La Banque centrale dit « Bye Bye à l’investissement et au financement de l’économie »

Le Conseil d’administration de la BCT a décidé d’augmenter de 100 pdb le Taux directeur à 7,75%

C’est une augmentation dont l’ampleur s’associe à une brutalité frustrante pour le marché qui laissera des séquelles et qui conditionnera les agents économiques à anticiper sur la cherté additionnelle des liquidités, et sur leur rareté ce qui rendra le coût du financement bancaire exorbitant (entre un taux annualisé de dépréciation du dinar à 17% pour l’achat d’équipements productifs de l’étranger et un coût des crédits à 13% pour financer les investissements, il faut des projets dont le TRI dépasse les 30% pour parler de rentabilité réelle) donc on peut dire Bye Bye à l’investissement et le financement de l’économie sauf si les investissements portent sur le trafic d’armes ou de drogues, il parait qu’ils disposent de TRI très confortable…

Une règle d’or dans la conduite de la politique monétaire Be Smooth : on ne peut jamais passé d’un statuquo en décembre dernier à 100 pdb en février : Le lissage est de rigueur.

Pour moi, il s’agit d’une erreur d’appréciation commise qlq part. A la place du banquier central, j’aurais certainement augmenté le TD mais de seulement 25 pdb en maintenant sous haute surveillance l’évolution de l’inflation et du déficit courant. J’aurais augmenté le TRE de 50 à 75 pdb. J’aurais repris le travail avec le taux excessif et j’aurais supervisé la rémunération des dépôts auprès des banques…

Par ailleurs, l’editing du communiqué de la BCT est fidèle à son style de sens unique prospectif et rétrograde à mon sens.

On nous annonce 1/ une analyse de la conjoncture en mettant le focus sur les pressions inflationnistes et le déficit courant chronique et 2/ L’activation des instruments de la politique monétaire pour contrecarrer ses deux problèmes MAIS en aucun cas on se remet en question pour évaluer l’efficacité de la politique monétaire dans le même contexte en 2018, il y a eu tout de même plus de 175 pdb d’augmentation du TD face aux mêmes problèmes précités, est-ce qu’il y a eu une étude d’impact ex post sur les augmentations administrées en 2018 pour annoncer une efficacité ex ante d’une augmentation de telle ampleur ?

Ma crainte est que l’impact ex post des augmentations antérieures est faible voire neutre sur l’inflation et le déficit courant et que la présente augmentation aurait tout simplement un effet accablant et dévastateur sur l’économie.

Les conséquences que je vois venir à coup sûr :

1/ les ménages (composés de salariés) et la consommation : les augmentations salariales seront bouffées entièrement par les révisions à la hausse de leur échéancier de remboursement de crédit. Face à l’enchérissement du coût de la vie, ils accuseront dès fin mars une baisse drastique dans leur pouvoir d’achat. Mention particulière pour la parfaite synchronisation entre le versement de la première tranche des augmentations salariales dans le public et l’effet sur les échéanciers de remboursement des mêmes concernés. Ils vont voir que dalle ( un vrai jeu à somme nulle) !!!

2/Les entreprises privés et l’investissement privé : face à un coup très élevé du financement des investissements accouplé de l’accélération de la dépréciation du dinar, il faut s’attendre à un frein brutal et une renoncée d’une relance non confirmée de l’économie. Ce comportement sera amplifié par la conjoncture d’une année électorale. Pire encore, l’étouffement de l’investissement privé incitera plus les entrepreneurs à abandonner le peloton du secteur formel. Toute chose égale par ailleurs, une partie de ses entrepreneurs trouveront refuges à l’informel : Quand le secteur formel va mal, l’informel recrute !!!

3/ Les entreprises publiques et l’investissement public : Il y aura des entreprises publiques encore moins rentables et des projets planifiés en 2018 pour 2019 dont le coût augmentera significativement ce qui les rend irréalisables vu la rigidité des dépenses publiques

4/ L’Etat : étant donné que l’activité sera encore ralentie du fait de la baisse à venir de la création de valeur, l’Etat accusera tout bonnement une baisse drastique dans les recettes fiscales collectées.

À part ces conséquences, pour le reste ( si reste y est) TOUT VA BIEN -EL HAMDOULLAH

Safouane Ben Aissa