Le hadj ou la rente divine !

Tout ce qui s’achète se vend. Dans la terre d’islam tout est à vendre. Tout est à acheter. On vend Dieu. On vend la religion. On vend une place au paradis. On vend du pétrole. On vend des dattes.On vend les migrants. On vend des tomates. On vend les pays. On vend les versets. On vend les Lieux saints. On vend des hassanat. On vend l’ombre sur les plages. On vend le sable des plages. On vend le vent. On vend tout parce qu’il y a un acheteur pour tout.

Au fur et à mesure que la guerre dans la région du Moyen-Orient réclame plus d’argent, et afin de payer les factures des usines d’armes américaines, l’Arabie Saoudite trouve en el hadj, le pèlerinage, un moyen de recouvrement opportun. La rente divine !
Au fur et à mesure que le projet saoudien titanesque futuriste appelé Neom sort des sables ; un projet du rêve où les taxis volants remplacent les tapis volants, réclamant plus de ressources d’argent, l’Arabie Saoudite augmente dans les taxes des hadjis.
Et l’Arabie Saoudite a tout à fait raison. La patrie avant le bon Dieu ! Le hadj a toujours été, chez les musulmans et même avant la venue de l’islam, une saison pour le commerce. Par l’argent des hadjis et hadjiyates (pèlerins et pèlerines), et cela est un argent hallal, le gouvernement saoudien prépare son pays pour l’an 2030. Femmes au volant, cheb Khaled dans les salles de spectacle, et le courant ultraconservateur écrasé ! Et l’Arabie Saoudite a tout à fait raison.
Dieu est aussi un espace pour investissement, encore mieux que le pétrole. Si les puits de pétrole seront frappés, un jour ou l’autre, par la sécheresse, Allah des musulmans demeurera généreux pour l’éternité ! Un bon fonds de commerce à vendre. La fin de la rente pétrolière est annonciatrice de la rente divine. Un train en cache un autre !
Et ce nationalisme saoudien montant qui s’exprime par les mesures prises en faveur d’une augmentation des taxes du pèlerinage, par le projet Neom, sera-t-il une prise de conscience pour les pèlerins algériens ? Pour les décideurs algériens ? Pour les intellectuels algériens ? Pour la classe politique algérienne ? Il faut expliquer aux musulmans naïfs, ceux des marges, que tout est commercial, tout est économique. On vend Dieu dans des prêches. On vend la Kaâba aux pèlerins selon la demande des banques et les besoins des économistes. On vend la tombe du Prophète et ses hadiths. Et tout cela est permis dès que l’intérêt national du pays l’exige !
Le sacré religieux, et à travers les siècles, à travers les pouvoirs qui l’ont façonné, se tenait en permanence comme sur la paume de la main d’un ifrit (Satan) ! Et cette paume de la main n’est que le pouvoir de la politique et de la force de l’argent.
La politique et l’argent sont capables de changer le sacré, le déstabiliser, le manipuler. Ils peuvent anesthésier la conscience du musulman. Avec la montée du nationalisme saoudien, et tant mieux pour les Saoudiens, les musulmans de la marge n’ont pas besoin d’une religion naïve, ni d’une foi dupe !
Relire et repenser l’Histoire musulmane nous donne une idée sur la profanisation du sacré et du pèlerinage.
Les historiens arabo-musulmans nous racontent avec précision et beaucoup de détails que le pèlerinage a été interrompu au moins quarante fois dans l’histoire de l’islam. Il a été interdit aux musulmans d’accomplir le pèlerinage, par d’autres musulmans. Ces autres musulmans, eux aussi prient Allah, le même Dieu.
Dès qu’il y a naïveté dans la foi islamique, il y a possibilité de déviation vers la violence enfantée par l’instrumentalisation politique.
Pourquoi est-ce que la présence du sacré religieux est plus forte chez le musulman maghrébin ? Dès que le croyant se trouve, géographiquement, loin des lieux source de cette sacralisation, tout lui paraîtra purifié, les lieux et les gens qui gèrent les lieux. Tout est angélique !
Les musulmans maghrébins, par leur situation géographique, sont plus naïfs dans leur foi et ainsi plus faciles à la manipulation politico-religieuse violente. Dans cette sacralisation naïve, à titre d’exemple, à travers l’Histoire du pèlerinage, beaucoup de manuscrits sont partis dans les bagages des hadji, les pèlerins maghrébins pour finir dans des mosquées ou dans des bibliothèques familiales saoudiennes.
C’était la tradition qui a vidé le Maghreb de ses richesses en manuscrits, le déplumant d’une partie de sa mémoire culturelle. Ainsi la question de l’identité est toujours d’actualité. La religiosité maghrébine a perturbé l’identité.

Amin Zaoui