L’îlot de la Tunisie heureuse et insouciante est bien là

Essoussi Kamel

Essoussi Kamel

Dimanche 13 heures. La Goulette. Une virée familiale de communion à fêter un anniversaire. C’était un havre de paix en dehors du temps, dans une pénombre comme pour mieux s’oublier, s’isoler à déguster de l’excellent poisson sentant encore l’odeur d’iode et à savourer des plats du terroir que des serveurs aux petits soins vous distillent. Une bulle de convivialité en dehors de tout.
Les trois octogénaires trônaient sublimes au milieu de ce restaurant sélect bondé dont elles semblaient des habituées. Des vieilles mémères adorables qu’on a envie d’embrasser sorties tout droit de ces vieux éternels feuilletons hollywoodiens des feux de l’amour. Leurs mains sillonnées de veinules bleues portaient hésitantes à la bouche leurs fourchettes chargées de quelques feuilles de salades finement et patiemment enroulées. Elles prolongeaient des corps ratatinés par le poids des ans. Leurs voix se faisaient discrètes et se lézardent à se raconter des histoires de maris qu’elles avaient enterrés, de petits enfants éparpillés aux quatre coins du monde dont elles oubliaient souvent les prénoms. Elles se souciaient peu des regards tendres qui les caressaient entre deux bouchées , d’une clientèle variée enserrée dans des tables bien garnies, joyeuse et gaie, insouciante avec des éclats de rire qui ne semblaient pas gêner outre mesure cet « étranger » seul sur sa table à tapoter quelques notes sur sa tablette entre deux bouchées de spaghettis soigneusement aspirées et deux gorgées d’un excellent blanc de blanc qu’il semblait apprécier.
15h30 environ. Le ventre est maintenant bien tendu, après avoir bien mangé et sagement bu. Le Gueuleton se termine dans l’euphorie et la joie de vivre. L’îlot de la Tunisie heureuse et insouciante est bien là, épargné encore par cette coulée sournoise des effluves de 3etr , d’encens et de l’accent à la mode de ces 3orbenes du golfe.
Le patron tout en sourires vous ouvre la porte en courbettes.. La bulle bienfaisante éclate en plein jour. Elle vous éjecte et vous éclabousse d’une lumière qui vous aveugle avant que les bâtonnets de l’iris ne s’y réadaptent. Un mendiant vous colle aux fesses pour demander indigne quelques millimes, sous les yeux d’un flic assis fusil mitrailleur en main à bailler d’ennui à somnoler … insensible à tous ses décibels que le minaret juste sur sa tête crache cacophonique de toutes ses forces pour la prière d’el 3asr je crois.

Essoussi Kamel