Impairs, dits et non dits de Y.Chahed

Si youssef Chahed, vos conseillers en com ont besoin de cours en psychologie de la réception et de la perception.
Indélicat de vous programmer au milieu d’une émission pour forcer les citoyens à vous écouter. Vous avez rappelé les spots publicitaires, sauf que les annonceurs payent le prix fort pour passer au milieu d’un programme  et leurs spots ne durent que 15 ou 30 secondes. Vous, vous en avez pris 7 minutes, sans rien débourser, renvoyant à l’un des griefs qui vous sont reprochés, à savoir la mise à votre disposition et à celle de vos visées électorales les moyens de l’État. Vous l’avez fait (à travers votre «orchestre») à Monastir et ailleurs; vous l’avez illustré tout à l’heure en vous appropriant la télé publique, comme personne ne peut y prétendre.

Certes, vous pouvez arguer que c’est en tant que chef du gouvernement que vous l’avez fait et pour l’intérêt général, de surcroît. Mais là, le plus niais des citoyens vous dira que vous n’avez rien dit qu’il ne sait déjà. Donc rien d important, d’urgent ou d’exceptionnel qui nécessitât une «sortie» exceptionnelle.

Si Youssef, même si les «coupures» de programmes ne se font (à part les réclames) que pour des événements majeurs (déclaration de guerre, coup d État et communiqué num 1, catastrophe d’envergure, mort du chef d’Etat…), les Tunisiens auraient compris et applaudi votre allocution et son timing, si vous aviez répondu à l’une de leurs angoisses ou interrogations du moment: l’appareil secret parallèle d’Ennahdha , les écoles coraniques qui pondent et affinent des bombes humaines, les soupçons qui pèsent sur des magistrats influents, la mainmise d’Ennahdha sur le combien vital secteur du Numérique et de l’Informatique…

Non, rien de tout cela.

Votre «sortie» surprise sur la Watania 1 en plus milieu de «Dimanche Sports» se situait dans le réactif et le rattrapage. Elle l’était surtout pour vous même et ne servait que vos ambitions électorales. Et si au moins cela était bien fait et…dit. J’y arrive.
Mais d’abord qu’avez-vous déclaré? Je n’embourberai ce statut en vous prouvant que pas si loin que ça, vous et vos ministres disiez le contraire de ce vous avez annoncé tout à l’heure quant aux limites du budget de l’État et aux exigences des instances financières internationales. Bref, vous avez déclaré que vous étiez pour ces augmentations, que vous compreniez le fardeau de toutes les classes et catégories sociales, surtout les familles démunies auxquelles un programme particulier est mis en place. Dieu, quelle manne du ciel, alors que (ce ne sont que des exemples) les caisses sociales et Tunisair sont en quasi faillite, les pensions des retraités écornées pour boucher je ne sais quel trou, les hôpitaux, y compris universitaires, abandonnés à leur délabrement… Et c’est le budget de l’État qui va supporter ces augmentations faramineuses «consenties en tenant compte des équilibres financiers de l’Etat», avez-vous dit!?
Je ne vous contredirai pas, mais si j’étais à la place de Lagarde, je suspendrais tous les accords de prêts conclus, vu qu’il s’avère que la Tunisie a des ressources insoupçonnées…
Vous avez également reconnu la légitimité des mouvements sociaux et le patriotisme de ceux qui s’y sont inscrits, tout en appelant les Tunisiens au labeur pour soutenir le mouvement de redécollage des différents secteurs économiques (j’espère avoir fidèlement repris l’esprit de vos propos).
Mais ce faisant Si Youssef, voilà comment peut être perçue votre allocution, outre ce qui a été mentionné plus haut. Vous avez voulu éliminer le rôle d’Ennhdha et de son chef que vous avez rencontré en urgence le samedi et qui a court-circuité Taboubi et vous même en s’arrogeant la primeur d’annoncer  la fin de la crise avec le récalcitrant secteur de l enseignement, ce qui a donné de la valeur à la présomption d’un «soutien» qatari ( A quel prix ! ) qui ferait suite au récent voyage de Ghannouchi à Doha. Ce que, bien entendu, vous avez démenti tout à l’heure, tout en louant la quasi totalité du peuple tunisien que vous avez «arrosé» en majorations et autres aides spécifiques, ce qui semblait jusqu’à il y a deux jours inimaginable. Que veut le peuple, dirait-on?
Je dirai ici ce que je pense qu’il ne veut pas. Il ne veut pas l’opacité .Il veut la transparence et la vérité et les vérités quand elles sont plusieurs.
Votre discours qui s’apparentait, Si Youssef, à une propagande électorale, à peine camouflée mais qui ne vole pas haut, a déçu parce qu’il a marqué votre peu d’audace à affronter les grands problèmes et les profondes angoisses du peuple tunisien qui craint pour les fondements mêmes de sa République. Vous êtes apparu dans la peau d’un simple et brave pour qui «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil» et qui aime ménager le loup et la chèvre. Ce n’est pas cette image que doit renvoyer un vrai homme d État, surtout qu’on voit aujourd’hui le faux s’ériger en vérité, les errements s’élever en système parallèle et le bourreau se substituer à la victime.
Et de terminer avec votre «salut final» ou vous avez jugé (sur conseil de votre équipe com, peut être) bon d’éviter le rituel «tahya tounès» (vive la Tunisie) -homonyme de votre parti- et de le remplacer par «vive la démocratie tunisienne».
Là aussi, vous avez commis un impair: la Tunisie n’est pas que cette démocratie naissante qui a, malgré ses côtés positifs, entraîné des crimes d’État, permis à des ennemis de la liberté et de la démocratie de devenir des décideurs et d’essayer de la faire basculer dans la très obscurantiste «akhouana» (fratrie) et dont des adeptes qui se disent du bout des lèvres «repentis», sont vos alliés contre-nature (du moins, on l’espère pour vous, vu votre historique, de votre famille aussi), aujourd’hui. Vous auriez très bien pu éviter le piège de prononcer le nom de votre parti, en terminant par «vive la RÉPUBLIQUE», ce mot qu’abhorrent ceux qui ont rêvé d’instaurer le 6è Califat sur cette terre dès qu’ils ont accédé au pouvoir. Hamadi jbali, un de vos prédécesseurs a eu le courage et l’honnêteté de le dire haut. Les autres le pensaient tout bas. Mais quand on sait qu’il est un âge où il est pratiquement impossible de changer de convictions, on craindra toujours pour notre Tunisie…
Bien entendu, nous croyons que ce fut un impair de votre part de ne pas avoir utilisé ce mot de la République qui leur fait peur et que ce n’est pas par crainte de les froisser, comme pourraient le penser les mal intentionnés.

Slah Grichi