À ceux qui partent ou sur le point

Partez, laissez ce pays aux rapaces et aux charognards. Revenez le jour où on le rendra plus vivable. La tâche est dure mais on y arrivera. On ne laissera pas tomber un pays pour un visa à l’étranger. Toutefois, votre départ en masse, surtout pour les jeunes, rendra la tâche plus difficile pour ceux qui ne partiront jamais.

Le Canada est un pays prometteur, qui pourrait donner des chances pour ceux qui se lèvent tôt et supportent des températures de moins 40 degré, qui oublient le soleil et la couleur du ciel. l’Allemagne est le pays où vous apprendrez le sérieux et le travail bien fait, et on ne ne pardonne pas les gaffes.

Il est vrai que tout dans la Tunisie d’aujourd’hui pousse à partir. Tout marche de travers, les jeunes désespèrent, les adultes subissent ou profitent du système quand ils le peuvent. Il y’a un ras le bol. 2011 a suscité des attentes qui tardent à voir le jour, et les gens n’ont qu’une seule vie à vivre.

Toutefois, c’est notre pays et son avenir nous concerne, il y’a plein de nids de poules, des bus qui n’arrivent pas à l’heure, des claxons, des arrivistes, des corrompus, des incompétents, du chômage, des feuilletons japonais à la télévision nationale, mais c’est notre pays.

On ne se sentira chez nous qu’ici, c’est sale, insalubre, mais c’est tout ce qu’on a, pour le moment. Faisons de notre mieux pour mériter mieux. On ne change pas de pays, de nationalité comme on change de chemise. Demandez au bi-nationaux, ils ont la nationalité française, ou allemande, mais ils se sentent tunisien, au fond, ils sont tunisiens. On a beau avoir d’autres nationalités mais l’âme reste celle du pays d’origine, la mère patrie.

Partez, vous serez les « réfugies des temps modernes » Des réfugiés « cinq étoiles »; médecins, ingénieurs mais toujours réfugiés, et on vous regardera comme un réfugié. Vous avez fui votre pays. Les raisons peuvent être légitimes, mais le fait est là, vous avez fui. Vous avez beau parler leur langue, connaitre leur histoire, mais vous ne serez jamais l’un d’eux. On vous regardera de travers quand vous votez avec eux, quand vous n’appréciez pas leur humour, ou leur cuisine.

Ce n’est que chez soi qu’on se sent vraiment chez soi. On ne fait pas trop attention au bruit qui pourrait gêner les voisins, « marra 3andi marra 3andik », on ne panique pas quand on arrive un tout petit peu en retard, ça arrive à tout le monde. On parle à haute voix, on parle des faits divers, nos faits divers qui montrent nos vices et nos caprices.

Partez vous serez peut être mieux payés, une bonne école pour vos enfants, mais le goût de nos mandarines fraîches, vendues sur les bords de route du Cap Bon et non dans un étalage, vous manquera toujours.

Allez partez. Nous, on a CHOISI de rester.

Tahar Labassi