L’Union européenne décide de contourner les sanctions américaines contre l’Iran

La Commission européenne lancera vendredi le processus d’activation d’une loi qui doit autoriser les entreprises européennes à ne pas se conformer aux sanctions américaines contre l’Iran, a déclaré Jean-Claude Juncker.

La Commission européenne a annoncé jeudi qu’elle lancerait un «processus» qui pourrait lui permettre de bloquer les effets extraterritoriaux des sanctions américaines pour les entreprises européennes voulant investir en Iran.

L’Union européenne a fait savoir qu’elle annoncerait le 18 mai 2018 des mesures visant à contrecarrer les effets du retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, en exhumant un texte datant de 1996.

«Nous devons maintenant agir», a déclaré le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker ce 17 mai lors d’une conférence de presse à l’issue d’un sommet européen à Sofia. «C’est la raison pour laquelle nous lançons le processus de la loi de blocage, le « blocking status » de 1996, qui vise à neutraliser les effets extraterritoriaux des sanctions américaines »», a-t-il déclaré.

«En tant que Commission européenne, nous avons le devoir de protéger les entreprises européennes, nous devons agir et c’est pourquoi nous lançons le processus d’activation de la « loi de blocage » de l’année 1996. Nous le ferons demain matin à 10h30», a-t-il déclaré.

«Nous avons également décidé de permettre à la Banque européenne d’investissement de faciliter les investissements des entreprises européennes en Iran. La Commission elle-même maintiendra sa coopération avec l’Iran», a ajouté M. Juncker.

L’outil évoqué est un règlement européen datant de 1996, visant notamment à contourner l’embargo sur Cuba (loi américaine Helms-Burton). Cette loi dite «de blocage» permet aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations sur des sanctions prises par des pays tiers et dispose qu’aucun jugement décidé par des tribunaux étrangers sur la base de ces réglementations ne saurait s’appliquer dans l’UE.

Un texte déjà utilisé par la France contre les Etats-Unis en 1996

Le désaccord avec les Etats-Unis sur l’embargo cubain avait toutefois été résolu au niveau politique, l’efficacité de ce règlement n’a donc jamais été éprouvée. Son effet pourrait être plus symbolique qu’économique, selon une source européenne citée par l’AFP.

Sur le dossier iranien, dans les années 1990, la France s’était opposée sur ce fondement juridique à la loi d’Amato-Kennedy, adoptée par le Congrès américain en août 1996, et qui prévoyait des sanctions extraterritoriales, c’est-à-dire faisant primer le droit américain sur les législations nationales. Cette loi visait à sanctionner les investissements étrangers supérieurs à 20 millions de dollars par an effectués dans le secteur énergétique en Iran et en Libye, qu’ils soient américains ou non. En mai 1998, les Etats-Unis avaient fini par accepter de lever les sanctions prises contre les sociétés européennes, en échange de l’engagement de l’Union européenne de tenter de dissuader l’Iran d’acquérir des armes dites de destruction massive.

Les entreprises européennes à la merci de la politique étrangère de Washington

La décision, le 8 mai dernier, du président Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien a eu pour conséquence le rétablissement automatique des sanctions concernant les entreprises américaines mais aussi les sociétés européennes qui avaient recommencé à commercer avec Téhéran.

Côté français, l’inquiétude est grande face aux revirements inopinés des Etats-Unis à l’égard de l’Iran, alors que les entreprises françaises avaient à peine eu le temps de reprendre pied en Iran après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien en juillet 2015, impliquant la levée des sanctions économiques contre Téhéran.

Le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire avait fait part de son indignation à l’antenne de France Culture, le 9 mai dernier. «Il n’est pas acceptable que les Etats-Unis soient le gendarme économique de la planète», avait-il lancé en réponse à la décision unilatérale des Etats-Unis, laissant toutefois la porte ouverte à une résolution du contentieux par le biais d’exemptions spéciales en faveur des entreprises françaises.