En Tunisie, le moringa provoque emballement et spéculation

Sarah Magida Toumi tunisieLe moringa est un arbre dont les feuilles s’arrachent sur le marché international pour leurs supposés bienfaits nutritifs. La Tunisie comptait en profiter, mais la spéculation pourrait gâcher la fête.

Les feuilles de moringa s’arrachent sur le marché international. On leur prête toute sorte de vertus. Une fois réduit en poudre, le feuillage permettrait de stimuler le système immunitaire, d’abaisser la pression artérielle et de soigner le diabète. L’arbre a été introduit il y a quelques années en Tunisie où, plus qu’ailleurs, il est considéré comme l’arbre miracle.

Une greffe a priori réussie

La vague « moringa » déferle sur la Tunisie, l’Afrique, le monde. La graine « magique » qui soigne les maux, la terre et les porte-monnaie a été apportée en Tunisie par Sarah Toumi il y a cinq ans. Entre miracles et mirages, la saga moringa bat son plein, au rythme des aléas de l’entreprenariat social au féminin. Un univers à découvrir avec notre série en trois épisodes : les difficultés derrière la success-story, les dangers de la bulle spéculative et le potentiel des nouvelles technologies.

Le moringa est un arbre facile. Originaire du sous-continent indien, il s’adapte ailleurs et pousse très rapidement, en réclamant très peu d’eau. Or, la Tunisie est l’un des pays au monde qui souffre le plus de stress hydrique. Le moringa a été présenté comme l’arbre qui permettrait de lutter contre la désertification et contre la pauvreté. Vendu très cher grâce aux supposées propriétés de ses feuilles, il permettrait même de faire fortune. Mais pour l’instant, en Tunisie, on est bien en deçà de toutes ces espérances.

La déception d’une entrepreneure

Il y a des jours où le portable de Sarah Magida Toumi ( photo ci-contre ) ressemble au standard de « Qui veut gagner des millions ? ». La jeune femme soupire en montrant son smartphone : « Depuis un an, je reçois plein de sollicitations, mais je manque d’agriculteurs sérieux pour le moringa, des gens sans folie des grandeurs, prêts à attendre quelques années pour gagner de l’argent. »

Sarah Magida Toumi, une jeune franco-tunisienne, a été l’une des premières à introduire le moringa dans le pays, après la chute du régime Ben Ali en 2011. L’ambition était de permettre à des femmes de sortir de la pauvreté, via une coopérative spécialisée dans la culture de cet arbre. Son projet lui a valu une reconnaissance internationale. Sarah Magida Toumi est entrée dans le top 30 des entrepreneurs sociaux de moins de 30 ans du magazine américain Forbes. Désormais, elle est membre du conseil présidentiel pour l’Afrique d’Emmanuel Macron. Mais aujourd’hui, sa coopérative est quasiment à l’arrêt, victime de la spéculation autour du moringa.

Des lobbies à l’affût

La majorité des agricultrices avec lesquelles la jeune entrepreneure travaillait sont parties avec les graines de moringa, pensant faire fortune. « Des gens cherchent des informations sur nous pour aller contacter nos agriculteurs, aller les voir directement sur le terrain et leur proposer plus d’argent, les acheter en fait », affirme-t-elle, ajoutant que des lobbies veulent s’accaparer le moringa en Tunisie. « Tout ce qu’ils veulent, c’est en planter à perte de vue, en intensif, et gagner un maximum d’argent », prévient la chef d’entreprise, redoutant aussi que la terre se dégrade et que l’on utilise trop d’eau, alors qu’elle se bat contre ces pratiques.

Pas de bienfaits du moringa pour la Tunisie

En Tunisie, aujourd’hui, les plantations sont anarchiques. Il est impossible de dire combien d’arbres ont été plantés ces dernières années. L’arbre n’est toujours pas officiellement homologué. Le marché n’est pas contrôlé. Le moringa peut donc se révéler bientôt plus nuisible que miraculeux, si la machine ne cesse de s’emballer.

Sources : francetvinfo.fr et Le Monde

Le moringa

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