J’ai honte de dire « pardon » aux miens.

Abdennabi Ben Baya

Abdennabi Ben Baya

Les ANONYMES

En Tunisie, un scandale succède à un autre. Dire qu’on est triste ne ressemble plus à rien, ça vire même à l’obscène.

Il y a un an, jour pour jour, un certain Samedi 06 Novembre 2016, Saâd al-Ghozlani (âgé de 26 ans), de la délégation de Sbiba, gouvernorat de Kasserine, fut abattu par des terroristes qui se sont infiltrés chez lui alors qu’il rendait visite à sa mère. Saâd, ainsi que Riadh barouti, le dernier martyr sur la liste du bardo, sont les ‘‘soldats’’ de la nation. Leurs camarades-survivants la défendront pendant que nous dormons, pendant que nous nous agitons derrière les écrans. Faits divers condamnables, me diriez-vous ? Même pas. En Tunisie, les malheurs se sont mus en incidents quotidiens ritualisés, les drames reçus avec le hochement de la tête, des épaules et des fesses. Notre tragédie se banalise, se ridiculise: burlesque à peine risible. Reste les enfants et familles de ceux qui partent. Que leur dirions-nous?  »Paix à leurs âmes! » –Ah, humains! ah, les infâmes! Nous sommes tous leurs assassins. Reste encore la maman de Saâd Al-ghozlani à qui il lègue ses souliers comme unique mémoire. L’auriez-vous oubliée, elle aussi? Comment? Par quoi la consoler? En Tunisie, nos soldats meurent en silence. Nos martyrs sont anonymes.
Nous sommes indignes dêtre des-êtres-de-langage: Nos discours nous trahissent, débusquent notre mauvaise foi. Nous sommes tous lâches et opportunistes. Ici, partout ça pète, les jambes s’écartent, on vise, on glisse, on rate. il n’ ya que les damnés qui, par instinct, se battent. Quand on fabrique des utopies, c’est pour être les leaders privilégiés de ces masses crédules et soumises et non pour le bien des générations qui nous succèdent. L’histoire l’a déjà montré. Nous trichons, et nos enfants, qui s’en rendent compte, nous honnissent. S’ils font semblant de nous respecter, c’est par manque de moyens. J’ai honte de dire ‘pardon’ aux miens.

Abdennebi Ben Beya