Le chaos recherché sera mené par le couple Kaïs Saïd/Ridha Lénine

En ce 14 janvier 2020, jour de la commémoration du putsch « démocratique » survenu le 14 janvier 2011, Ridha Mekki Lénine a enfin parlé avec clarté et sans détour. Car, en général, quand il parlait, surtout de son modèle sociétal, il était laconique, usant d’un verbiage en apparence savant et pompeux, dans le pur style des charlatans qui cherchent à convaincre leur auditoire de la magnificence d’une couleuvre qu’ils veulent leur faire avaler.
Ridha Lenine , tout comme le Président de la République Kaïes Saïed, préconisent pour la Tunisie, un système totalement décentralisé fondé sur une démocratie participative ou de proximité. Il s’agit de procéder à une refonte totale du système politique actuel comme l’a martelé Ridha Lénine encore une fois en novembre 2019 au cours du colloque organisé par le Centre d’études stratégiques de Tunis, sur le thème « le Maghreb Arabe ». Car, comme il l’a déclaré au journal « Echaraa al magharibi » du 1 novembre 2019, « la situation ne se prête pas aux demi-mesures ». Il s’agit pour ce tandem d’une reconstruction du bas vers le haut où l’essentiel du pouvoir se situe dans les instances de base. Ces instances élues et responsables ont les pouvoirs de décision et d’exécution et dont les membres sont révocables à tous moments. Seulement, ni Ridha ni Kaïes Saïed ne nous ont jamais éclairés ni sur l’organigramme de ce système, ni sur les compétences de chaque instance, ni sur les articulations entre les divers niveaux de représentations, ni surtout, entre le centre et la périphérie. Par ailleurs, ils ne nous ont jamais présentés ni le mode de financement et ni le montage fiscal adéquats à la décentralisation préconisée. Dans un entretien avec Borhane Bsaïes le 11/12 /2019 sur la 9 , Lénine a même évité de répondre à la question posée sur ce sujet, malgré son importance. Pourtant, le tandem Kaïes/Ridha continue à vouloir vendre le mirage du nouveau système comme étant la solution miracle aux problèmes des tunisiens. Toute la question, c’est comment dissoudre le système politique actuel, et le remplacer par la boite de pandore de ce tandem providentiel ?
Dans un premier temps Ridha Lénine , insistait sur le recours au référendum pour changer le système et exigeait de Kaïs Saïed d’assumer ses responsabilités dans ce sens. Or, le Président de la république, bien qu’il ait à maintes reprises dénoncé la défaillance du système issu de la constitution de 2014, s’est trouvé ligoté par cette même constitution qui ne lui permettait pas de recourir à cette procédure dans un pareil cas. Il ne pourrait pas agir par des amendements en vue de sa révision, faute d’une majorité parlementaire favorable, et d’un parti qui le soutiendrait au parlement.
Et voilà que le voile est tombé. Ridha Lénine s’est en fin exprimé clairement sur sa page facebook le 14 janvier 2020. Il a proféré sans ambages des menaces de dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple sous la pression de la rue. En effet, Le 10 janvier 2020, 134/217 députés, soit la majorité des parlementaires, n’ont pas donné leur confiance au gouvernement islamiste Jamli. Conformément à l’article 89 de la constitution, le Président de la République est appelé à désigner la personne qui aura la charge de constituer le gouvernement . Dans ce cas, l’empreinte de Président serait éventuellement assez marquée. Ridha Mekki a considéré que quelque soit la composition de ce gouvernement, les députés ne lui accorderaient la confiance que pour éviter la dissolution de l’assemblée législative et le recours à des élections anticipées. A terme, les partis voteraient une motion de censure contre ce gouvernement du Président sur la base de l’article 97 de la constitution et s’accorderaient sur un nouveau gouvernement de manière à l’écarter de la gestion des affaires du pays. C’est alors que Ridha Mekki profère ses menaces à l’encontre des députés pour leur dire que s’ils s’engageaient dans cette voie, ils auraient sur le dos la grogne populaire qui ne les épargnerait pas et les ferait disparaître. « La réforme ou la disparition » a-t-il martelé. A l’entendre, on a l’impression qu’il a déjà mobilisé autour du slogan « échaab Yourid », les enragés de sa « révolution » qui devraient se ruer sur le parlement et toutes les institutions de l’Etat, pour mettre le pouvoir aux mains du peuple « révolutionnaire ». Ainsi, le peuple insurgé balayera-il tout sur son passage et nous revoilà revenu à l’anarchie de 2011. L’orchestre « ejawka » doit se taire, selon les propos utilisé par Ridha Lénine lui même .
Tout le montage de Ridha Lénine repose sur une utopie. Pour lui , les partis dissous fonderaient dans une organisation dont les membres seraient unis autour de la notion de l’intérêt général et le consensus sur le modèle social à instaurer. Les membres de cette organisation seraient dénués de tout égoïsme et libérés des clivages claniques, tribaux, régionaux, idéologiques et peut être même de classe. Donc, au sein de cette organisation, toutes les contradictions s’estompent. Les frères musulmans se dégageraient d’eux-mêmes de leur carcan doctrinal et de leurs méthodes basées sur la terreur. Les miliciens d’El Karama deviendraient par un tour de magie de douces brebis. Les terroristes rentreraient à leurs foyers pour s’occuper du ménage et de la toilette de leurs bébés. Les capitalistes renonceraient à la plus value, les contrebandiers et les spéculateurs se reconvertiraient en honnêtes épiciers, les prolétaires se résigneraient à l’abstinence et les régions côtières renonceraient à leur développement au profit des zones de l’intérieur. Tous danseraient au rythme de la même cadence. « Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil » . Les élus n’ont pas des intérêts partisans à défendre. Ils ne seraient choisis que sur la base de leur capacité à promouvoir le culte de l’intérêt général. J.J. rousseau n’avait pas dit mieux. On aurait ainsi surpassé le modèle suédois et le modèle suisse et le haut sens du civisme de leurs populations, alors que nous ne sommes même pas arrivés à gérer nos ordures ménagères et la propriété de nos villes . De la dialectique scientifique de Marx, Ridha Lénine à dépassé l’idéalisme de Hegel et il est monté si haut dans les nuages que la réalité matérielle des choses est sortie de son champ de vision. Dans ces nuages, il a rencontré Kaïes Saïed. Tous les deux refusent encore de mettre les pieds sur terre.
Le plus grand danger, c’est que lorsque l’utopie devienne une obsession qu’on tient à coller à la réalité par tous les moyens sans tenir compte des phénomènes de rejet. Que la greffe réussisse ou échoue, c’est toujours au prix de tant de turbulences de désolations et de désastres.
Je peux décharger Ridha Lénine de toutes intentions insurrectionnelles, pour imaginer qu’il compte sur un ras de marais électoral suites à des législatives anticipées et qui porterait sa horde de déshérités, et des opportunistes à l’hémicycle. Dans ce cas, combien de temps faudrait-il pour la mise en place de toute l’ossature juridique nécessaire à l’installation de leur nouveau système politique, puisque son élaboration est à entreprendre par le peuple monté au pouvoir ? Car, il faudrait une nouvelle constitution, un nouveau découpage du territoire, une nouvelle loi électorale, une nouvelle loi pour les collectivités publiques locales et régionales…, une autre pour les associations, les partis et les médias, un nouveau système fiscal, et une nouvelle organisation juridictionnelle.
En attendant, les tunisiens feraient bouillir dans leurs marmites, les projets de lois et les divers textes « révolutionnaires », et dormiraient bercés par le doux rêve de la société idéale. Mais quand on se rendait compte que la bouillie de textes de lois ne remplissait pas la panse, et que le nouveau système s’avérait ankylosé, discriminatoire et dénué d’autorité, pourrait on éviter les dérives de la colère du peuple, la déliquescence de l’Etat et le chaos.
Le printemps aux couleurs automnales a été engagé pour semer le chaos dans les pays arabes et Maghrébin en jouant la carte islamiste. En Tunisie cette carte n’a pas réussi conformément aux prévisions. Les utopistes seraient-ils la deuxième carte à faire entrer en scène pour semer le chaos ? Le chaos en Tunisie est recherché pour qu’elle serve de passerelle aux interventions hégémoniques et impérialistes en Libye et à la déstabilisation de l’Algérie.

Mounir Chebil

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Mounir Chebil