La guerre entre le français et l’anglais en terre d’Apulée sur un fond islamique !

Une fois de plus, en un demi-siècle d’indépendance, un peu plus, voici l’Algérie qui se réveille sur les tambours battants d’une nouvelle guerre linguistique déclarée. C’est un nouvel épisode d’un feuilleton de guerres linguistiques qui a rongé l’école, la classe politique, les intellectuels et même les mosquées ! Cette nouvelle guerre, en plein Hirak, est déclenchée entre le français et l’anglais ! La guerre de Cent ans est déclarée sur la terre d’Apulée, de Mammeri, de Moufdi Zakariya, de Si Mhand U Mohand, d’El-Khaldi, de Kateb Yacine, de Mohammed Dib, d’Assia Djebar, de Benguitoune…

Comme au temps de la fièvre de l’arabisation des années 1970, les milices du populisme anglophile et leurs canons sont orientés vers l’école algérienne. Cette fois-ci, ils veulent commencer par le haut, par l’université ! “Anglophoniser” les douktours, “anglophoniser” les savants qui n’arrivent même pas à fabriquer une aiguille pour rapiécer leurs pantalons ! À peine le dossier de l’arabisation fermé sur une catastrophe multiple idéologique et pédagogique, après la “frérisation” de l’école algérienne, que voilà une autre guerre idéologique déclenchée; une autre tentative d’engouffrer encore plus l’école dans l’islamisation. Dans cette guerre linguistique sous la bannière anglaise, on ne cherche ni la science qui nous dépose sur la lune ni la littérature de Shakespeare qui nous mène à Paul Auster !

En réalité, la guerre déclarée, dans les années 1970, contre le français, et au nom de l’arabisation, était une guerre politique contre tamazight. La seule langue qui dérange la classe politique algérienne c’est bel et bien tamazight ! Tamazight depuis l’indépendance fut la cible de deux ennemis ; d’un côté le courant du panarabisme baâthiste qui la considère comme sœur jumelle du français, et de l’autre côté, le courant des islamistes (les frères musulmans et leurs dérivés) qui considèrent tamazight comme langue d’impies, et de ce fait, menace l’islam en Algérie.

Les partisans de l’arabisation ne cherchaient pas la promotion de la langue avec laquelle écrivait Ibn Rochd, Al Maârri, Arrawandi, El-Mutanabbi, Adonis, Mahmoud Darwich et tous les autres impies “zanadiqa”, ils cherchaient plutôt à implanter une idéologie à travers cette langue, l’idéologie des frères musulmans et de la “salafiyya”. Ils voulaient faire passer à travers l’arabe, et ils ont réussi, les idées de Sayyid qotb, d’Ibn Timiyya, de Youcef al Qaradaoui, de Âid Al-Qarni….

Cet appel au remplacement du français par l’anglais a été lancé par les baâthistes, dans les années 1990. Les partisans du remplacement du français par l’anglais pensent que cette dernière, c’est-à-dire l’anglais, est la porte magique du “progrès”, le tapis volant vers la “science technologique”. Ces partisans de l’anglais oublient que de nombreux pays africains, nos voisins, sont noyésdans le sous-développement malgré avoir choisi, il y a belle lurette, la langue de Shakespeare comme langue nationale et officielle à l’image du Nigeria,du Soudan,du Kenya, de l’Ouganda, du Ghana, du Zimbabwe, de la Sierra Leone, du Lesotho, du Botswana…

L’anglais n’a pas sauvé les populations de ces pays de la famine, des maladies, de la pauvreté, de la violence, des guerres tribales. La langue anglaise n’a pas libéré ces populations des pouvoirs politico-financiers corrompus. Le remplacement du français par l’anglais dans l’école algérienne serait un nouveau désastre pour l’éducation nationale et pour l’université. Comment peut-on imaginer l’enseignement d’une langue, en l’occurrence l’anglais, dans un pays qui est l’Algérie où il n’y a ni conditions matériels, ni compétences pédagogiques, ni encadrement humain, ni bain linguistique !

Le remplacement du français par l’anglais est une aventure politicarde orchestrée par les islamo-baâthistes, la nouvelle génération des milices de “l’arabisation”, afin d’enterrer le dernier souffle d’ouverture parvenant à travers le français. La langue française en Algérie est une réalité historique, sur le plan culturel comme sur le plan démographique. Il y a dix millions de citoyens algériens qui utilisent cette langue dans leurs transactions économiques, culturelles, artistiques, touristiques et autres. Certes, les Algériens ont algérianisé le français !

La communauté algérienne vivant en France ou au Québec qui dépasse les cinq millions est un capital humain important, un vif pont vers l’autre, sur lequel il faut miser pour un renouvellement économique, une nouvelle Algérie plurielle et en bonne santé politique et culturelle. Nul ne peut nier que l’Algérie est le premier pays francophone après la France, même si elle n’est pas membre de l’Organisation internationale de la Francophonie.

Nul ne peut nier que les écrivains et les intellectuels algériens francophones, toutes générations confondues, créent en littérature, au cinéma, théâtre, une production exceptionnelle. Depuis la génération de Mohammed Dib, Mammeri, Kateb Yacine, en passant par Assia Djebar, Mohamed Arkoun, Rachid Mimmouni, Tahar Djaout et jusqu’à Kamel Daoud, Boualem Sansal, Salim Bachi, Anouar Benmalek, Yasmina Khadra… cette production intellectuelle, littéraire et artistique représente l’image universelle de l’Algérie.

Le français et la culture française des Lumières ne sont pas la propriété du système politique français, ils sont un patrimoine méditerranéen et universel. Le français restera notre accès à la pensée humaine à travers les belles traductions. Dans cette langue on a découvert les richesses universelles allemandes, américaines, russes, japonaises, chinoises et autres. Ceux qui combattent le français oublient que l’anglais est présent à l’école algérienne à partir de la première année du collège, et tant mieux.

Les partisans de l’enseignement de l’anglais ne cessent de scander que le français est la langue de la colonisation, oubliant que l’anglais est la langue de l’impérialisme américain qui a détruit l’Irak et dévasté la Syrie, qui a déclaré Jérusalem capitale d’Israël malgré l’opposition de l’ensemble des pays de l’Union européenne, y compris la France. L’Algérie d’aujourd’hui n’est pas une colonie française, elle est une colonie de sous-développement, de la corruption et des corrompus.

Amin Zaoui

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