Guerre commerciale : Washington et Pékin se rendent coup pour coup

La Chine et les Etats-Unis se rendent coup pour coup dans leur guerre commerciale . Les discussions se sont poursuivies à Washington alors que 200 milliards de dollars de produits chinois viennent d’être surtaxés par l’administration Trump.

Malgré les sanctions décidées dans la nuit, les Etats-Unis et la Chine ont repris leurs négociations commerciales, vendredi 10 mai, à Washington. Le vice-premier ministre chinois Liu He, chargé de diriger ces négociations, a été accueilli peu avant 9 h 30 (15 h 30 à Paris) par Robert Lighthizer, le représentant au commerce (United States Trade Representative, USTR), et le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, sur le perron des bureaux de l’USTR, non loin de la Maison Blanche. Le responsable chinois a quitté les lieux deux heures plus tard. « Il y a eu des discussions constructives entre les deux parties, c’est tout ce que nous dirons », a déclaré le ministre des finances de Donald Trump.

Négociations éclipsées par l’augmentation des droits de douane

Comme annoncé dimanche 5 mai par Donald Trump, les Etats-Unis ont augmenté, ce vendredi 10 mai, de 10 % à 25 % les droits de douane supplémentaires sur environ 5 700 produits représentant 200 milliards de dollars (178 milliards d’euros) de biens chinois importés. Quelques minutes après l’entrée en vigueur de cette mesure, à 00 h 01, heure de Washington, la Chine a indiqué qu’elle allait prendre les « contre-mesures nécessaires » mais cette fois sans apporter davantage de précisions. Par ailleurs, Washington dit également préparer l’imposition de droits de douane de 25 % sur les biens chinois non encore taxés et dont la valeur se monte à 325 milliards de dollars.

Parallèlement à ces sanctions, les négociations sur un accord commercial entre les deux pays continuent. Celles-ci ont repris à Washington, jeudi 9 mai – et non mercredi comme prévu initialement –, et devraient se poursuivre ce vendredi. La Chine qui, dit-on, a hésité à envoyer ses négociateurs une nouvelle fois à Washington après les menaces de Donald Trump du week-end, a décidé de maintenir les négociations. Mais la délégation est non seulement arrivée avec vingt-quatre heures de retard mais elle est réduite de moitié. Surtout, son chef, Liu He, vice-premier ministre, n’est plus présenté comme « envoyé spécial du président Xi Jinping », ce qui semble indiquer qu’il dispose d’une marge de manœuvre moins importante que lors des neuf rounds précédents de la négociation.

« La Chine ne capitulera pas »

Comme à son habitude, le président américain a soufflé, jeudi, le chaud et le froid, indiquant avoir reçu « une belle lettre » de Xi Jinping avec lequel il allait « probablement » avoir un entretien téléphonique. Mais pour ajouter aussitôt que l’augmentation des droits de douane constitue une « alternative excellente » à un accord puisqu’ils font rentrer, selon lui « plus de 100 milliards de dollars par an » dans les caisses de l’Etat. Liu He s’est, lui, contenté d’indiquer qu’une augmentation des droits de douane était « dommageable » pour les deux parties.

« La Chine ne capitulera pas face à la pression, et nous avons la détermination ainsi que les moyens de défendre nos intérêts », a d’ailleurs prévenu, à Pékin, le porte-parole du ministère chinois du commerce, Gao Feng. Pour justifier de nouveaux tarifs douaniers, l’administration américaine a expliqué que la Chine est revenue, vendredi 3 mai, sur une partie substantielle des accords auxquels avaient abouti les négociateurs.

Selon l’agence Reuters, « dans chacun des sept chapitres du projet d’accord, la Chine a retiré son engagement à légiférer pour répondre aux griefs qui ont amené l’administration Trump à déclencher une guerre commerciale : le vol de propriété intellectuelle et de secrets commerciaux, le transfert forcé de technologies, la politique de la concurrence, l’accès aux marchés financiers et la manipulation de sa devise ». La Chine a démenti un tel recul.

Alors que le Fonds monétaire international a rappelé cette semaine qu’un nouveau conflit commercial ne pouvait que porter préjudice à la croissance mondiale, l’administration Trump se sent en position de force en raison des bons résultats de l’économie américaine au premier trimestre. De son côté, la Chine, dont la croissance semble bénéficier des mesures de soutien à l’économie prises ces derniers mois, affirme ne pas se sentir non plus en situation de faiblesse.

Sans faire explicitement le lien avec les exigences américaines – pas question de perdre la face –, elle ouvre davantage son marché aux banques et aux assurances occidentales et dit vouloir réformer ses entreprises publiques pour donner davantage de poids au management et moins au pouvoir politique. La rivalité entre la Chine et les Etats-Unis va bien au-delà d’une simple guerre commerciale, comme l’illustre le secteur des télécommunications. Après avoir interdit à Huawei de développer la norme 5G aux Etats-Unis et après avoir fait peser des menaces existentielles sur le fournisseur de composants électroniques ZTE, Washington a refusé, jeudi 9 mai, à China Mobile l’accès au marché américain.