Un agronome tunisien a inventé un irrigateur qui permet d’économiser 70% d’eau

Bellachheb Chahbani

C’est un système d’irrigation potentiellement révolutionnaire. Son nom : « le diffuseur enterré ». Il permet d’arroser les cultures directement à la racine, alors qu’avec l’arrosage classique – en surface – la majorité de l’eau s’évapore avant même de nourrir la plante. Objectif : économiser une eau de plus en plus rare, particulièrement en Afrique du Nord.

Son inventeur ? Un Tunisien — Bellachheb Chahbani — agronome, spécialiste des zones arides. Il a mis 20 ans à élaborer ce système. Le « diffuseur enterré » a déjà reçu de nombreux prix mais peine à s’imposer sur le marché. Il pourrait vivre bientôt un tournant. Son fils – Wassim – 28 ans a réussi à convaincre le jury du Prix de l’Innovation pour l’Afrique 2018. Le diffuseur fait partie des 10 finalistes distingués parmi 3000 projets issus de 52 pays. La finale aura lieu dans quelques semaines. A la clé ? 185.000 dollars, et une vitrine unique.
Nourrir la plante d’eau et d’engrais à la racine

Le diffuseur enterré permet à l’agriculteur de réduire les doses d’engrais grâce à une diffusion plus ciblée. Mais surtout – changement climatique oblige – il permet de diminuer la quantité d’eau utilisée. « On enterre le diffuseur à 50 centimètres de profondeur pour l’arboriculture. Le diffuseur utilise 70% moins d’eau que le système d’irrigation au goutte à goutte », explique Bellachheb Chahbani. Or, aujourd’hui, dans toute la région, c’est le goutte à goutte qui prédomine.

Tandem gagnant

Bellachheb Chahbani avait déjà tenté deux fois sa chance à cette compétition au Prix de l’innovation pour l’Afrique. En vain. « Cela montre le dynamisme de la jeunesse. Peut-être que je n’ai pas su m’exprimer », reconnaît le père. Le fils surenchérit : « Mon père se perd souvent dans des explications tellement techniques qu’il perd son public alors que son système peut vraiment aider la planète ! »

Wassim est effectivement peu à l’aise les mains dans la terre, mais bien plus que son père pour réseauter sur internet et faire connaître le diffuseur enterré aux quatre coins du monde. Il revient de Corée du Sud où il a participé à un congrès dans lequel il a expliqué en quoi l’invention de son père pouvait s’avérer révolutionnaire. Il le confesse : « J’ai toujours grandi avec des parents tentant d’inventer des solutions pour économiser de l’eau. Mais je n’étais pas réellement conscient du problème. Moi non plus, je ne me posais pas de question en ouvrant le robinet. C’est lorsque mon père m’a demandé de rencontrer des agriculteurs partout dans mon pays que je me suis rendu compte de l’ampleur du problème. Ce fut un déclic. Aujourd’hui, je suis devenu militant. Si je peux contribuer à faire connaître l’invention, j’aurais l’impression de faire quelque chose d’utile pour la planète. Notre cible, ce sont les fermiers mais il faut viser aussi les associations, les multinationales, les ONG, viser l’international ».
Un prix essentiel pour le développement du diffuseur

Chaque diffuseur coûte l’équivalent de 2 euros. Il en faut 4 pour un olivier de grande taille. C’est un lourd investissement pour un système qui n’a pas encore gagné la confiance des agriculteurs. En Tunisie, une cinquantaine d’entre eux seulement ont opté pour cette solution. « Pour l’arboriculture, le coût est amorti en 2 ans », souligne pourtant Bellachheb Chahbani.

Remporter le prix de l’innovation pour l’Afrique apporterait une légitimité certaine au « diffuseur enterré » et permettrait de développer le produit et le rendre encore plus accessible. Récemment, en Tunisie, le gouvernement a décidé de subventionner les agriculteurs qui adopteraient pour le diffuseur enterré.

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Source : TV5 , RTBF et la Chaîne nationale1