Tunisie : la décennie qu’ils nous réservent…

Les chiffres sont maintenant connus de tous : le déficit du commerce extérieur pour l’année 2018 a atteint 19 milliards de dinars, ce qui signifie que le déficit des paiements courants sera pour la deuxième année consécutive à plus de 10% du PIB et plus proche de 11%. Un chiffre inédit que la Tunisie n’a jamais connu auparavant avec ce que cela signifie en termes d’endettement extérieur additionnel et de pressions sur le taux de change du dinar. Pour l’histoire, en 2009, le déficit du commerce extérieur était de 6 milliards de dinars et le déficit des paiements courants de 4%. Par ailleurs, quel que soit le niveau de croissance de 2019 et 2020, l’histoire retiendra que la Tunisie en aura connu sur la décennie 2011-2020 le plus faible, depuis cinq décennies .

La perte de nos équilibres financiers tant extérieurs qu’intérieurs et la croissance molle m’inquiètent, m’interpellent et m’amènent à me poser cette question simple : comment en si peu de temps, un pays classé en 2008, deuxième sur 140 juridictions dans la gestion de ses finances publiques, un pays classé en 2010, parmi les 40 juridictions du monde dont la situation financière extérieure est maîtrisée et qui pour cela, a même été sollicité par le FMI pour participer à un tour de table destiné à la mobilisation de financements en faveur d’un programme d’ajustement au profit d’un pays membre de cette institution, se permet-il de perdre complètement la maîtrise de ses équilibres ?
Une véritable « prouesse » que l’histoire de ce pays retiendra et qui fera certainement cas d’école sur le banc de nos Universités ! Le cas d’un pays qui a fait fi d’une expérience de vingt ans de gestion efficace de ses finances publiques, mais un pays qui a choisi de façon délibérée et passionnée, la rupture avec le passé, le cas d’un pays qui souffre de la maladie la plus répandue chez les hommes politiques : l’amnésie.

Ceux qui s’activent aujourd’hui à conquérir ou reconquérir le pouvoir ou encore, à s’y maintenir, doivent se rappeler qu’ils ne reste de salut que dans une politique d’austérité et que la décennie qui s’annonce fera subir à nous tous, nos enfants en particulier, les conséquences des « folies » de celle qui s’achève.

Les problématiques d’équilibres financiers et les approches requises pour les traiter et infléchir ces tendances catastrophiques sont amplement détaillées dans la deuxième partie de mon récent livre « Le miroir et l’horizon : Rêver la Tunisie ». Des mesures sont proposées sur le front court terme et des stratégies sont proposées pour le moyen terme. Je n’y reviendrais pas dans ce statut .

Taoufik Baccar , ancien ministre des finances et ancien gouverneur de la BCT