Irak : encore des morts et des blessés parmi les manifestants

Les irakiens sont dans la rue depuis le 1er octobre pour réclamer une refonte du système politique.

La Haute commission indépendante irakienne des droits de l’homme (IHCHR) a déclaré dimanche que six manifestants avaient été tués et 158 autres blessés dans des manifestations antigouvernementales qui ont eu lieu dans les provinces méridionales de Bassora et Dhi Qar.

Le recours à « une violence excessive a été observé dans les affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants dans les provinces de Bassora et Dhi Qar », a indiqué l’IHCHR dans un communiqué.

Les affrontements ont provoqué la mort de trois protestataires et blessé 87 manifestants et membres des forces de sécurité dans la région d’Umm Qasr de la province de Bassora, tandis que trois manifestants ont été tués et 71 autres blessés près de deux ponts de la ville de Nassiriya, capitale de la province de Dhi Qar, selon le communiqué.

Les forces de sécurité ont également arrêté six manifestants à Bassora et cinq à Dhi Qar, a-t-il ajouté.

L’IHCHR a réitéré son appel à la population à manifester dans les zones désignées afin d’éviter tout affrontement avec les forces de sécurité.

La commission a aussi exhorté le gouvernement à « immédiatement intervenir pour mettre fin à la violence, à faire preuve de la plus grande retenue et à appliquer les critères de l’engagement en faveur de la sécurité ».

“Les menaces des dirigeants ne nous font pas peur. »

Plus tôt dans la journée, l’Agence de presse officielle de l’Irak a rapporté que les manifestants avaient bloqué plusieurs axes essentiels, dont la route principale de l’ouest de Bassora qui mène aux ports d’Umm Qasr et Khor al-Zubair sur la côte du Golfe, ainsi que des routes reliant certains champs pétrolifères.

Des manifestations de masse se tiennent depuis début octobre dans la capitale Bagdad et d’autres villes du centre et du sud de l’Irak pour demander une réforme globale, la répression de la corruption, l’amélioration des services publics et la multiplication des offres d’emploi.

Au premier jour de la semaine en Irak, une nouvelle fois, c’est une annonce gouvernementale qui a suscité un regain de mobilisation. Le ministère de l’Éducation avait décrété que les cours devaient reprendre après deux mois de manifestations ayant fait près de 350 morts et un mois sans école dans de nombreuses villes du Sud.

Mais rien n’y a fait pour les protestataires qui réclament une refonte du système politique et un renouvellement complet d’une classe dirigeante jugée corrompue, incompétente et loyale au grand voisin iranien qu’ils accusent de tirer les ficelles chez eux. “Les menaces des dirigeants ne nous font pas peur. Ils peuvent couper les salaires, tous nos salaires réunis ne pèsent rien face à une goutte de sang de tous ceux qui sont tombés en manifestant”, s’emporte Salem Hassan, à Amara.

Le budget et l’emploi, nerfs de la guerre

Depuis le 1er octobre, les Irakiens sont dans la rue pour le premier mouvement social spontané depuis l’invasion américaine qui a renversé en 2003 le dictateur Saddam Hussein.

Leur principal point de ralliement est la place Tahrir de Bagdad, occupée jour et nuit, et voisine de ponts et de rues commerçantes devenus champ de bataille au cœur de la deuxième capitale la plus peuplée du monde arabe. Là, dix manifestants ont été tués ces trois derniers jours. “On ne bougera pas d’ici”, prévenait de nouveau dimanche un manifestant sur Tahrir. “Ça suffit, il faut qu’ils se décollent de leurs sièges! Et nous, on est prêt à rester dix ans ici”, renchérit un autre.

Les protestataires réclament des emplois pour les jeunes ―dont un sur quatre est au chômage― et une amélioration des conditions de vie des 20% de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté.

Face à eux, le pouvoir, qui a un temps été ébranlé mais a depuis resserré les rangs, ne propose que des réformes à la marge: une nouvelle loi électorale qui peine à voir le jour au Parlement et un remaniement ministériel partiel annoncé depuis des semaines mais qui pourrait n’être qu’une façon de se débarrasser de certains sans changer la face du pouvoir, selon les experts.

Le Premier ministre Adel Abdel Mahdi a indiqué que la priorité était désormais le vote du budget 2020. Reposant quasi-totalement sur l’argent du pétrole, ce budget est depuis des années le principal garant de la paix sociale dans un pays rongé par le clientélisme.

Mais avec déjà un tiers des 111 milliards de dollars de budget 2019 consacré aux salaires des fonctionnaires, les économistes assurent que celui de 2020 devrait exploser, car le gouvernement a annoncé des milliers d’embauches pour tenter d’endiguer la contestation ―sans toutefois lancer les réformes nécessaires pour développer un secteur privé quasi-inexistant en Irak.

Avec agences