La Question du Qatar et ses sbires

Mansour Mhenni

Mansour Mhenni

D’évidence, l’attitude de rupture diplomatique et économique avec le Qatar, adoptée par de nombreux pays du Golfe arabe, ne saurait émaner d’un coup de tête ni d’une incompatibilité d’humeurs entre dirigeants des pays concernés. Plus même, elle semble déborder le cadre des relations bilatérales et même celui de petites coalitions régionales, pour s’étendre jusqu’au nerf moteur de la géostratégie internationale.

En termes de rapports de forces, il est clair que l’axe pro-américain reprend l’initiative dans la région, au nom de la lutte contre le terrorisme, autour de l’Arabie saoudite, de l’Egypte et des Emirats Arabes Unis, au détriment de l’axe pro-iranien, avec son bras actif, le Qatar. Même les anciens alliés de ce second axe et ses alliés objectifs préfèrent temporiser et appeler à la sérénité et au dialogue, tellement ils sont conscients de la délicatesse de la situation, de la gravité des enjeux et des risques probables pour chaque pays à part.

Nous n’allons pas trop nous aventurer dans la logique de la conjecture, car plusieurs inconnues manquent à l’équation et plusieurs éléments rationnels font défaut à la voie de la résolution du problème. Cependant, cela ne nous empêche pas d’approcher la situation du point de vue des intérêts tunisiens.

A ce propos, force est de saluer la sagesse de la diplomatie de notre pays, en droite ligne de ce qui l’avait toujours caractérisé depuis l’indépendance, à part cette regrettable parenthèse marzoukienne, cautionnée par les partenaires de la troïka, quand le président provisoire, sur un vrai coup de tête ou sur ordre de ses parrains et bailleurs de fonds, décréta la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie profondément blessée par une guerre civile dont on ne voit pas encore clairement l’issue.

Nous n’aurions pas rappelé cette fâcheuse méprise de notre diplomatie, voire de notre gouvernance, si l’ancien président provisoire ne s’était pas distingué, encore une fois, par l’appel à une attitude de la Tunisie systématiquement alignée sur la position et les intérêts du Qatar.

Il faut reconnaître qu’au nom de la démocratie, Moncef Marzouki est libre de sa position et même de son appel à la soutenir. De toutes les façons, indépendamment de qui a raison dans cette crise, les liens d’allégeance et d’obligation de Marzouki au Qatar ne sont plus à démontrer et ce faisant, il est pleinement dans la cohérence dont l’a chargé son « maître » ou son employeur. Comme quoi, et sans nul dénigrement, on est toujours le Zelm de quelqu’un et personne n’y échappe, même pas les chantres les plus criards de la liberté et de l’indépendance. Moncef Marzouki et certains de ses partisans ont au moins le mérite de s’assumer dans ce rôle et dans ce statut.

Mais le fameux Marzouki doit comprendre que le faire et le dire au nom du peuple tunisien relève tout bonnement du ridicule. En effet, il ne lui revient plus de dicter à l’Etat tunisien de protester contre « l’isolement du Qatar ». Si précipitation il y a dans la décision, pour certains, de rompre les relations avec un pays soupçonné de connivence avec le terrorisme et de nuisance à des pays frères, Marzouki devrait d’abord se souvenir des jours où il prenait ces décisions avec la même précipitation et pour moins de raisons que dans le cas de figure. La Tunisie a son gouvernement et a redressé sa diplomatie et ce n’est vraiment pas Marzouki qui lui serait du meilleur conseil en la matière.

En tout cas, ce ne sont pas les 7000 voix (0,1% du nombre d’électeurs) ayant autorisé le parti islamiste Ennahdha à le faire président provisoire qui lui donneraient une quelconque légitimité de représentation du peuple tunisien. Et même les voix obtenues au second tour des élections de 2014 ne renforceraient pas une telle légitimité prétendue, puisqu’on sait qu’elles étaient à plus de 80% prêtées par Ennahdha.

Et celle-ci est aujourd’hui d’un autre bord et avec d’autres considérations. Mais là, c’est une autre question…

Mansour M’henni

Illustration par la rédaction

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