Les musulmans entre leur Livre et les livres !

Amin Zaoui

Amin Zaoui

Dans l’imaginaire du simple musulman jusqu’à l’intellectuel, l’idée suivante est capitale : tout le monde est convaincu que dans toute l’histoire universelle livresque il n’y a qu’un seul livre c’est : le Livre révélé. Le Saint Coran. Les autres livres ne servent à rien ou pas à grand-chose.
Le Livre dominant, par excellence ! Et dans cet état psychique perplexe et confus qui perdure depuis quinze siècles, sur le plan politique, culturel, confessionnel et civilisationnel, le musulman se trouve déboussolé entre le divin et le temporel. Cette situation mentale et psychoculturelle a provoqué une mécompréhension du sens de l’écrit et du révélé chez les musulmans. De ce fait est né le phénomène de la sacralisation de la langue dans laquelle le Livre des musulmans a été révélé. La langue élue, l’arabe. Dans l’évidence musulmane, l’arabe est la langue la plus complète ! Éternelle ! Les autres langues, aux yeux du musulman, ne sont pas vénérables. Cependant elles n’ont pas un rôle important à jouer dans la vie d’un musulman même si elles sont porteuses des sciences, de la belle littérature, de la médecine et de la technologie. La négligence et le manque d’intérêt à l’enseignement des langues étrangères trouve sa justification divine dans cette sacralisation de la langue arabe dans et avec laquelle la révélation du Livre a été faite.
Dans la vie du musulman, particulièrement en ce temps qui court, on constate une théâtralisation quotidienne du Livre sacré, des scènes d’hypocrisie livresque où on exhibe maladivement le Livre, le Saint Coran.
On “Le” retrouve partout ! On “Le” retrouve dans des bureaux administratifs où la bureaucratie et la corruption règnent, on “Le” retrouve sur les comptoirs des magasins commerciaux où la tricherie est maître de toutes les transactions, on “Le” retrouve dans des chantiers où tout est en arrêt et les ouvriers font leur sieste perpétuelle, on “Le” retrouve dans des hôpitaux où les passions souffrent et meurent par négligence et légèreté, on “Le” retrouve entre les mains des chauffards aveuglés ou dans des cassettes audio et nous sommes le pays qui comptabilise le plus d’accidents mortels.
La présence publicitaire quotidienne du Livre Saint le Coran n’est pas pour accomplir le devoir religieux. Cette présence est un paravent qui cache et cultive l’hypocrisie sociale et religieuse. Pour escroquer le citoyen naïf !
Pour les musulmans toutes les sciences qui peuvent exister sur terre, depuis la création de l’univers jusqu’au jour d’aujourd’hui : les mathématiques, les physiques, les téléphones smartphones, la médecine, les médicaments, les maladies, les animaux, les microbes, les astres, les univers, les langues… tout ce monde merveilleux se trouve, noir sur blanc, dans leur Livre. Tous les secrets de ce monde sont révélés dans leur Livre. Et de ce fait, les musulmans n’ont pas besoin d’aller chercher dans d’autres livres, pour apprendre les maths, la médecine, la géographie, l’astronomie, la physique, la littérature… Ils se contentent de lire et apprendre leur Livre. De “L”‘exhiber.
Pour les musulmans, installés dans leur paresse, les autres, c’est-à-dire les chrétiens, les juifs et les athées, les Occidentaux en général, ne font que voler les sciences soufflées dans leur Livre !
Dès que les Occidentaux, les chrétiens, les juifs découvrent quelque chose d’époustouflant, de merveilleux, d’extraordinaire : fouler le sol lunaire, arriver sur Mars, découvrir une nouvelle équation chimique, une découverte médicale, une découverte naturelle… les musulmans crient à tue-tête : ceci se trouve dans notre Livre !
On raconte qu’un certain général arabe appelé Amr Ibn-al-Ass (573 – 664) lors du siège de la ville d’Alexandrie en 642, ne sachant que faire du contenu inestimable de sa célèbre bibliothèque, aurait demandé conseil au calife Omar Ibn al-Khattab (634 à 644), qui lui répondra en ces mots : “Si ces livres sont conformes au Coran, ils sont inutiles et tu peux les détruire. S’ils sont contraires, ils sont pernicieux et tu dois les brûler.” !
Proie à cette idée, la société musulmane vit dans une paresse intellectuelle absolue. Le sommeil total, profond, mais aussi dangereux !
La célébration du Livre Saint dans une société où règne le vide culturel et livresque, où la lecture créative est absente, cette célébration est déconnectée de son époque.
En l’absence de la lecture de l’histoire des religions, en l’absence des études comparatives des religions, nous ne pouvons pas mettre le Livre Sacré dans son processus historique. Et de ce fait notre lecture sera condamnée à l’erreur et au sacré mythique ou au suicide intellectuel.
Parce que la société musulmane ne respecte pas les livres, ne célèbre pas la lecture, elle n’arrivera jamais à respecter son Livre Sacré. La société qui ne lit pas, avec plaisir, les romans, la poésie, la philosophie, l’histoire n’arrive jamais à lire correctement son Livre Saint.
La société musulmane, celle qui combat et interdit la présence de la haute et belle musique, n’arrive jamais à écouter la sainte voix du Dieu. Cette société est coupée du Ciel.
La violence qui fait prendre sa référence du Livre et du religieux n’est que la conséquence de cette absence de la culture livresque dans la société musulmane. L’absence de la culture critique.
De ce fait, et dans un vide livresque, l’absence de la culture, livre, théâtre, cinéma et musique le Livre Saint devient une sorte de refuge pour masquer ce vide intellectuel. Et un tel vide culturel et philosophique enfante des pseudo-intellectuels : des pseudo-savants, des pseudo-faqihs, des pseudo-prédicateurs, des pseudo-guides, des pseudo-imams qui n’arrêtent pas de marteler la société par des fatwas bizarres et insolites. Chose vécue, malheureusement !

Amin Zaoui