K2Rhym, avec sa tête de bite et sa musique merdique, est venu détruire un mythe

J’ai écouté, ce matin, sur Mosaïque fm., l’interview qu’a accordée K2Rhym à Hédi Zaïem. Pour ceux qui ne connaissent pas Hedi Zaïem, c’est un animateur-vedette mondain, aux méthodes pernicieuses et qui n’a, de sa vie, jamais arboré un sourire sincère. Il est payé pour semer la zizanie dans le milieu du showbiz en montant les starlettes kleenex d’un soir contre les bimbos décoratives à l’ambition dévorante, les cougars courtisanes reconverties en moralisatrices contre les pétasses qui n’ont d’autre atout que leurs parties féminines et les chansonniers has-been, prétentieux et aigris contre les rappeurs de Youtube qui ne jurent que par le nombre de vues.

K2Rhym, quant à lui, est un rappeur plus connu pour ses tatouages et déclarations débiles calqués sur celles des rappeurs américains au mode de vie ostentatoire et excessif que pour sa musique. Les dénigrements et moqueries dont il a été l’objet depuis l’annonce de ses fiançailles avec la fille de l’ancien président l’ont poussé à pondre aujourd’hui une énième déclaration, aussi idiote que les précédentes, dans l’espoir de récolter au passage un peu de légitimité : « J’ai réussi ma vie, je me suis fait beaucoup d’argent » a-t-il martelé pour prouver qu’il était digne de cette alliance et que son futur beau-père, Zaba, en était pleinement satisfait.

On n’a cessé de dénigrer cette alliance sur Facebook, comme si une princesse de la famille royale s’apprêtait à épouser un roturier. En réalité, les protagonistes de ce mariage cocasse sont faits de la même étoffe. Les seules différences résident dans la couleur de peau, le prestige des hautes fonctions et le choix des vêtements. A l’instar de K2Rhym, un rappeur de Ksar Saïd qui a l’impression de réaliser une belle ascension sociale en épousant la fille du dictateur déchu, Ben Ali et sa famille ne jurent que par l’argent.

Il serait utile de rappeler que la société tunisienne s’est considérablement modifiée sous le règne de Ben Ali. Durant les années 1990, de nouveaux riches se sont affirmés dans le secteur économique et ont succédé aux élites traditionnelles, lesquelles étaient majoritairement composées des familles bourgeoises de Tunis (beldiya) et d’une nomenklatura sahélienne qui bénéficiait d’une certaine légitimité historique du fait de son implication dans les bouleversements nationaux d’avant 1956. L’ancienne bourgeoisie, qui était déjà moribonde lors de l’accession de Ben Ali au pouvoir, a vite fait de perdre son influence au sein des différentes institutions publiques et privées au profit de cette nouvelle élite matérialiste, ignare, arrogante et en mal de reconnaissance.

Les K2Rhym, Chafik Jarraya, Trabelsi et tous les parvenus qui montrent allègrement leurs tronches à la télé, ceux qui exhibent leurs richesses ostensiblement et provoquent à la fois le mépris et l’envie de leurs concitoyens, sont les enfants de Ben Ali. En effet, ces gens-là ne doivent leur ascension et leur succès qu’à la médiocrité et au culte de l’argent érigés en valeurs cardinales par le régime de Ben Ali. Les principes véhiculés par le pouvoir de Ben Ali étaient totalement dépourvus de noblesse. Toute une génération a été élevée dans l’idée que seul l’argent garantit le respect de la société et permet d’obtenir l’estime des gens et que la notion de mérite ressemble davantage à une grosse farce qu’à une valeur noble.

Le rappeur tatoué en question a beau être riche, les gens n’accepteront pas de le voir convoler en justes noces avec la « fille du roi » à qui l’on vient de couper la tête, et cela même s’il s’agit pour elle d’une seconde noce. Les gens, sans le vouloir, veulent protéger une certaine image de la « famille royale » qui régnait sur la Tunisie car ils ont besoin de rêver. Les gens ont besoin de garder intacte l’image de la « famille royale » sur laquelle ils projettent leurs rêves et leurs désirs. Et K2Rhym, avec sa tête de bite, sa silhouette de pitbull, ses airs cro-magnonesques, sa musique merdique et ses sorties médiatiques au ras des pâquerettes , est venu détruire ce mythe. 

Pierrot LeFou