Celui qui doit éteindre le feu …n’a pas à se soucier de la facture d’eau !!!

La Tunisie doit affronter une crise majeure et sans précédent, celle relative au Covid 19, avec une économie exsangue et des finances publiques gravement affaiblies. Mais elle doit affronter cette crise, elle n’a pas le choix. Elle doit l’affronter avec les moyens du bord. Cependant la faiblesse de nos moyens nous impose de faire preuve de bons sens et de sagesse.

Notre économie est en effet très affaiblie. La croissance économique enregistrée en 2019 est insignifiante:1%. La croissance économique enregistrée durant le deuxième semestre de 2019 est égale à zéro. Notre économie ne produit plus de croissance, ne crée plus de richesses supplémentaires et ne crée plus d’emplois. C’est une économie exsangue.

Nos finances publiques semblent être dans un état bien plus grave que celui annoncé publiquement. La commission financière de l’ARP et le nouveau gouvernement semblent avoir découvert beaucoup d’anomalies, qui se chiffrent par milliards de Dinars. De ce fait les niveaux annoncés du déficit budgétaire et de la dette publique seraient largement sous estimés, volontairement.

Nos relations avec les bailleurs de fonds, et notamment le FMI, se seraient sensiblement détériorées, sans aucune annonce ou information publique à cet effet. Voici quelques exemples:

1- Le reliquat du crédit du FMI n’est plus suspendu. Il a été annulé, oui annulé. En effet sur les 2,8 milliards de Dollars (le montant du crédit) 1,6 milliards de Dollars seulement ont été débloqués. Le reliquat s’élevant à 1,2 milliards de Dollars soit l’équivalent de 3,5 Milliards de Dinars a été définitivement annulé du fait que la Tunisie n’a pas honoré ses engagements en matière de réformes.

2- Le FMI a mis en place un programme spécial de 1 trillion de Dollars (mille milliards de Dollars) pour aider les pays à gérer les conséquences de la crise relative au Covid19. La Tunisie n’a pu obtenir sur programme que 400 millions de Dollars. Beaucoup trop peu.

3- La Banque Mondiale a mis en place à son tour un programme de 150 millions de Dollars pour les mêmes raisons. La Tunisie n’a pas encore émargé sur ce programme.

NOUS DEVONS DONC COMPTER SUR NOS MOYENS.

Notre objectif premier est sans équivoque. Il faut tout faire pour sauver la vie et la santé des Tunisiens. Et ceci n’a pas de prix. Mais notre objectif est aussi de sauver notre économie, en minimisant les dégâts. Il faut donc sauver nos entreprises, publiques et privées. Et en sauvant nos entreprises nous sauvons nos emplois et nous sauvons l’approvisionnement de nos marchés.
Nos entreprises affrontent actuellement de sérieux problèmes de liquidité. Elles doivent en effet continuer à faire face à leurs coûts sans avoir en face le même niveau de revenus. Pour certaines entreprises le chiffre d’affaires a complètement disparu. Nos entreprises ont donc besoin d’un report de leurs échéances de crédits, d’impôts, de cotisations sociales, etc. Mais elles ont aussi besoin de nouveaux crédits qui devraient être garantis, totalement ou partiellement, par l’État.

Mais pour réussir une telle tâche il ne suffit pas de gérer les difficultés. Il faut les anticiper. Il faut courir plus vite que le vent pour ne pas être pris de court et se retrouver dans une situation où les mesures prises ne donnent pas les résultats escomptés, voire même donnent des résultats contraires. À cet effet nous devons alléger sensiblement le fardeau financier de nos entreprises et de certaines catégories de citoyens défavorisés. Sur un plateau de télévision j’avais proposé de baisser le taux directeur de la BCT de 5 points de pourcentage. La BCT l’a baissé de 1 point seulement. J’avais proposé aussi de recourir massivement aux émissions de bons de trésor pour fournir à l’État les liquidité nécessaires. Il semble que ces émissions vont se limiter pour le moment à environ 1 milliard de Dinars seulement. La principale raison invoquée consiste à éviter une détérioration de nos ratios relatifs à l’inflation et au niveau de la dette publique.

Je dois cependant rappeler que nous n’avions pas fait l’effort de préserver nos indicateurs depuis 2011. Nous avions laisser filer l’inflation, le déficit budgétaire, le déficit commercial, la dette publique et la dette extérieure et la valeur du Dinar. Ce n’est pas maintenant, en face d’une crise sans précédant, qu’on devrait s’en soucier au risque de voir notre économie s’effondrer et nos entreprises disparaître. I faut absolument faire preuve d’anticipation, de courir plus vite que le vent. Nous allons réaliser une croissance négative cette année, sans doute. Cette croissance pourrait être de moins 5 %, oui je dis bien moins 5%. Nous devons éviter à tout prix, à tout prix, une situation plus grave.

Celui qui doit éteindre le feu …n’a pas à se soucier de la facture d’eau !!!

Tout pourra être géré par la suite.

Ezzeddine Saïdane