14 JUILLET , ou pourquoi je me sens coupable

abdennabi ben bayaHier, pendant les commémorations du 14 Juillet français, mes yeux étaient braqués sur Nice et son deuil. Je me suis senti coupable: coupable de partager le passeport du terroriste qui a causé la mort aveugle de dizaines d’innocents, coupable d’avoir des pieds qui frôlent le même sol qu’un criminel, coupable d’être né sur un fragment du même espace, coupable d’être son concitoyen, coupable de ‘servir’ sous le même drapeau, coupable d’entendre le gouverneur de Sousse, jumelée à Nice, invité, coupable d’entendre son dsicours fade, coupable de l’entendre trébucher à chaque syllable, non par émotion mais par l’inculture éjectée d’une voix rouée, froide et machinale.

J’ai passé une heure à regarder un spectacle solennel, digne d’un grand pays qui honore ses vicitmes, digne d’un peuple qui survit par la mémoire, un peuple qui n’oublie pas et qui ne fait pas d’amalgame, un peuple qui fait la distinction entre les citoyens tunisiens et la mauvaise graine implantée dans leur sol par je ne sais quelle main maléfique. Le spectacle a duré des heures dans la même posture. Les survivants, parents et proches des disparus ont été honorés, les officiels de la police et de la gendarmerie, grands et petits, décorés dans les honneurs dûs à leur bravoure. J’aurais aimé ressembler à mes ex-colonisateurs, j’aurais aimé leur dire qu’ils avaient raison de nous laisser tomber, j’aurais aimé leur dire qu’ils s’étaient trompés de croire que nous étions civilisables, j’aurais aimé me flageller, moi qui déteste les masochistes.

Ma mémoire s’est mise à se rebobiner. J’entends des cris d’alarme en 2011, à l’ère du gouvernement Nahdhawi. Je vois le cinéma Africa saccagé, je vois Al-Ibdilliya, je vois les visages des martyrs Socrate Cherni et Lotfi Naggadh, je vois le sang de Chokri Belaid, de Brahmi et celui des dizaines de soldats, de policiers et de gendarmes, je vois le sang gicler des corps des bergers de Kasserine, j’entends des voix justifier le massacre, des voix qui nous parlent de jogging au mont Chaâmbi, j’entends l’appel au jihad en Syrie, j’entends un président déclarer la fermeture de l’ambassade de ce pays fraternel, je vois des documentaires sur toutes les chaînes du monde montrant les soldats de Daech les plus sanguinaires, j’entends leur nationalité : ils sont tous tunsiens. J’entends, je vois tout cela et ai le vertige.

Sept années sont déjà passées. Les criminels qui ont violé le souffle de liberté règnent encore sur nos destinées, sept années passées et ces mêmes criminels continuent à bafouer le reste de notre dignité, sept années passées et aucun signe de regret. Sept années passées et les traces de la terreur décorent les murs du musée de Bardo, le sang des martyrs des touristes avalé par le sable de Sousse et par la poussière de nos régions, sept années passées sans mémoire. Des cris haineux tonnent aux oreilles : Un humouriste tunisien d’origine juive, plus tunisien que le meilleur de nous-mêmes, est insulté. Est-il sioniste? Qui de ceux qui nous gouvernent ne l’est pas? Qui de nous n’a pas trahi sa propre ‘identité’, sa propre nation? Qui de nous n’est pas pire que pire?
Je vois des manifestants devant le ministère de la culture. Je pensais qu’ils étaient des artistes venus revendiquer plus de liberté d’expression. Le spectacle m’a frappé dans les trippes. Oui, ils étaient du milieu de la culture et des arts, oui, ils étaient des députés de partis, oui, ils étaient des intellectuels, tous venus dire ‘NON au spectacle de Boujnah !’. J’observe leurs visages, je reconnais la plupart : ‘‘Tous étaient des figures au 1er rang lors des festivités du 7 Novembre, tous décorés par Ben Ali.’’

Aujourd’hui, j’ouvre la boîte des souvenirs sur facebook : il y a une année : le 14 juillet 2016, un tunisien tourne la fête en massacre et deuil sur l’esplanade de Nice internationalement admirée et visitée. Bilan :
Morts 86
Blessés 458

Juste après, je trouve, parmi les archives facebookiens, cet article ( ci-bas ) rédigé par un ‘‘éminent tunisien, propagandiste de la terreur’’, un philosophe, nous dit-on, qui fait la fierté de la secte d’ENNAHDHA. Jetez un coup d’œil sur le titre. LE VIRTUEL, décidément, a plus de mémoire que les humains :

Abdennebi Ben Beya

Illustration haut de page : le gourou et le « philosophe »

apologie terrorisme tunisie