Les califes maudits ou l’histoire spectacle

Le dernier livre de Hela Ouardi, les « Califes Maudits » publié par Cérés, se veut un livre d’histoire. Au fait on devrait le lire comme un « roman historique ». Ouardi avoue qu’elle est professeur de littérature mais persiste à affirmer qu’ elle a utilisé les mêmes sources canoniques que les islamologues comme Jaet at Amamou pour historiciser l’islam dans ses débuts. Je laisserai le soin aux spécialistes de juger la pertinence et la rigueur méthodologique.

En parcourant le livre on se rend compte que le premier souci de Ouardi est de nous faire vivre les premiers jours après la mort du prophète et la passation du pouvoir politique à Abu Bakr, premier Calife.

La plume de Ouardi est comme une caméra, avec des plans d’ensemble sur les groupes à la Sakifa ou a eu lieu les négociations entre Mouhajirin et Ansar. La plume/caméra fait des gros plans sur les chefs de groupes Omar et Abu Bakr d’un coté et Sa3d et Abu Dhuayb de l’autre. Des scènes de bagarre, on en vient aux mains, au dire de Quardi, on se croirait dans un saloon dans un film western.

Omar, deuxième Calife, tenu par la barbe, Abu Bakr, premier Calife, le pas titubant, montant au minbar pour recevoir el bay3a, poussé par Omar, la peur au ventre et le visage pale. Sa3d, tabassé par la foule, Omar qui casse le nez de Hubab « De fureur les deux hommes se jette l’un sur l’autre comme deux buffles, Ils se prennent au col. Abu Dhuayb, en sueur, pousse un cri qu’il réprime aussitôt. Le colossal Omar esquive en reculant, puis d’un geste sec décoche un violent coup de poing dans la poitrine de so adversaire »; (p. 108).

Ouerdi nous décrit dans les détails les habits, les visages, les barbes et les rues de Medine. On se croirait dans un feuilleton ou dans un film du genre Errissala. Une milice dans la rue, déployée par Abu Bakr, présenté comme un putsciste qui a ravi le pouvoir aux Médinois, mais aussi à la famille du prophéte occupèe à préparer les funérailles.

L e dernier de Ouerdi est un livre d’histoire spectacle qui évite les analyses, les références à la littérature dans ce domaine et particuliérement la passation du pouvoir aprés Mohamed. Le livre a peut etre le mérite de rendre Abu Bakr et Omar plus humains et contribue à la désacralisation des premiers batisseur de l’empire Arabo islamique qui va s’étendre jusqu’aux confins du Maghreb et à l’Andalousie. Ils les rend plus proche de nous, parfois jusqu’à la cariature. Ouerdi les débarrasse de l’aura que les salafistes cultivent jusqu’à aujourd’hui.

Un livre à lire surtout par les jeunes qui veulent découvrir l’histoire de l’islam et la nature des conflits qui ont marqué les débuts de l’islam en tant qu’idéologie de pouvoir. Il est salutaire pour le monde musulman de présenter la religion et les premiers défenseurs de l’islam, y compris Mohamed, en tant que phénomènes historiques, à aborder en utilisant les instruments modernes, la sociologie, la psychologie,l’analyse du discours et la « narration » comme le fait Ouardi.

Une renaissance possible passe nécessairement par la désacralisation du sacré. Le livre de Ouardi devrait être lu sous cet angle. Toutefois, il faudrait éviter la caricature et l’anecdote, la question est assez sérieuse pour être prise à la légère. L’histoire est loin d’être un feuilleton. Ouardi n’échappe pas à la tendance d’aborder l’histoire comme un feuilleton télévisé. C’est dans l’air du temps, ou tout est spectacle. On lit avec les yeux, et le livre de Ouardi nous donne plein les yeux.

Tahar Labbassi