« Gilets jaunes » : la tension et l’inquiétude sont maximales en France

L’exécutif se prépare à un samedi noir. À la veille de la quatrième journée de mobilisation des « gilets jaunes », des violences encore plus importantes que celles perpétrées samedi 30 novembre sont redoutées.

Vendredi 7 décembre , la tension et l’inquiétude sont maximales en France , à la veille de nouvelles manifestations de gilets jaunes qui font craindre une répétition des émeutes à Paris, un scénario que le gouvernement veut à tout prix éviter, qualifiant la fronde des Français modestes de « monstre » hors de contrôle.« Au regard de ce qu’il s’est passé les samedis précédents, je ne vous cache pas que nous sommes inquiets », a par exemple déclaré sur RTL Rémy Heitz, le procureur de la République de Paris ce vendredi 7 décembre.

Pour tenter d’éviter tout débordement, 89.000 membres des forces de l’ordre seront mobilisés à travers tout le pays, a annoncé jeudi 6 décembre Édouard Philippe. 8.000 policiers et gendarmes seront déployés dans la capitale. Par ailleurs, le Premier ministre a confirmé l’utilisation d’une « douzaine de véhicules blindés de la gendarmerie » qui ont par exemple servis à Notre-Dame-des-Landes, « parce que nous avons en face de nous des gens là pour casser », a justifié le locataire de Matignon

« Force restera à la loi », a prévenu dans la matinée le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner en présentant le dispositif sécuritaire « de grande envergure » qui sera déployé à cette occasion. Seront notamment utilisés dans la capitale des véhicules blindés de gendarmerie à même de détruire les barricades qui pourraient y être érigées comme le 1er décembre et dont les images ont fait le tour du monde.

L’exécutif martèle qu’il est en état d’alerte maximale. Il en appelle au sentiment républicain parmi les Français, ne cachant pas une grande inquiétude face à un éventuel risque de situation insurrectionnelle.

« Ces trois dernières semaines ont fait naître un monstre qui a échappé à ses géniteurs », a déclaré Christophe Castaner pour qualifier la révolte des gilets jaunes, ces Français modestes dénonçant la politique fiscale et sociale du gouvernement, devenue le creuset de toutes les contestations françaises, comme celle des lycéens.

Le recul du gouvernement sur la fiscalité du carburant, boutefeu de la colère, n’a pas permis d’apaiser un mouvement déstructuré, évoluant hors des cadres établis, et sans leader.

Au total, 89 000 policiers et gendarmes seront déployés dans toute la France samedi pour éviter de revivre les scènes de la semaine précédente : affrontements sous l’Arc de Triomphe, barricades enflammées dans les beaux quartiers, pillages, nuages de gaz lacrymogène pour tenter de disperser des gilets jaunes et des casseurs incontrôlables.

Un dispositif « sans précédent », a commenté le directeur général de la gendarmerie nationale, Richard Lizurey.

Le gouvernement français a assuré que les forces de l’ordre seraient plus mobiles pour répondre « plus efficacement à la stratégie de dispersion et de mouvement des casseurs », car « tout laisse à penser que des éléments radicaux vont tenter de se mobiliser ».

Le président Macron cible du mécontentement

Sur les réseaux sociaux, le principal vecteur d’organisation des gilets jaunes, certains mots d’ordre évoquent clairement un changement de régime ou un départ du président Emmanuel Macron, toujours mutique, qui doit théoriquement s’exprimer en début de semaine prochaine sur cette grave crise.

Conscient qu’il cristallise le ressentiment d’une part importante des Français, le chef de l’État, élu en 2017 en se présentant comme l’homme du changement et du renouveau et qui est désormais très impopulaire d’après les sondages, « ne souhaite pas mettre d’huile sur le feu et par conséquent n’a pas l’intention de s’exprimer avant samedi », a annoncé le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand.

Tour Eiffel, Musée du Louvre, d’Orsay, Pompidou, grands magasins fermés, rideau baissé sur la scène de l’Opéra, nombreux matchs de football reportés… À Paris, comme ailleurs en province, la France se claquemure et retient son souffle et l’appareil d’État déploie son arsenal.

« On ne peut pas prendre le risque » d’être pillé, commentait vendredi un responsable d’un magasin de motos Ducati tout près de l’Arc de Triomphe, tandis que ses luxueuses motos italiennes étaient évacuées par camion.

Le procureur de la capitale Rémy Heitz a annoncé avoir pris des mesures pour permettre aux policiers d’interpeller des personnes souhaitant « en découdre avec les forces de l’ordre » en amont des manifestations.

Dans certaines zones, les autorités interdisent de manifester, comme dans le nord de la France. Ou bien elles prohibent la vente et le transport de carburants, d’engins pyrotechniques et de produits inflammables ou chimiques, pour limiter le recours aux engins incendiaires.

Vendredi, les autorités ont saisi une trentaine de cocktails Molotov ou bombes artisanales sur un rond-point routier occupé par des gilets jaunes à Montauban (sud-ouest).

Les hôpitaux parisiens ont renforcé leurs équipes en prévision du week-end.

Une agglomération de causes

Parmi les autres contestataires qui tentent de s’agglomérer à la révolte, certains lycéens continuaient vendredi de manifester, bloquant des établissements scolaires et provoquant eux aussi des violences urbaines et des affrontements avec les forces de l’ordre, en particulier en région parisienne.

Quelques milliers d’entre eux ont défilé vendredi à Paris, leur premier cortège dans la capitale depuis la reprise de leur mobilisation en début de semaine dans la foulée des gilets jaunes.

À Mulhouse, dans l’est, un policier a été grièvement blessé au cours d’une manifestation par un lycéen encagoulé à moto qui l’a percuté, selon les autorités.

Jeudi, environ 150 personnes ont été interpellées dans un lycée d’une banlieue sensible, à Mantes-la-Jolie (ouest), après des heurts. La gauche crie au scandale après la diffusion d’images de plusieurs dizaines de lycéens, mains entravées ou sur la tête, à genoux ou assis sur le sol.

Les « gilets jaunes » encore largement soutenus par les Français

Malgré un effritement, les Français expriment, pour les deux tiers, soutien ou sympathie aux « gilets jaunes », selon un sondage Ifop.

La bonne opinion des Français envers le mouvement des « gilets jaunes » reste forte, avec 66% (40% de soutien et 26% de sympathie), malgré un reflux de 6 points (46% exprimaient leur soutien dans l’enquête précédente, les 3-4 décembre), selon un sondage Ifop pour CNews et Sud Radio.

C’est cependant la première fois depuis le début de ces études par l’Ifop (5 sondages avant celui-ci) que l’adhésion faiblit. Il faut dire que le questionnaire a été posé après le recul du gouvernement sur les taxes.

L’adhésion reste majoritaire chez toutes les sensibilités politiques, à l’exception logique des partisans de LREM : 88% (- 1 point par rapport à la mesure précédente) chez les sympathisants du Rassemblement national, 83% (- 5 points) chez ceux de La France insoumise, 76% (stable) chez ceux du PS et 57% (-15 points) chez ceux des Républicains. Chez les sympathisants du parti présidentiel, ils ne sont que 23% (stable) à soutenir ou avoir de la sympathie pour les « gilets jaunes ».

Ce sondage, fait après les annonces d’Edouard Philippe, montre qu’elles n’ont pas changé le soutien de l’opinion publique à une poursuite du mouvement : 59% des sondés pensent que les annonces du gouvernement sont insuffisantes et que le mouvement doit continuer, 31% que les annonces sont importantes et que le mouvement doit cesser.

Les opinions favorables à la poursuite du mouvement sont à 90% chez les sympathisants LFI et 83% chez ceux du RN, 63% pour ceux du PS et 46% chez LR (et 6% à LREM).

Un sondage similaire, réalisé par Ipsos pour « Challenges », va dans le même sens : un soutien majoritaire (58% des sondés souhaitent que la mobilisation se poursuive), mais un peu moindre qu’auparavant (63% dans un autre sondage deux jours avant).

Avec médias français et agences

Pour comprendre les gilets jaunes , écoutez