Le Nouvel Aéroport projeté : un non sens économique et un scandale environnemental.

Wahid Ibrahim

Wahid Ibrahim

Le Ministère du Transport vient de confirmer qu’il va entamer prochainement les études techniques pour la réalisation d’un nouvel aéroport situé à 30 km au nord de Tunis destiné à « remplacer définitivement l’actuel Aéroport International de Tunis-Carthage ».
C’est, à mon avis, la pire des décisions que le gouvernement actuel pourrait prendre et ce pour plusieurs raisons.
– Ce projet ne représente aucune urgence, ni pour le moment, ni pour les dix ou les vingt ans à venir. L’actuel aéroport peut être mieux exploité moyennant une optimisation de ses potentialités techniques et humaines
– L’aéroport d’Enfidha, à quelques dizaines de km de la Capitale, largement sous exploité, offre des opportunités au moins égales à celui projeté .De plus , il est situé au sein de réserves foncières non agricoles disponibles, au moins égales à celle de Roissy Charles de Gaulle dans la région parisienne. La situation de l’Aeroport d’Enfidha au sud de la capitale, le rend plus approprié pour « irriguer » le Centre, le Sahel et l’Intérieur du pays sans avoir à traverser le goulot d’étranglement de la Capitale. Avec un peu de vision prospective et de volonté politique, l’Aéroport d’Enfidha pourrait, également constituer le cœur d’une création urbaine nouvelle et moderne servant, à terme, de nouvelle capitale administrative et économique susceptible de désengorger l’agglomération de Tunis, Une liaison ferroviaire rapide, ajoutée à l’autoroute existante, le mettrait à seulement quelques dizaines de minutes de cette dernière.
– Tout autre terrain choisi au Nord de Tunis serait prélevé sur des espaces à vocation agricole dont le pays a grandement besoin, sans compter que cette région constitue un bassin versant historique pour les ressources hydrauliques du pays
– La desserte du nord du pays est possible moyennant le désenclavement routier et autoroutier de l’Aéroport International de Tabarka qui connaît une sous-exploitation scandaleuse. En effet, tout programme d’infrastructures de désenclavement régional serait d’un grand effet sur la dynamisation multi sectorielle du Nord -Ouest .Sans compter sa façade maritime très peu explorée et mise en valeur jusque-là .
– Livrer l’actuel site de l’Aéroport de Tunis-Carthage à la spéculation immobilière débridée est un non sens économique et environnemental et un hold-up commis au dépend des populations actuelles et futures de l’agglomération tunisoise. Son site est un poumon vert exceptionnel et un sanctuaire pour une biodiversité aux richesses et à la diversité insoupçonnables. Le bétonner par des programmes immobiliers « sauvages » ne ferait qu’ étouffer davantage une Capitale qui connaît des seuils intolérables de pollution et d’engorgement. Pour l’exemple, il y a lieu de rappeler que le nouvel aéroport de Roissy n’a pas entraîné la fermeture de celui d’Orly . Aucun nouvel aéroport européen n’a entraîné la fermeture d’un aéroport principal devenu secondaire.
Soyons donc vigilants et exprimons notre désaccord pour un projet qui ne représente aucune urgence ni territoriale, ni économique.
Pensons à l’évolution technologique des modes de transport aérien de moins en moins gourmand en « confiscation » foncière et à la qualité de vie des générations futures.

Wahid Ibrahim

Illustration haut de page : le ministre des transports Anis Ghédira à l’aéroport Tunis-Carthage