mission, il l’a relevée avec une épice propre à lui . Dans sa tournée en Europe ces tout derniers jours, que ce soit à Paris ou à Berlin, il a mis en valeur la transition démocratique et rassuré les partenaires européens de l’irréversibilité de ce processus tout en mettant l’action sur le rôle déterminant de la liberté d’expression et de presse, pour sa consolidation. Sa grandeur est d’avoir fait l’éloge des médias bien qu’ils n’étaient pas tendres avec lui. A Carthage il a déclaré que c’était de son rôle et que c’était de bonne guerre.
Enfin, Si Béji a souligné que la Tunisie s’est engagée en faveur de la liberté de la femme et de son émancipation.
A son âge, notre président, aurait pu se contenter d’une retraite paisible au palais de Carthage, partagée entre la supervision de l’entretien des jardins, la lecture, les réceptions diplomatiques ou courtoises et les mondanités ou encore les inaugurations et les vernissages. Imbus du sens de l’Etat, il refuse de détenir un pouvoir négatif dans le cadre de notre parlementarisme atypique, pour s’impliquer dans l’action politique pour essayer d’influer sur la destinée du pays et démêler les écheveaux. A 93 ans il a défoncé les murs du palais de Carthage pour mettre ses gans non de velours et monter sur le ring que la Coalition Nationale, Le Machrouaa, El Moubadra ont fuit comme des poules mouillées pour se mettre à plat ventre devant la cheminée bleu à « mon plaisir » attendant le cadeau de papa Rchouda, en ce Mouled.
Le Président de la République Monsieur Béji Kaëd Essebsi a inauguré la pratique de l’exercice du pouvoir relative à la magistrature d’influence et personne ne peut la qualifier d’inconstitutionnalité. Aucune norme constitutionnelle ne lui interdit de s’adresser au peuple et non au parlement. S’il était de nouveau élu cette pratique deviendrait certainement une coutume constitutionnelle. Par ailleurs, bien qu’avec un peu de retard, il s’est décidé à mettre de l’ordre dans le parti Nida Tounes et bien de fesses commencent déjà à trembler.

Monsieur Béji Caïed Essebsi, vous n’êtes pas le dernier des Mohicans, ce peuple fier. Il y a avec vous et derrière vous des Mohicans coriaces élevés à l’école de Bourguiba. Ils ne laisseront pas l’Etat dépérir. L’héroïque Sophonisbe, épouse de Syphax et l’héroïque épouse d’Hasdrubal le Boétharque ne seraient pas poussées au suicide. Carthage vaincra les bédouins qui veulent la profaner car son Sénat ne trahira pas, cette fois ci, Hannibal.

Si Béji, tout en écrivant cet article, je l’encensais de bkhour fait de jaoui, de wouchak et de dad, pour chasser le mauvais œil.

Mounir Chebil